René Bidal fait le point sur les dossiers entre l’Etat et le Pays


PAPEETE, 17 janvier 2017 - Le haut-commissaire René Bidal recevait les rédacteurs en chef des médias locaux ce mardi matin à l’occasion d’un petit déjeuner. L’opportunité de faire le point sur les dossiers en cours dans un contexte plus convivial que celui d’une conférence de presse.
Les petits déjeuners de presse sont l’occasion pour le haut-commissaire et les responsables éditoriaux des médias d’échanger de manière plus approfondie et moins "formelle" sur les sujets qui font l’actualité ou le bilan de l’activité de l’autorité de l’Etat en Polynésie française ; mais aussi d’évoquer les projets à venir. En cette année électorale, alors que la période de réserve fixée au 24 mars approche, les sujets abordés ont été nombreux.

Délinquance et Sécurité : Les chiffres de ces cinq dernières années révèlent que si la délinquance reste contenue en Polynésie, elle concerne une population de plus en plus jeune. Le haut-commissaire a insisté sur le devoir parental dans l’accompagnement des enfants, rappelant que "l’abandon moral" était un délit passible de poursuites pénales devant les tribunaux "lorsqu’il y a un délaissement éducatif, les parents peuvent être poursuivis", rappelle-t-il : "Je pense que des enfants de 13 ans n’ont pas à être à minuit sur les routes, comme on a pu le constater lors de la dernière opération à Moorea. Les parents doivent aussi expliquer les règles de prudence à leurs enfants lorsqu’ils prennent leur scooter, car rappelons que la violence est aussi routière". René Bidal constate que les églises travaillent beaucoup sur la pédagogie, le lien social, le "vivre ensemble", sur les bonnes conduites, et qu’elles jouent un rôle important, mais il estime qu’elles ne doivent pas se substituer au rôle des parents. "Le Pays, l’Etat, les églises se réunissent dans le cadre du plan de prévention de la délinquance, mais nous n’arriverons jamais totalement à nos fins si il n’y a pas derrière un suivi parental notamment pour les mineurs", conclut-il.

Le haut-commissaire estime que la violence en Polynésie, si elle est peu nombreuse, et généralement liée aux addictions. "Les stupéfiants et l’alcool sont un véritable fléau en Polynésie, nous devons faire la guerre aux déviances addictives. Quand on sait que 70% des accidents sont liés à l’alcool ou au paka".

Le haut-commissaire a tenu à saluer le travail effectué par les forces de l’ordre rappelant que grâce au travail d’enquête réalisé par la gendarmerie et la police, la plupart des suspects des affaires criminelles qui ont eu lieu cette année ont été arrêtés et traduits devant la justice. Un constat sera effectué prochainement à l’occasion de la venue en Polynésie de Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux.

Tour d'horizon des dossiers en cours

Tahiti-infos : Le Président François Hollande a mardi, annoncé lors des veux aux Outremer que les accords de Papeete devraient être signés, « par respect de la parole donnée ». Une ébauche de projet a été faite. On y trouve la reconnaissance du fait nucléaire, le soutien à l’inscription de Taputapuatea au patrimoine mondial de l’Unesco et à la réalisation du centre culturel de Vaiami. L'Etat y confirme aussi le maintien de la défiscalisation pour le logement social et l'investissement productif jusqu'en 2025. Où en sont les négociations ?

René Bidal : Conformément à l'objectif qu'a exprimé le Président de la République, lors de sa venue le 22 février 2016 et encore, hier, le 16 janvier lors des vœux qu’il a prononcés au Ministère des Outre-mer, l'égalité entre les territoires ultra-marins et l'hexagone doit être attachée à l'idéal républicain. C'est pour atteindre cet objectif qu'une loi relative à l'égalité réelle inspirée des conclusions du rapport LUREL est, en ce moment même, soumise au Parlement (séance publique au Sénat le 17 janvier 2017). Elle se déclinera par territoire via des conventions particulières et, s'agissant de la Polynésie française, au travers de ce qu'il avait été convenu d'appeler "l'accord de Papeete". La loi va en effet prévoir des plans de convergence qui, pour la Polynésie française, correspondra aux "accords de Papeete". Préalablement à ce plan de convergence, depuis déjà de nombreuses semaines un document fait l'objet d'échanges itératifs entre le gouvernement de Polynésie française et le ministère des Outre-mer. Ce travail a pour ambition de lister les sujets qui seront, évidemment, inscrits dans le prochain plan de convergence pour la Polynésie française. Ce texte continue à être examiné par les parties prenantes et si aucune date n'est encore arrêtée désormais elle devrait être proche car c’est le souhait réitéré que le Président de la République vient d’exprimer.

Le "toilettage" du statut était annoncé pour 2016 et promis par le président François Hollande lors de sa visite officielle à Tahiti. En novembre, la ministre des Outre-mer a évoqué un examen du texte en conseil des ministres en janvier 2017. Mais vu le calendrier politique national, le projet de loi organique relatif au toilettage du statut d'autonomie de la Polynésie française ne sera vraisemblablement pas soumis à l'examen parlementaire durant l'actuel quinquennat. A moins d'être inscrit à l'ordre du jour d'une session extraordinaire, ce projet de loi organique ne pourra être examiné qu'à la session de printemps qui démarre le 2 avril prochain, tandis que le premier tour de la présidentielle est programmé le 23 avril. Cela veut bien dire que cela ne se fera pas ?

René Bidal : A la suite du rapport d'information du 8 juillet 2015 que Jean-Jacques Urvoas a rendu en qualité de Président de la Commission des lois de l'Assemblée nationale, qu'il était avant d'être nommé Garde des Sceaux, de nombreux travaux ont été menés pour procéder à un ajustement de la loi organique du 27 février 2004. Le gouvernement de la République française a la volonté de déposer le texte au Sénat avant la clôture de la session parlementaire et entend mener à son terme le processus législatif qui sera amorcé avant les élections, présidentielle et législatives, de 2017. Dans un premier temps, le projet sera, en effet, examiné courant janvier, en conseil des ministres. Sur ce sujet, je rappelle que c'est ce parlementaire qui est à l'origine de la prise en compte effective d'une volonté qui était depuis longtemps exprimée par le Pays. Pour autant, le statut de 2004 prévoit déjà de nombreuses compétences que le gouvernement polynésien a à cœur d’exercer pleinement.

Le gouvernement a fait des demandes de modifications sur le décret qui a été présenté. Seront-elles prises en considération ? (bien que le secrétaire d’Etat ait estimé que ce ne serait pas le cas).

René Bidal : En l’Etat actuel des choses, nous avons donné un texte pour avis aux institutions du Pays, l’avis a été rendu, nous avons renvoyé la proposition réglementaire au Conseil d’Etat qui va donner lui même un avis, nous verrons comment tout cela se traduit, mais je ne pense pas, en effet qu’a ce stade, la notion de risque négligeable disparaisse du texte final qui sera décidé et adopté.

Les versements du RST sont conditionnés à une série d’engagement de la part du Pays. Est-ce que les conditions attendues par l’Etat sont respectées par le gouvernement ?

René Bidal : Je rappelle que l’engagement de l’Etat dans le RSPF n’est pas permanent mais a fait l’objet d’un accord triennal qui courre de 2015 à 2017. La dotation globale est de 1,4 Milliards par an versée en deux fois. Les versements font suite à des réunions de Copil auxquelles participent le Pays, l’Etat, la France par visio-conférence. Lors de ces Copil, un point est fait sur les engagements du Pays vis à vis de la réforme structurelle de la PSG. Un premier versement de 700 Millions a été effectué en juin suite au premier Copil. La deuxième enveloppe est prévue à l’autorisation d’engagement, une lettre est à la signature sur le bureau de la ministre. Nous comprenons l’urgence, c’est une nécessité pour le Pays, comme le rappelait Edouard Fritch. Je constate que dans les missions qui sont attribuées au nouveau ministre de la santé figure en très bonne place la reforme de la PSG, c’est quelque chose que j’encourage, car c’est structurant pour le pays, mais néanmoins, je sais que cela va demander du temps. Et je comprends le gouvernement local dans son travail préalable, car au delà des chiffres et des orientations que l’on souhaite donner, il y a des négociations. Une réforme structurelle, cela suppose des négociations avec de nombreux professionnels et de nombreux corps sociaux. Donc on ne peut pas demander au président Fritch et à son gouvernement de régler en 18 mois une nécessité qui s’est fait ressentir depuis de nombreuses années, à commencer par le régime des retraites. C’est une approche globale et complexe et il faut laisser le temps nécessaire pour que les conclusions soient acceptées et légitimes. C’est un travail en profondeur et tout ce qui pourra être fait pour aider le gouvernement polynésien dans ce travail sera fait par les services de l’Etat que je représente.

Fin 2014, les députés polynésiens avaient demandé qu'un rapport soit réalisé sur les modalités d'application de la Contribution au service public de l'électricité (CSPE) en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. Le 5 octobre, la Ministre des Outre-mer a indiqué à l'Assemblée nationale que le rapport sur la question de la CSPE sera "rendu très prochainement". En mars dernier, Nuihau Laurey, sénateur, avait adressé une question écrite au gouvernement sur ce sujet et disait "regrette(r) que cette extension de l'applicabilité de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) soit limitée à ce seul territoire". "Ce manquement alimente de fait une double inégalité, d'abord entre les territoires de la même zone puis entre, d'une, part la métropole et, d'autre part, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie", soulignait celui qui est aussi en charge des énergies au gouvernement. "Ces deux collectivités sont aujourd'hui parmi les dernières collectivités ultramarines à ne pas bénéficier de cette péréquation tarifaire. Il en est où ce rapport ? Quelqu'un a travaillé dessus ? Il sera rendu public un jour ?

René Bidal : Tout d’abord il faut rappeler que la contribution au CSPE en France représente 16% de la facture des consommateurs. Cela représente 7 milliards d’euros versés dans une caisse de péréquation, dans le but de pérenniser la notion de service public. On peut donc considérer la nature fiscale de cette contribution. En terme de fiscalité, la Polynésie française, comme la Nouvelle Calédonie disposent d’un statut d’autonomie. Ces deux collectivités ne sont donc pas intégrées dans le dispositif du CSPE ( il n’y a pas de prélèvements sur les factures des consommateurs polynésiens) . Il semble donc compliqué qu’il y ait une contribution, sauf par voie conventionnelle. Dans le cadre de l’égalité réelle, et par soucis de connivence de régulation de l’énergie, on peut imaginer qu’une convention soit rédigée – attention, je ne dis pas qu’elle va l’être- mais il ne peut y avoir de transportation du dispositif en l’état.

Richard Lagrange, inspecteur général des affaires culturelles, est venu en août faire un état des lieux de la culture en Polynésie française. L'objectif est de dresser les "priorités" dans le domaine avant de poser les jalons de la prochaine convention-cadre entre l'Etat et le Pays dans le domaine culturel. Il indiquait : " Je ferai un rapport dès mon retour". Depuis, on n'a pas vu le rapport. La dernière convention-cadre entre l'Etat et le Pays dans le domaine culturel a pris fin en 2002. La convention devrait être signée début 2017…

René Bidal : Le rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles a été remis au gouvernement de la Polynésie française fin décembre 2016. Une nouvelle convention est en rédaction terminale, dans la perspective d'une signature avant la fin de ce trimestre. Des échanges entre le ministère de la culture et de la communication et le gouvernement de Polynésie française vont avoir lieu très prochainement pour tenir ces délais contraints. Les choses avancent très positivement et en concertation étroite avec le gouvernement local. L'inspection générale, que j'ai longuement rencontré au cours de la mission, a rendu des conclusions qui répondent amplement et positivement aux demandes et observations que l'ensemble des acteurs locaux lui ont fait part au cours de sa mission.

En février dernier, François Hollande a déposé une gerbe sur la tombe de Pouvana'a a Oopa au cimetière de l'Uranie. En novembre 2015, George Pau-Langevin avait indiqué à Tahiti Infos que " ce que nous pourrions faire (au ministère), ce serait de rappeler aux jeunes qui était Pouvana'a a Oopa et quel était son combat. Je serais tout à fait prête à accueillir une session de formation à ce sujet parce que dans ce genre de dossier, c’est l’opinion qu’il faut d’abord essayer de faire évoluer". Depuis aucun colloque sur Pouvana'a a Oopa n'a encore été inscrit à l'agenda. En juin 2014, le ministère de la Justice a annoncé le lancement du processus de révision du procès de Pouvana'a a Oopa. Où en est ce processus ou le travail sur la reconnaissance de Pouvana'a ?

René Bidal : La Garde des Sceaux a saisi, le 18 juin 2014, la commission d’instruction de la cour de révision (rattachée à la chambre criminelle de la cour de cassation). Comme suite, des commissions rogatoires successives ont été confiées au vice-président, chargé de l’instruction au tribunal de première instance de Papeete. Les derniers actes d’instruction devraient être transmis à la cour de révision (commission de l’instruction), au cours de ce premier trimestre 2017.

Rédigé par () le Mardi 17 Janvier 2017 à 14:30 | Lu 1758 fois