Relaxe et sursis dans l'affaire de l'attaque mortelle des chiens de Pirae


Tahiti, le 27 septembre 2024 - Coup de théâtre, ce vendredi, au tribunal correctionnel. Convoqués pour homicide involontaire, les propriétaires des chiens impliqués dans l'attaque mortelle d'une octogénaire à Pirae en mai 2020 ont écopé de peines allant de 3 ans à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, ou ont été relaxés pour certains. Une décision qui ne satisfait pas la famille de la victime.
 
L'affaire remonte au mois de mai 2020 et avait déjà, à l'époque, suscité l'effroi sur la toile. En effet, le mardi 12 au matin une octogénaire s'était rendue au stade de JT, à Pirae, pour effectuer sa marche quotidienne. Habituée de l'exercice depuis plus de 20 ans, la vielle dame investissait le stade chaque matin afin d'éviter les dangers de la route. Un conseil de ses enfants, inquiets. Hélas, ce matin-là, la mamie avait un rendez-vous avec l'horreur. Attaquée par une meute de chiens du voisinage, ces derniers se sont acharnés. Un acte d'une violence rare qui s'est malheureusement poursuivi de longues minutes, et qui n'a pu être arrêté que par l'arrivée des voitures de la police municipale. Bien trop tard. À leur arrivée, sur le sol, gisait tout sauf un corps. Une scène effroyable appuyée plus tard par les médecins légistes : ces derniers expliquant qu'au vu du caractère des blessures répertoriées, la victime est restée vivante un certain temps avant de succomber d'un choc hémorragique. Une tragédie qui, malheureusement, ne s'est pas arrêtée là.
 
En effet, si les six chiens et leurs propriétaires – une famille des alentours – ont été rapidement identifiés, certains auraient eu la mauvaise idée d'essayer de diminuer leur implication. En cause : de précédentes condamnations pour trafic de stupéfiants et le risque d’une peine, de facto, plus lourde à venir dans le cadre de cette affaire. Une accusation d'“homicide involontaire par agression d'un chien en récidive” qui concernait le père de famille, son fils aîné et un oncle. Innocents au moment des faits mais paniqués, la mère et le fils cadet auraient pris part au projet visant à faire disparaître les traces de sang sur un des chiens, celui du fils aîné, “Biggy”. Interrogés à la barre, tous les prévenus ont assuré que Biggy était innocent et que la manœuvre fut motivée par le simple désir d'épargner le chien après que les autres se seraient fait embarquer.
 
Une version des faits qui a fait bondir le ministère public qui s'est d'ailleurs permis d'accuser l'ensemble de la famille d'avoir ouvertement menti à la barre. Une réaction somme toute légitime après avoir lu et entendu les différentes déclarations, qu'elles soient à charge ou contradictoires. Et pour cause, il a été prouvé que le fils aîné, propriétaire de Biggy, a demandé à ses proches d'embarquer le chien et de le laver à l’eau de Javel avant qu'il ne soit saisi. De plus, une collègue de travail de la mère de famille assure que cette dernière aurait dit : “Mon mari va tout prendre pour sauver notre fils.” Et à la barre, la mère n'a d'ailleurs pas hésité à surenchérir, affirmant qu'un mūto'i, le jour de l'incident, avait exclu l'implication de Biggy dans ce drame. Chose qui, évidemment, ne figure sur aucun rapport. Et enfin, autre fait troublant : les déclarations contradictoires des parents et du fils cadet, l'homme et la femme assurant que Biggy n'avait aucune tache de sang sur lui à l'inverse des autres chiens, tandis le fils cadet avait formellement déclaré avoir vu du sang sur sa pâte arrière gauche. Des dires qui n'ont toutefois pas pu être démontrés.
 
Les chiens euthanasiés
 
Faute de preuves impliquant explicitement le chien Biggy dans l'attaque, le propriétaire a finalement été relaxé par le tribunal correctionnel, le condamnant ainsi à un an de prison avec sursis probatoire pour sa seule participation au nettoyage de l'animal. Quant aux autres, le père de famille et une autre prévenue – sa belle-fille –, ils ont été condamnés pour homicide involontaire, soit respectivement à 3 ans avec sursis probatoire pour l'un et 18 mois avec sursis probatoire pour l'autre. La mère et le fils cadet écopant chacun d'un an et quatre mois de sursis simple pour “altération de documents ou objets concernant un crime ou un délit pour faire obstacle à la manifestation de la vérité”. Et si les chiens – Indica, Fox, Auhei, Lili et Biggy – ont récemment été euthanasiés dans le cadre de cette procédure judiciaire, difficile de croire que ces décisions suffisent à apaiser la famille de la victime qui a tenu à rappeler à la barre : “On nous a volé notre maman. Et si, en temps normal, il est déjà difficile de faire le deuil de sa mère, ça l'est encore plus dans ces conditions. C'est horrible ce qui s'est passé ! Durant l'audience on a fait qu'entendre que ces chiens étaient pourtant gentils, etc. Mais nous on a perdu notre maman !”

Réaction

Valérie Layoussaint, fille cadette de la victime :
 
“Faire le deuil dans ces conditions, c'est difficile”
 
“Cela fait deux heures et demie que l'on entend parler des chiens, qu'on minimise leur responsabilité... Désolée, mais même si ce sont des chiens, la responsabilité incombe aux propriétaires. On a pu entendre lors de l'audience qu'il y avait un trou du côté de la rivière mais rien n'a été fait ; qu'un ami de la famille, mécanicien, avait déjà été mordu mais qu'aucune mesure n'avait été prise par la suite. Ils ont laissé faire. Sauf qu'après ça a été au tour de notre maman. Maman qui avait fêté 87 ans le samedi d'avant et qui est tuée le mardi qui a suivi. On lui avait dit d'aller marcher là-bas car c'était plus sécurisé que de marcher au bord de la route... mais voilà elle a été attaquée par des chiens de l'extérieur aux propriétaires irresponsables. C'est inadmissible. Je ne pourrai jamais oublier ce matin-là. À 7 heures, ma sœur m'a appelée pour dire que maman était décédée, qu'elle était partie, que pendant qu'elle faisait sa marche une meute de chien l'avait attaquée.
 
Il faut que les politiques soient plus sévères sur ce sujet-là. On aime les animaux, on a grandi avec... mais ça ne permet pas aux chiens d'attaquer et de tuer des gens comme ça. C'était notre maman mais ça aurait pu être la maman de tout le monde. Un des prévenus disait qu'il était désolé mais après coup c'est un peu facile. On a vraiment du mal, encore aujourd'hui, à passer à autre chose. Ce n'est pas un accident. Il y a un trou qui laisse passer les chiens ? Tu le fermes. Surtout quand il y a déjà eu des plaintes avant.
 
Lorsque le médecin légiste de l'hôpital nous a appelé pour identifier le corps, ce n'était pas possible. L'attaque a été tellement violente. C'est la voisine, la dame avec qui ma maman avait l'habitude d'aller marcher, qui l'a identifiée grâce aux vêtements qu'elle portait, son téléphone portable... faire le deuil dans ces conditions c'est difficile. Quand nous sommes allés chez Min Chiu, on ne pouvait voir que sa main... C'est dur. C'est dramatique. C'est nous qui lui avions dit d'aller marcher là-bas en pensant qu'elle serait plus en sécurité... et finalement l'horreur s'est produite quand même en fin de compte. On nous l'a volée. Malgré son âge, elle était en bonne santé. Elle laisse derrière elle trois enfants, quatre petits-enfants et là elle vient d'avoir un arrière-petit-fils mais qu'elle ne connaîtra malheureusement jamais...”

Rédigé par Wendy Cowan le Vendredi 27 Septembre 2024 à 21:34 | Lu 3487 fois