Tahiti, le 7 juillet 2021- Le coordinateur de Reko Tika, Joël Allain, et d’autres membres de la délégation ont fait un premier bilan de la table ronde sur le nucléaire, à leur retour de Paris, ce mercredi matin. Beaucoup de promesses de la part de l’État, mais peu de mesures concrètes à l’issue de cette rencontre.
Moins d’une semaine après la table ronde sur les conséquences du nucléaire organisée à Paris, six membres de la délégation Reko Tika ont fait part de leur ressenti à l’issue des négociations, lors d’une conférence de presse ce mercredi matin. Malgré l’absence de membres de l’opposition et d’associations anti-nucléaire ou de victimes, Joël Allain, le coordinateur de la délégation, donne d’emblée son impression optimiste : “Très sincèrement, nous n’avons pas perdu notre temps en allant à Paris”. L’ancien PDG d’EDT et d’Air Tahiti estime que les entretiens ont été “très riches”, et qu’en deux journées, les sujets abordés ont été totalement décortiqués et analysés : “Les interventions étaient préparées, nous étions face à des personnes qui avaient véritablement travaillé leurs dossiers”. Ministres et directeurs de service représentaient l’État lors de cette table ronde, avec des émissaires du haut-commissariat : “En ce qui concerne la reconnaissance des affaires d’État, le haut-commissaire a beaucoup plaidé sur le retard dans la dépollution des atolls et l’importance des moyens à déployer”, indique Tepuaraurii Teriitahi, présidente du groupe Tapura Huiraatira à l’assemblée de la Polynésie française.
Guichet unique en septembre
L’État français assumerait désormais sa responsabilité dans les essais nucléaires commis entre 1966 et 1996 ? C’est ce qu’affirment les membres de la délégation, en se basant sur des propos tenus par le président de la République. Au moins pour la soixantaine de malades polynésiens reconnus victimes du nucléaire. Une “avancée majeure” pour Reko Tika, allant à l’encontre d’un avis contentieux rendu en octobre 2016 par le Conseil d’État. La plus haute juridiction administrative de la République avait alors précisé que les victimes du nucléaire étaient indemnisées par l’État via la loi Morin sous l’égide de la solidarité nationale et non par l’État au titre de tiers responsable. Difficile avec une telle analyse pour la CPS d’espérer le remboursement des importantes dépenses engagées pour le traitement de ces malades. Le Cesec demande à l’État le remboursement de 80 milliards de Fcfp dépensés par la caisse pour le traitement, depuis 1992, de près de 8 000 malades atteints de l’une des 23 maladies reconnues comme potentiellement radio-induites : “On me disait de ne pas me faire d’illusion quant au fait de toucher ce dédommagement, mais le fait qu’Emmanuel Macron soit le premier président à évoquer la CPS était déjà pour moi une illusion”, déclare Patrick Galenon, ancien président de la CPS et secrétaire général de la CSTP-FO. En attendant, pour faciliter et assurer l’indemnisation des victimes, la mise en place d’un guichet unique entre la CPS et le Civen est prévu pour septembre 2021.
Accès aux archives
Dans un arrêt du 2 juillet, le Conseil d’État a annulé une disposition qui visait à rendre plus difficile encore la déclassification de documents administratifs, d’autant plus si ceux-ci portent atteinte au secret-défense. Cette décision, qui devrait faciliter l’accès à des documents sur les essais réalisés en Polynésie jusqu’en 1971 (délai de 50 ans), a été abordé par les représentants de Reko Tika : “Il y a plus d’une centaine de mètres de feuilles d’archives sur le nucléaire polynésien. Certaines boîtes contiennent des dossiers avec des éléments proliférants. Il y a un vrai travail de tri à réaliser, sur lequel Édouard Fritch aura un œil.” Reprenant les annonces de la ministre déléguée en charge de la mémoire et des anciens combattants Geneviève Darrieussecq, les représentants de la délégation rappellent que “chaque personne ayant bénéficié d’un suivi médical relatif aux essais nucléaires peut avoir un accès direct à son dossier médical et aux relevés dosimétriques”. Idem pour les ayants droit, qui peuvent avoir accès à une reproduction du dossier en cas du décès de leur proche. Questionné sur la loi Morin, Joël Allain reconnaît cependant la difficulté à faire reconnaître les victimes polynésiennes : “Il est vrai que cette loi générale convient très bien aux anciens militaires rentrés en métropole. Mais pas ici, car il y a eu bien moins de relevés dosimétriques sur les personnes issues de la société civile. Il y a beaucoup moins d’éléments”.
Des annonces gardées pour plus tard
Reko Tika tire un bilan positif de ces deux journées “intensives” de réunion de “haut-niveau”. Interrogés sur le manque d’avancées concrètes en marge de cette table ronde, les membres de la délégation répondent que “la Table ronde n’était pas une fin en soi”. Des mesures seront-elles prises avec la venue d’Emmanuel Macron au fenua le 25 juillet ? Pour Joël Allain, “il s’est gardé quelques annonces, en homme politique averti. La table ronde était l’occasion d’échanger et de préparer sa venue ici, dans quelques semaines”. Pour sa part, Tepuaraurii Teriitahi indique avoir été émue par la “sincérité” et la “solennité” des déclarations du Président de la République, malgré son bref passage à l’événement : “Emmanuel Macron a réellement donné le ton dans la discussion. Il a visé juste et a apporté des réponses de principe”. Des réponses de principes et beaucoup de promesses donc, sur lesquels les membres de Reko Tika fondent tout leur espoir. Les parties devraient aussi à nouveau se réunir en septembre, pour se pencher plus profondément sur ce qui a été discuté la semaine dernière à Paris.