Relaxe pour le détenu Adelino Dias dans l'affaire des ciseaux (Màj)


Adelino Dias Nogueira jure qu'il n'avait pas l'intention d'utiliser les ciseaux comme une arme, mais que son geste était militant, contre l'insécurité qui règne en prison.
PAPEETE, le 25 août 2016 - Le parquet avait requis une peine de 4 à 5 mois de prison ferme supplémentaires contre le détenu bien connu Adelino Dias Nogueira, le 18 août dernier, en répression de sa dernière frasque. Jugé en avril dernier au tribunal de Papeete pour une tentative d'évasion, l'ancien légionnaire avait réussi à cacher sur lui des petits ciseaux qu'il s'était procurés au sein même de Nuutania. Se jouant des contrôles de sécurité lors de son extraction de la prison, il avait ensuite brandis ces ciseaux à l'audience depuis le box des prévenus, au nez et à la barbe de l'escorte de gendarmerie qui l'encadrait. Ce faisant, le détenu voulait dénoncer par l'exemple, a-t-il dit, l'insécurité qui règne à Nuutania. Il a nié toute mauvaise intention. Le tribunal a rendu sa décision ce jeudi matin, et c'est une relaxe, les ciseaux utilisés n'entrant pas dans la catégorie des armes visée par l'accusation.


"Je voulais montrer que si l'on ne porte pas assistance à quelqu'un en danger (à Nuutania, Ndlr), cette personne pouvait à son tour représenter un danger". C'est par cette phrase qu'Adelino Dias Nogueira, cet ancien légionnaire français d'origine portugaise ultra connu de la justice, avait expliqué son geste devant le tribunal correctionnel le 18 août dernier.

En avril 2016, alors qu'il comparaissait détenu pour répondre de sa rocambolesque tentative d'évasion de la maison d'arrêt de Nuutania un an plus tôt, le petit quinquagénaire grisonnant avait créé l'émoi en exhibant en pleine audience, depuis le box et au nez et à la barbe de l'escorte de gendarmerie, une paire de petits ciseaux. L'outil avait été dissimulé dans un fin morceau de carton glissé dans une enveloppe qu'il portait sur lui lors de son extraction de la prison vers le palais de justice. L'incident avait mis toute la chaîne de sécurité mal à l'aise.

Ce détenu, déjà condamné pour évasion, surveillé comme le lait sur le feu, qui purge dix ans de prison pour avoir organisé plusieurs importants trafic d'ice en Polynésie française, et notamment un depuis la prison, avait donc réussi à tromper les fouilles et les détecteurs de métaux (lire ci-dessous) pour introduire cette arme potentielle jusque dans la salle d'audience du palais de justice.

"Il ne manque pas de culot"

Le cerveau de la Mexican connection assure néanmoins qu'il n'avait pas l'intention de se servir de l'outil comme d'une arme. Celui qui a été le premier à engager contre l'Etat des procédures en indemnisation pour conditions de détention indignes affirme en effet avoir voulu, par ce geste, démontrer par l'exemple l'insécurité qui règne à la maison d'arrêt de Nuutania. Il indique également avoir agi ainsi en réaction à l'attitude de la direction du centre pénitentiaire qui lui aurait refusé l'accès à des soins, allant même jusqu'à accuser sa directrice adjointe de "pousser" certains détenus "au suicide" dans une lettre adressée directement au garde des Sceaux.

Jugé le 18 août dernier par le tribunal pour outrages sur ce dernier point, et pour détention d'armes concernant les ciseaux, le parquet avait requis une peine de l'ordre de 4 à 5 mois de prison ferme contre ce détenu "qui ne manque pas de culot", avait tancé le ministère public. Le jugement, mis en délibéré, a été rendu ce jeudi matin et Adelino Dias Nogueira a finalement bénéficié d'une relaxe. Le tribunal, à l'instar de l'avocat de Dias, a en effet considéré que les poursuites engagées pour menace et usage d'une arme de catégorie D ne tenaient pas... les ciseaux utilisés par le détenu n'étant tout simplement pas considérés comme une arme aux yeux des textes. Le tribunal qui a également constaté que le détenu n'en avait pas fait usage mais les avait simplement sortis pour étayer son discours sur les conditions de détention. Dias a également été relaxé pour les outrages, son courrier ayant été adressé au ministère de la Justice en vue d'une éventuelle ouverture d'enquête et non directement au personnel pénitentiaire dont il dénoncait les décisions prises à son encontre.


Thibaud Millet, avocat d'Adelino Dias Nogueira

"Il n'a jamais eu l'intention de s'en servir comme une arme, d'en faire usage comme d'une arme, il s'agit en réalité d'une non-affaire, nous ne sommes absolument pas dans le cadre d'un délit dans ce dossier" a réagi l'avocat de Dias, Me Thibaud Millet, à l'issue de l'audience*.

"On essaie simplement de masquer les carences de l'administration sur la sécurité pour ce qui est des objets qui entrent et sortent de Nuutania, ou du palais de justice. On masque le fait qu'il y a un détecteur de métaux qui n'a pas perçu le fait qu'il y avait des ciseaux dans l'enveloppe. Il aurait pu y avoir un couteau, un pistolet, ou je ne sais quoi. Il suffit de mettre un morceau de carton dans l'enveloppe et vous faites passer ce que vous voulez dans les détecteurs de métaux à Nuutania".

"Ils ont fait des tests sur la sensibilité de ces détecteurs et ils se sont rendu compte qu'effectivement, en mettant un petit bout de carton autour de l'objet, on pouvait faire passer ce que l'on voulait. On se rend compte également qu'il y a des détecteurs de métaux qui sont installés au palais de justice à Papeete et qu'ils n'ont jamais été mis en service et n'ont donc jamais pu détecter quoique ce soit. Voilà le véritable problème. On se rend compte aussi que les ciseaux ont été cantinés à Nuutania, donc acquis librement par des détenus, ce qui pose évidemment des problèmes".

Adelino Dias Nogueira serait donc, en quelque part, un lanceur d'alerte ? "Complètement (rire) ! C'est une affaire qui, quelque part, devrait aboutir à des changements au niveau de la sécurité à Nuutania".

*Propos recueillis le 18 août dernier.


Rédigé par Raphaël Pierre le Jeudi 25 Aout 2016 à 09:02 | Lu 7054 fois