Relaxé, François Bayrou entend se replacer au centre du jeu


Miguel MEDINA / AFP
Paris, France | AFP | lundi 05/02/2024 - François Bayrou, personnellement relaxé dans l'affaire des assistants parlementaires du MoDem, va pouvoir à nouveau tenter de peser au sein de la majorité où son parti semble de plus en plus marginalisé dans un gouvernement droitisé.

A peine relaxé, déjà ministre ? Depuis quelques jours, la rumeur court d'un retour de François Bayrou au gouvernement, pour mettre un terme au chemin de croix d'Amélie Oudéa-Castera. L’éducation nationale, un ministère que le maire de Pau connaît bien pour avoir été à sa tête ... de 1993 à 1997.

En privé, l'hypothèse faisait rire l'intéressé voici quelques jours. Et maintenant ? "Ce qui m'intéresse, c'est l'engagement et les missions", a éludé le président du MoDem au sortir du tribunal.

François Bayrou, ministre de Gabriel Attal, dont il interrogeait publiquement "l'expérience" après sa nomination à Matignon ? "La vie politique est malicieuse. Elle réserve beaucoup de surprises", note, prudent, un proche soutien du dirigeant centriste.

En matière de surprises, le patron du MoDem a déjà été servi. En 2017, après avoir grandement contribué à l'élection d'Emmanuel Macron, son retour au gouvernement s'acheva au bout de quelques semaines : l'ouverture d'une enquête sur des soupçons d'emplois fictifs parmi les assistants parlementaires des députés européens du parti le pousse à la démission.

Depuis, la doctrine présidentielle en matière de ministres inquiétés par la justice a sensiblement évolué. Mais François Bayrou, lui, s'est retrouvé hors-jeu. Le chantre de la moralisation politique au gouvernement est devenu une sorte de conseiller de l'ombre du président, qui l'a par ailleurs nommé Haut-Commissaire au Plan. Régulièrement écouté, pas toujours entendu.

Rien ne s'est arrangé en 2022. Depuis la réélection d'Emmanuel Macron, "François Bayrou n'est pas content, parce qu'il voit qu'il ne pèse plus", confie un député centriste. Quant au MoDem, entre la présidentielle et les législatives, il était brièvement passé de quatre... à deux représentants au gouvernement.

"Inventer une affirmation politique"

Le fossé semble encore s'être creusé avec l'arrivée de Gabriel Attal à Matignon. Une décision du seul Emmanuel Macron, prise contre l'avis de ses soutiens historiques, François Bayrou mais aussi, côté Renaissance, Richard Ferrand. Ceux-là même qui avaient réussi en 2022 à dissuader le chef de l'Etat de nommer l'ex-LR Catherine Vautrin à Matignon, au profit d’Élisabeth Borne.

"La vérité est qu'ils ont perdu la main sur le président. Ils n'ont plus d'influence. Terminé. On ferme la lumière. A l'Ephad", s'amusait récemment un proche soutien de Gabriel Attal.

François Bayrou a-t-il refusé en 2001 l'absorption du grand parti centriste français au sein de l'UMP, puis quinze ans plus tard torpillé l'invariable balancier droite-gauche en s'alliant avec Emmanuel Macron, pour se retrouver aujourd'hui à la roue d'un "gouvernement RPR" ? Tous ses interlocuteurs des dernières semaines l'ont entendu critiquer un Premier ministre sans réelle autorité, à la tête d'un gouvernement à l'architecture douteuse, qui penche de plus en plus à droite. 

Mais dans une majorité relative, le moindre pas de côté peut dégénérer en crise de régime. Pas de rupture d'alliance à venir du côté du MoDem et de sa cinquantaine de députés. Mais la nécessité d'"inventer une affirmation politique", selon une expression entendue au sommet du parti.

Rendez-vous dans les prochaines heures ? La décision du tribunal judiciaire de Paris intervient alors que doit être annoncée la composition additionnelle du gouvernement. Le MoDem a deux ministres délégués --Philippe Vigier à l'Outre-mer, Jean-Noël Barrot au Numérique-- et une secrétaire d’État --Sarah El Haïry à la Biodiversité-- à conserver. Après avoir sauvé de haute lutte son seul ministre de plein exercice, Marc Fesneau, immédiatement plongé dans le grand bain de la crise agricole.

Le soulagement n'en est pas moins déjà visible sur les traits du dirigeant centriste qui, à 72 ans, n'a jamais renoncé à aucune ambition pour Matignon ou l'Elysée. "Pour moi, c'est un cauchemar de sept années qui vient de s'achever", a-t-il réagi après sa relaxe. 

Le tribunal ne s'en est pas moins montré sévère: les cinq eurodéputés poursuivis ont été condamnés, et l'UDF et le MoDem écopent d'un demi-million d'euros d'amende cumulés, dont 400.000 euros ferme.

Mais "la cible de toute cette affaire, hélas ! C'était moi", a estimé François Bayrou.

le Lundi 5 Février 2024 à 07:52 | Lu 404 fois