L'APC a rendu, ce mercredi, un avis négatif sur le projet de loi du Pays visant à modifier le code de la concurrence afin de mettre en place une réglementation des prix. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 31 juillet 2024 – Le gouvernement navigue à vue concernant son projet de loi du Pays sur la réglementation des prix de certains produits et services. Après le Cesec la semaine dernière, l'Autorité polynésienne de la concurrence a rendu, ce mercredi, un avis plutôt négatif sur ce texte de loi porté par la Direction générale des affaires économiques. Bien que l'intention du gouvernement soit louable, l'Autorité estime que de nombreux effets indésirables et contre-productifs pour les consommateurs pourraient découler de la promulgation de ce texte.
Décidément, le projet de loi du Pays visant à modifier le code de la concurrence afin de mettre en place une réglementation des prix de certains produits ne fait pas l'unanimité. Une semaine après son passage au Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec), où le texte avait provoqué l'ire de Christophe Plée, qui l'avait comparé au “communisme”, l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC) a émis à son tour, ce mercredi, un avis moins virulent mais tout aussi circonspect. L'Autorité s'interroge sur la “pertinence d'un nouveau dispositif” et estime que les raisons invoquées pour la promulgation de cette loi ne justifient pas une atteinte à la liberté d'entreprendre.
Il est important de préciser que, comme pour le Cesec, la demande d'avis a été transmise en procédure d'urgence, exigeant un rendu en deux semaines, sans qu'une raison ne soit donnée. Cela est regrettable pour l'APC, notamment sur un projet de loi “susceptible d'avoir un impact important sur le fonctionnement concurrentiel des marchés et des entreprises”. Cette situation soulève des questions sur les méthodes du gouvernement, qui semble tout faire pour ignorer les recommandations des différentes institutions. En effet, ce texte serait en préparation depuis plusieurs mois par la Direction générale des affaires économiques (DGAE). De plus, comme l'a rapporté Tahiti Infos la semaine passée, aucune concertation n'a eu lieu avec les entreprises privées, et c'est également le cas pour l'APC, qui espère “être associé aux travaux préparatoires en amont”. Le gouvernement, comme lors de la présentation de la loi fiscale, semble naviguer à vue et seul.
“Au lieu de réévaluer les dispositifs existants pour définir leur efficacité et comment ils pourraient être améliorés, on en rajoute un autre sans étude d'impact préalable. On ne peut pas justifier une atteinte à la liberté d'entreprendre simplement parce que les dispositifs précédents ne fonctionnent pas. L'Autorité l'a déjà dit dans de précédents avis : il faut revoir ces dispositifs en amont, tout ce qui concerne les exonérations, TDL... pour limiter au maximum les barrières à l'entrée et ouvrir à la concurrence”, a précisé à Tahiti Infos la présidente de l'APC, Johanne Peyre. Elle a également souhaité rappeler que l'Autorité “reste à la disposition du gouvernement et de la DGAE pour les accompagner en amont dans la rédaction de ces projets dans le but de mieux servir l'intérêt général, l'économie polynésienne et lutter contre la vie chère”.
Une loi qui veut du bien...
Dans son avis, l'APC est claire : cette loi est “périlleuse” à bien des égards. Elle vise à réglementer le prix de certains produits et services, décidés en Conseil des ministres, bénéficiant de différents régimes fiscaux ou douaniers particuliers. Le Pays a expliqué qu'il était impossible de “garantir leur efficacité, notamment leurs répercussions aux bénéficiaires”, puisque la plupart pouvaient être revendus “à prix libre”, excepté les PPN et PGC, qui sont déjà réglementés. Par ailleurs, la DGAE avait rappelé à l'ordre de nombreux commerçants et importateurs après des contrôles réalisés sur les marges de commercialisation.
Jusque-là, pas de problème, l'objectif du gouvernement reste louable dans sa volonté de réduire les prix pour les consommateurs. Mais force est de constater que si l'intention est bonne, la forme se conforte dans la démagogie apparente de ce texte de loi, qui serait, s'il est voté, désastreux pour le tissu économique polynésien. Ce projet de loi risque, selon l'APC, d'étendre des situations de “rente par captation de marge” créées par ces régimes, dont de nombreuses entreprises privées profitent, sans aucune garantie de contrer ces effets pervers. De plus, avec cette loi, chaque administration pourrait définir les produits qu'elle souhaite exonérer et contrôler. Sans critères objectifs détaillés, comme c'est le cas actuellement, cela pourrait entraîner des décisions discrétionnaires, donnant au gouvernement un moyen de pression énorme dans ses négociations avec les entreprises privées.
... mais aux répercussions néfastes
Au-delà de cette hypothèse peu rassurante pour le monde économique, le principe de fixation des marges pourrait provoquer de nombreux effets indésirables sur les consommateurs, surtout dans un marché où la concurrence est faible, comme en Polynésie. L'APC identifie quatre principaux risques : la pénurie de biens et de services, des marges trop faibles pouvant dissuader les grossistes d'importer certains produits ; le contournement, incitant les importateurs à faire venir des produits semblables mais non margés ; une réduction de la qualité des produits, les grossistes préférant importer des produits à coût moindre mais à marge plus élevée ; et enfin, un effet de compensation, les entreprises reportant leur manque à gagner sur des produits non réglementés, impactant ainsi le portefeuille des consommateurs.
De plus, même si l'APC ne les cite pas, les risques de création de marchés parallèles, où des produits seraient revendus sous le manteau, sont également à craindre, tout comme une distorsion des signaux du marché, cruciaux pour la transmission des préférences des consommateurs.
Concrètement, pour l'APC, réglementer les prix est une solution temporaire et limitée à certains secteurs pour résoudre des problèmes de tarification ou d'approvisionnement. Le projet de loi du Pays, censé être examiné à Tarahoi d'ici la fin de l'année, comporte trop de points obscurs pour l'Autorité, qui a remis un document avec 16 recommandations d'améliorations. Il appartient maintenant au gouvernement de décider s'il les prendra en compte. À noter également que le gouvernement avait annoncé à plusieurs reprises vouloir miser sur la concurrence pour développer l'économie ; ce projet de loi, en revanche, tend vers une économie régulée et contrôlée.
Décidément, le projet de loi du Pays visant à modifier le code de la concurrence afin de mettre en place une réglementation des prix de certains produits ne fait pas l'unanimité. Une semaine après son passage au Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec), où le texte avait provoqué l'ire de Christophe Plée, qui l'avait comparé au “communisme”, l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC) a émis à son tour, ce mercredi, un avis moins virulent mais tout aussi circonspect. L'Autorité s'interroge sur la “pertinence d'un nouveau dispositif” et estime que les raisons invoquées pour la promulgation de cette loi ne justifient pas une atteinte à la liberté d'entreprendre.
Il est important de préciser que, comme pour le Cesec, la demande d'avis a été transmise en procédure d'urgence, exigeant un rendu en deux semaines, sans qu'une raison ne soit donnée. Cela est regrettable pour l'APC, notamment sur un projet de loi “susceptible d'avoir un impact important sur le fonctionnement concurrentiel des marchés et des entreprises”. Cette situation soulève des questions sur les méthodes du gouvernement, qui semble tout faire pour ignorer les recommandations des différentes institutions. En effet, ce texte serait en préparation depuis plusieurs mois par la Direction générale des affaires économiques (DGAE). De plus, comme l'a rapporté Tahiti Infos la semaine passée, aucune concertation n'a eu lieu avec les entreprises privées, et c'est également le cas pour l'APC, qui espère “être associé aux travaux préparatoires en amont”. Le gouvernement, comme lors de la présentation de la loi fiscale, semble naviguer à vue et seul.
“Au lieu de réévaluer les dispositifs existants pour définir leur efficacité et comment ils pourraient être améliorés, on en rajoute un autre sans étude d'impact préalable. On ne peut pas justifier une atteinte à la liberté d'entreprendre simplement parce que les dispositifs précédents ne fonctionnent pas. L'Autorité l'a déjà dit dans de précédents avis : il faut revoir ces dispositifs en amont, tout ce qui concerne les exonérations, TDL... pour limiter au maximum les barrières à l'entrée et ouvrir à la concurrence”, a précisé à Tahiti Infos la présidente de l'APC, Johanne Peyre. Elle a également souhaité rappeler que l'Autorité “reste à la disposition du gouvernement et de la DGAE pour les accompagner en amont dans la rédaction de ces projets dans le but de mieux servir l'intérêt général, l'économie polynésienne et lutter contre la vie chère”.
Une loi qui veut du bien...
Dans son avis, l'APC est claire : cette loi est “périlleuse” à bien des égards. Elle vise à réglementer le prix de certains produits et services, décidés en Conseil des ministres, bénéficiant de différents régimes fiscaux ou douaniers particuliers. Le Pays a expliqué qu'il était impossible de “garantir leur efficacité, notamment leurs répercussions aux bénéficiaires”, puisque la plupart pouvaient être revendus “à prix libre”, excepté les PPN et PGC, qui sont déjà réglementés. Par ailleurs, la DGAE avait rappelé à l'ordre de nombreux commerçants et importateurs après des contrôles réalisés sur les marges de commercialisation.
Jusque-là, pas de problème, l'objectif du gouvernement reste louable dans sa volonté de réduire les prix pour les consommateurs. Mais force est de constater que si l'intention est bonne, la forme se conforte dans la démagogie apparente de ce texte de loi, qui serait, s'il est voté, désastreux pour le tissu économique polynésien. Ce projet de loi risque, selon l'APC, d'étendre des situations de “rente par captation de marge” créées par ces régimes, dont de nombreuses entreprises privées profitent, sans aucune garantie de contrer ces effets pervers. De plus, avec cette loi, chaque administration pourrait définir les produits qu'elle souhaite exonérer et contrôler. Sans critères objectifs détaillés, comme c'est le cas actuellement, cela pourrait entraîner des décisions discrétionnaires, donnant au gouvernement un moyen de pression énorme dans ses négociations avec les entreprises privées.
... mais aux répercussions néfastes
Au-delà de cette hypothèse peu rassurante pour le monde économique, le principe de fixation des marges pourrait provoquer de nombreux effets indésirables sur les consommateurs, surtout dans un marché où la concurrence est faible, comme en Polynésie. L'APC identifie quatre principaux risques : la pénurie de biens et de services, des marges trop faibles pouvant dissuader les grossistes d'importer certains produits ; le contournement, incitant les importateurs à faire venir des produits semblables mais non margés ; une réduction de la qualité des produits, les grossistes préférant importer des produits à coût moindre mais à marge plus élevée ; et enfin, un effet de compensation, les entreprises reportant leur manque à gagner sur des produits non réglementés, impactant ainsi le portefeuille des consommateurs.
De plus, même si l'APC ne les cite pas, les risques de création de marchés parallèles, où des produits seraient revendus sous le manteau, sont également à craindre, tout comme une distorsion des signaux du marché, cruciaux pour la transmission des préférences des consommateurs.
Concrètement, pour l'APC, réglementer les prix est une solution temporaire et limitée à certains secteurs pour résoudre des problèmes de tarification ou d'approvisionnement. Le projet de loi du Pays, censé être examiné à Tarahoi d'ici la fin de l'année, comporte trop de points obscurs pour l'Autorité, qui a remis un document avec 16 recommandations d'améliorations. Il appartient maintenant au gouvernement de décider s'il les prendra en compte. À noter également que le gouvernement avait annoncé à plusieurs reprises vouloir miser sur la concurrence pour développer l'économie ; ce projet de loi, en revanche, tend vers une économie régulée et contrôlée.