Régulation de la concurrence : exclusivités et monopoles sur la sellette


Le projet de loi du Pays pour la régulation de la concurrence était attendu à l’Assemblée de Polynésie française dès novembre, il ne sera présenté qu’en janvier prochain mais est annoncé considérablement renforcé.

Troisième tentative d’adoption d’une loi encadrant les pratiques commerciales et réglementant la concurrence en moins de dix ans, en Polynésie française, le projet de loi du Pays a été présenté dès juillet dernier comme un élément clé du plan de redressement économique porté par le gouvernement Flosse. "Il s’agit de stimuler l’initiative privée en donnant les mêmes chances de se développer à tout le monde, dans tous les secteurs d’activité", commentait Nuihau Laurey début août. Le texte devait être voté début novembre, après avis favorable du CESC et du Haut conseil.

Mais la donne a été changée par un arrêt rendu début octobre par le Conseil constitutionnel au sujet de la validité de la loi de Pays calédonienne pour la régulation de la concurrence sur le Caillou et de dispositions de la loi Lurel.

Pour la Polynésie française, la nouvelle rédaction du texte devrait dorénavant inclure le principe de l’injonction structurelle ainsi que la possibilité d’interdire les droits exclusifs à l’importation.

Ces deux dispositions étaient mises en doute par de nombreux spécialistes du Droit au motif qu’elles contenaient des dispositions "taillées sur mesure" pour l’Outre-mer et perçues comme "excessives" voire attentatoires au droit de propriété et à la liberté du commerce et de l’industrie.

"Il y avait une grande fragilité juridique sur ces points-là", reconnait Nuihau Laurey. "On était très dubitatifs sur la validité juridique de ces dispositifs. Le Conseil constitutionnel les a validées dans le cadre des collectivités d’outre-mer, et compte tenu de la petitesse des marchés économiques. On tient simplement compte de ces nouvelles possibilités".

La nouvelle mouture du projet de loi du Pays pourrait être soumise à l’avis des élus polynésiens dès janvier 2014. Le gouvernement a annoncé vendredi qu'il inclura ces deux dispositions particulièrement contraignantes mais dorénavant consacrées par le Conseil constitutionnel.

Exclusivités et monopoles dans le collimateur

La première figurait déjà dans la loi Lurel. Elle donne la possibilité de démanteler un groupe en situation de position dominante. Les "injonctions structurelles" prononcées par l’Autorité de la Concurrence peuvent aller jusqu’à enjoindre aux entreprises visées de "procéder à la cession d’actifs si cette cession constitue le seule moyen permettant de garantir une concurrence effective". De sorte que, si les conditions sont réunies, cette disposition permet le démantèlement d’un groupe en situation de position dominante sans même qu’un abus de position dominante soit caractérisé.

En Calédonie, l’article 16 de la loi du Pays stipule que l’injonction structurelle est prononcée par le Gouvernement et qu’ elle peut être mise en œuvre dès lors qu’une entreprise ou un groupe d’entreprises détient, dans une zone de chalandise, une part de marché dépassant 25% et représentant un chiffre d’affaires supérieur à 600 millions Fcfp.
Dans la première rédaction du projet de loi du Pays, l’intervention sur la taille des agents économiques s’opérait de manière indirecte via l’obligation d’une autorisation préalable pour tout franchissement d’un seuil fixé à 35% des surfaces de vente, pour les îles d’au moins 10 000 habitants. Dorénavant, l’injonction structurelle offre la possibilité d’un démantèlement.

La seconde disposition consiste dans l’interdiction des "accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou un groupe d’entreprises".

Cette disposition figurait déjà dans la première rédaction du projet de loi du Pays pour la régulation de la concurrence en Polynésie française, bien que l’interdiction des droits exclusifs ne porte que sur certaines catégories de produits de grande consommation dans les secteurs ménager, de l’alimentaire, de l’hygiène. Cette disposition a été récemment introduite à l’article L 420-2-1 du Code de commerce par la loi Lurel. Elle aussi était jugée attentatoire à des droits fondamentaux. Elle est dorénavant elle aussi validée par le juge suprême.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 9 Décembre 2013 à 14:40 | Lu 1606 fois