Mardi 4 octobre 2022 – Les interventions sur l’avenir institutionnel de la Polynésie ont eu lieu, de New York à Papeete, entre partisans de l’autonomie et ceux de l’indépendance. De l’ONU à la présidence, Tavini et Tapura ont ressorti leurs arguments pour le maintien du statu quo ou en faveur de la décolonisation. Un dialogue de sourds, inaudible surtout pour la population en attente de solutions face à la crise économique.
À "19 contre 1", le président du Pays vantait la bravoure de son ministre de l’Équipement René Temeharo, missi dominici autonomiste mandaté pour intervenir face à la Quatrième Commission de l’ONU, et surtout face à 19 intervenants du Tavini. Le thème est connu et ne varie pas depuis la réinscription de la Polynésie sur la liste des pays et territoires non autonomes à décoloniser, en 2013.
Édouard Fritch a tenu à soutenir celui qui portait sur ses épaules le futur du Pays, mais à distance, par médias interposés. Tandis que l’organe onusien donnait voix aux Polynésiens, le chef de l’exécutif local s’exprimait face caméras, depuis la présidence du Pays, via une édition spéciale de quelques minutes, le temps de produire une démonstration hasardeuse sur "le fait que les Polynésiens désirent majoritairement rester, par choix démocratique, au sein de la République française", une "réalité", "affirmée lors de l’élection présidentielle et réaffirmée lors du premier tour des élections législatives". Quid du second tour des législatives qui a vu la victoire de trois députés indépendantistes ? Des résultats "obtenus grâce au soutien de certains autonomistes".
Autre argument présidentiel, "aujourd’hui, 25 ans après la fin des essais, nous entreprenons, avec l’État, une action volontariste et accélérée des réparations économiques, sociales, sanitaires et environnementales". Le président du Pays qui défend donc qu’une action entamée au bout d’un quart de siècle est un point positif. "Nous avons décidé de consacrer notre ZEE à la pêche hauturière locale pour les Polynésiens et rien que pour les Polynésiens. Il en sera de même pour les richesses minérales sous-marines. Pour cette raison, nous présenterons très prochainement, à l’assemblée, un moratoire sur l’exploitation des ressources marines", rajoute encore Édouard Fritch, sur ce sujet de tension récurrent avec le Tavini.
À "19 contre 1", le président du Pays vantait la bravoure de son ministre de l’Équipement René Temeharo, missi dominici autonomiste mandaté pour intervenir face à la Quatrième Commission de l’ONU, et surtout face à 19 intervenants du Tavini. Le thème est connu et ne varie pas depuis la réinscription de la Polynésie sur la liste des pays et territoires non autonomes à décoloniser, en 2013.
Édouard Fritch a tenu à soutenir celui qui portait sur ses épaules le futur du Pays, mais à distance, par médias interposés. Tandis que l’organe onusien donnait voix aux Polynésiens, le chef de l’exécutif local s’exprimait face caméras, depuis la présidence du Pays, via une édition spéciale de quelques minutes, le temps de produire une démonstration hasardeuse sur "le fait que les Polynésiens désirent majoritairement rester, par choix démocratique, au sein de la République française", une "réalité", "affirmée lors de l’élection présidentielle et réaffirmée lors du premier tour des élections législatives". Quid du second tour des législatives qui a vu la victoire de trois députés indépendantistes ? Des résultats "obtenus grâce au soutien de certains autonomistes".
Autre argument présidentiel, "aujourd’hui, 25 ans après la fin des essais, nous entreprenons, avec l’État, une action volontariste et accélérée des réparations économiques, sociales, sanitaires et environnementales". Le président du Pays qui défend donc qu’une action entamée au bout d’un quart de siècle est un point positif. "Nous avons décidé de consacrer notre ZEE à la pêche hauturière locale pour les Polynésiens et rien que pour les Polynésiens. Il en sera de même pour les richesses minérales sous-marines. Pour cette raison, nous présenterons très prochainement, à l’assemblée, un moratoire sur l’exploitation des ressources marines", rajoute encore Édouard Fritch, sur ce sujet de tension récurrent avec le Tavini.
Temeharo en écho
À New York, René Temeharo est le premier intervenant du dossier polynésien, reprenant et développant les arguments présidentiels. Il précise ainsi que le moratoire prochainement soumis à l’APF interdira "pour 30 ans toute exploitation des fonds marins". En écho aux déclarations d'Édouard Fritch, il rappelle que "notre Pays participe aux travaux du C24 depuis 2017", le Comité spécial des Vingt-Quatre chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. De fait, la situation est claire pour le ministre, "lors de ces travaux, nous avons exposé que la Polynésie française n’est plus une colonie", car "depuis 1977, notre Territoire bénéficie d’un statut d'autonomie qui a évolué à cinq reprises". Rétablissant au passage Francis Sanford comme père de l’Autonomie polynésienne, grâce au statut obtenu sous sa gouvernance.
L’envoyé gouvernemental se lance à son tour dans la démonstration qui interroge plus qu’elle ne répond, en affirmant que "notre peuple est composé à 80% de Polynésiens autochtones", une statistique ethnique dont l’origine ravirait la CNIL. Puis, René Temeharo se satisfait des "populations d’origine mā’ohi (autochtone), asiatique et européenne" qui "se mélangent et vivent harmonieusement" en Polynésie. Si cela ne suffit pas à convaincre, "l’Autonomie de notre Pays au sein de la République française est le modèle plébiscité par la majorité de la population qui aujourd’hui vit dans la paix, la stabilité et la prospérité".
L’envoyé gouvernemental se lance à son tour dans la démonstration qui interroge plus qu’elle ne répond, en affirmant que "notre peuple est composé à 80% de Polynésiens autochtones", une statistique ethnique dont l’origine ravirait la CNIL. Puis, René Temeharo se satisfait des "populations d’origine mā’ohi (autochtone), asiatique et européenne" qui "se mélangent et vivent harmonieusement" en Polynésie. Si cela ne suffit pas à convaincre, "l’Autonomie de notre Pays au sein de la République française est le modèle plébiscité par la majorité de la population qui aujourd’hui vit dans la paix, la stabilité et la prospérité".
Chœur à 19 voix
Venu le tour des intervenants du Tavini, le nombre a permis de décliner la palette des revendications indépendantistes. Richard Tuheiava a dénoncé, dans un même souffle, la "politique de la chaise vide de la France dès qu’est abordée la question de la Polynésie" à l’ONU et le gouvernement local qui "continuera son travail de sape". Hinamoeura Cross revendique son engagement autant que ce "combat que je n’ai pas choisi", la leucémie, "une des 23 maladies radio-induites" par les essais nucléaires français. "Chez nous c’est la Polynésie, et la Polynésie ce n’est pas la France."
Le président de l’Église protestante ma’ohi François Pihaatae déplore, "mon peuple meurt en silence", "plus de 30 000 personnes mortes" des suites des essais nucléaires français. Le religieux s’indigne de "l’injustice de ce génocide silencieux", affirme être "venu porter la voix de mon peuple et celles de toutes les Églises du Pacifique". Pour l’enseignement protestant, son président Philippe Neuffer prend en exemple la polémique des notes d’élèves au bac, abaissées par le vice-rectorat. Des élèves du lycée Samuel-Raapoto, établissement d’enseignement protestant. "Je peux témoigner que quand nos élèves ont de meilleures notes, leurs notes sont baissées."
Des jeunes s’expriment aussi, pour l’EPM et pour Moruroa e tatou. Entre réclamation d’un "engagement dans un processus d’autodétermination" et d’une priorisation de "l’impact des essais nucléaires sur la population polynésienne". Autre intervenante sur ce sujet, Christelle Boosie présente à l’auditoire des chiffres aussi accablants que non sourcés, "800 nouveaux cas de cancer" et "300 décès de cancer", "chaque année depuis plusieurs décennies". Valentina Cross et Chantal Galenon sont au diapason pour récuser une "illégitimité du système électoral imposé unilatéralement par le pouvoir administrant" et un "système électoral frauduleux".
Maryse Ollivier, pharmacienne, s’exprime au nom du "peuple indigène" de Polynésie, "victime du colonialisme depuis 142 ans". Opahi Buillard traite, lui, du versant foncier, pointant des "lois faites pour protéger les colons", en réitérant le "droit inaliénable à la propriété et au contrôle de nos ressources naturelles". Surprise avec Sandrine Turquem, qui des rivages de Moruroa se déporte à ceux de Makatea, dénonçant l’exploitation du phosphate par l’État français, avant celle du nucléaire. Emportée par son propos, la commandante de bord explique avoir déjà piloté jusqu’en Pologne, sans se douter de la guerre qui exploserait ensuite en Ukraine. Et de lancer un appel à la paix, dans une digression de plusieurs milliers de kilomètres avec la Polynésie.
Le président de l’Église protestante ma’ohi François Pihaatae déplore, "mon peuple meurt en silence", "plus de 30 000 personnes mortes" des suites des essais nucléaires français. Le religieux s’indigne de "l’injustice de ce génocide silencieux", affirme être "venu porter la voix de mon peuple et celles de toutes les Églises du Pacifique". Pour l’enseignement protestant, son président Philippe Neuffer prend en exemple la polémique des notes d’élèves au bac, abaissées par le vice-rectorat. Des élèves du lycée Samuel-Raapoto, établissement d’enseignement protestant. "Je peux témoigner que quand nos élèves ont de meilleures notes, leurs notes sont baissées."
Des jeunes s’expriment aussi, pour l’EPM et pour Moruroa e tatou. Entre réclamation d’un "engagement dans un processus d’autodétermination" et d’une priorisation de "l’impact des essais nucléaires sur la population polynésienne". Autre intervenante sur ce sujet, Christelle Boosie présente à l’auditoire des chiffres aussi accablants que non sourcés, "800 nouveaux cas de cancer" et "300 décès de cancer", "chaque année depuis plusieurs décennies". Valentina Cross et Chantal Galenon sont au diapason pour récuser une "illégitimité du système électoral imposé unilatéralement par le pouvoir administrant" et un "système électoral frauduleux".
Maryse Ollivier, pharmacienne, s’exprime au nom du "peuple indigène" de Polynésie, "victime du colonialisme depuis 142 ans". Opahi Buillard traite, lui, du versant foncier, pointant des "lois faites pour protéger les colons", en réitérant le "droit inaliénable à la propriété et au contrôle de nos ressources naturelles". Surprise avec Sandrine Turquem, qui des rivages de Moruroa se déporte à ceux de Makatea, dénonçant l’exploitation du phosphate par l’État français, avant celle du nucléaire. Emportée par son propos, la commandante de bord explique avoir déjà piloté jusqu’en Pologne, sans se douter de la guerre qui exploserait ensuite en Ukraine. Et de lancer un appel à la paix, dans une digression de plusieurs milliers de kilomètres avec la Polynésie.
Les députés pour l'estocade
Stanley Cross, d’un coup de pinceau oratoire, peint Oscar Temaru en Pouvana’a 2.0. Puis dans un parallèle plus contemporain, s’étonne du traitement judiciaire accordé au vice-président Jean-Christophe Bouissou dans son affaire avec Bill Ravel, qui a fait l’objet d’une disjonction permettant la condamnation de Bill Ravel et Cyril Le Gayic, quand le numéro deux du Pays ne retient pas son souffle en attendant une décision de justice. "Assassinat politique" et "acte de justice coloniale" lui servent à qualifier le traitement judiciaire d’Oscar Temaru.
Le vice-président du Tavini Antony Géros s’appuie sur les résultats électoraux obtenus aux législatives, comptant "sur la force de cette victoire démocratique", pour ensuite "lancer le processus d’autodétermination" et "immédiatement ouvrir le dialogue sur la décolonisation de Ma’ohi Nui – Polynésie française". Oscar Temaru connaît la tribune "depuis les années 70", il rappelle ses démêlés judiciaires, qu’il lie à sa plainte pour crimes contre l’humanité, déposée en 2018 contre la France, oubliant une nouvelle fois de préciser que lesdites poursuites sont antérieures à ladite plainte. Depuis, le voici "privé de ses mandats électoraux" à l’APF, ses fonds "saisis", "Radio Tefana attaquée", et jusqu’à la mairie de Faa’a cible de "nuisances administratives". Sans oublier les "cinq dissolutions consécutives de mon gouvernement" entre 2004 et 2011 et sa "vie menacée à plus d’une occasion par les services secrets français". Vent debout face au "pouvoir administrant pratiquant la politique de la chaise vide", il "oppose un appel à la justice, la paix et la liberté".
Avant-dernier à s’exprimer pour le Tavini, le député Steeve Chailloux. Oscar Temaru peut compter sur le jeune, qui n’est plus intermittent, pour s’exprimer d’une voix qui résonnera jusqu’au Palais Bourbon. "Mon pays occupé", se navre le parlementaire, exemple à l’appui, avec le "contrôle et l’exploitation des ressources naturelles de la Polynésie par la France". Suivi par son collègue néo-député Tematai Le Gayic, dont le collier de coquillages "symbolise les peines et les humiliations subies par ceux qui nous ont précédés et dont nous devons honorer la mémoire". Il motive son "combat guidé par un désir profond d’en finir avec l’héritage colonial et ses manifestations modernes", pour que la Polynésie – Ma’ohi Nui soit "nation souveraine".
Le vice-président du Tavini Antony Géros s’appuie sur les résultats électoraux obtenus aux législatives, comptant "sur la force de cette victoire démocratique", pour ensuite "lancer le processus d’autodétermination" et "immédiatement ouvrir le dialogue sur la décolonisation de Ma’ohi Nui – Polynésie française". Oscar Temaru connaît la tribune "depuis les années 70", il rappelle ses démêlés judiciaires, qu’il lie à sa plainte pour crimes contre l’humanité, déposée en 2018 contre la France, oubliant une nouvelle fois de préciser que lesdites poursuites sont antérieures à ladite plainte. Depuis, le voici "privé de ses mandats électoraux" à l’APF, ses fonds "saisis", "Radio Tefana attaquée", et jusqu’à la mairie de Faa’a cible de "nuisances administratives". Sans oublier les "cinq dissolutions consécutives de mon gouvernement" entre 2004 et 2011 et sa "vie menacée à plus d’une occasion par les services secrets français". Vent debout face au "pouvoir administrant pratiquant la politique de la chaise vide", il "oppose un appel à la justice, la paix et la liberté".
Avant-dernier à s’exprimer pour le Tavini, le député Steeve Chailloux. Oscar Temaru peut compter sur le jeune, qui n’est plus intermittent, pour s’exprimer d’une voix qui résonnera jusqu’au Palais Bourbon. "Mon pays occupé", se navre le parlementaire, exemple à l’appui, avec le "contrôle et l’exploitation des ressources naturelles de la Polynésie par la France". Suivi par son collègue néo-député Tematai Le Gayic, dont le collier de coquillages "symbolise les peines et les humiliations subies par ceux qui nous ont précédés et dont nous devons honorer la mémoire". Il motive son "combat guidé par un désir profond d’en finir avec l’héritage colonial et ses manifestations modernes", pour que la Polynésie – Ma’ohi Nui soit "nation souveraine".
Débat politicien
Ce nouveau round entre autonomistes et indépendantistes se conclut sans vainqueur, comme les précédents. Le Tavini a le mérite de la transparence sur ses aspirations institutionnelles pressantes. En cas de retour des indépendantistes au pouvoir en 2023, les électeurs polynésiens ne pourront pas plaider l’ignorance programmatique si le gouvernement bleu clair entame un processus de décolonisation. À l’opposé, Édouard Fritch endosse l’habit de héraut autonomiste, lui qui s’était pourtant découvert sur le tard une passion pour la citoyenneté polynésienne. Des échanges politiciens loin des problématiques des foyers polynésiens, plus concernés par le son de l’inflation galopante que celui des sirènes indépendantistes. À six mois des élections territoriales, le débat idéologique demeure un recours utile, évitant de débattre du fond et de proposer des solutions concrètes à une population qui ne vit pas d’un mandat et de fonds publics depuis 40 ans.