Règlementation de la concurrence : une loi oui, mais pas n’importe comment


La fédération générale du commerce (FGC) a réagi immédiatement au projet de loi de pays portant réglementation de la concurrence, qui sera présenté ce jeudi 4 octobre à l’assemblée de Polynésie française. Ce projet de loi de pays est le premier rapport qui devrait être présenté, ce jeudi, à l’approbation des élus lors de la deuxième séance de la session budgétaire, après diverses questions orales et un débat sur le rapport d’observations définitives de la chambre territoriale des comptes concernant la gestion de l’assemblée de la Polynésie française entre 2005 et 2011. L’ordre du jour de la séance budgétaire de jeudi précise : «Ce projet de loi du pays fixe le droit de la concurrence et n’encadre les pratiques commerciales qu'avec des règles «minimales» qui portent sur la facturation, le prix minimum imposé, la revente à perte, le refus de vente, la discrimination par les prix et la subordination de vente. Ce texte répond aux doléances des associations défendant les intérêts des consommateurs, mais également aux observations des organisations patronales».

Gilles Yau, le président de la FGC s’inscrit totalement en faux de cette présentation
. Oui, les patrons via le Medef, la FGC, la CGPME ou la CCISM réclament une loi sur la concurrence «parce que nous sommes presque un des seuls pays à ne pas en avoir», mais pas n’importe comment. Oui, une concertation avec les professionnels a démarré depuis longtemps à ce sujet, mais leurs doléances ne se traduisent pas dans le texte qui sera présenté aux élus «Nous avons été écoutés, mais pas entendus, notamment par le ministre qui n’écoute d’ailleurs ni les organisations patronales, ni le CESC. C’est un entêtement incompréhensible» détaille Gilles Yau.

La réglementation de la concurrence est une sorte de serpent de mer en Polynésie française.
On en parle depuis longtemps, sans rien voir venir. Fin septembre 2005, un atelier «réglementation et concurrence » avait été organisé au Méridien sur le sujet avec la participation de la Nouvelle Calédonie qui partageait alors le même besoin de légiférer sur ces problématiques. Deux solutions différentes avaient été proposées. Après 7 ans de réflexion, c’est finalement un 3e choix qui sort de terre en Polynésie avec ce projet de loi de pays, mais qui ne s’appuie sur aucune des préconisations faites par les uns et les autres.

Quels sont les écueils relevés par la FGC ?

Le principal est que l’on prend le problème à l’envers. Avant d’écrire un projet de loi, il faut partir d’un état des lieux insistent les commerçants. Il faudrait donc d’abord une loi pour instaurer une haute autorité de la concurrence locale pour faire le diagnostic initial, ou faire comme en Nouvelle Calédonie, demander, par convention, à l’Autorité de la concurrence métropolitaine de venir faire une mission d’expertise. «A partir de là, on pourra construire une loi sur la concurrence et non l’inverse».
Gilles Yau poursuit, le projet de loi de pays est un copié-collé de la réglementation métropolitaine qui «ne s’adapte pas à la situation locale». Et de citer quelques problèmes à venir dans l’alimentation qui imposera par exemple, aux grandes surfaces de plus de 1 000 m2 d’avoir quatre fournisseurs différents pour chaque denrée proposée. Autre disposition inacceptable pour la FGC, celle qui va faire de la DGAE (direction générale des affaires économiques) la haute autorité de la concurrence avant la création d’un véritable organisme indépendant. «La DGAE qui fait la pluie et le beau temps, ce n’est pas possible» assène Gilles Yau. Enfin, le projet de loi de pays ne dit rien sur les concentrations, et, bizarrement, place les domaines réservés du Pays à l’abri de l’application de cette loi : pas question donc d’attaquer les monopoles locaux publics où le Pays est actionnaire principal tels que les transports aériens, les télécommunications entre autres.

La Nouvelle Calédonie a fait appel à l’Autorité de la concurrence


Si Polynésie et Nouvelle Calédonie ont commencé à discuter ensemble et en même temps de régulation et de concurrence, la seconde est allée plus vite en besogne. Le 30 janvier 2012, l’Autorité de la concurrence signait une convention avec le gouvernement de Nouvelle Calédonie. Une première mission a été dépêchée dans le courant du premier semestre 2012 avec pour objectif de formuler des recommandations aux pouvoirs publics locaux en matière de renforcement des capacités institutionnelles et administratives ainsi qu'en ce qui concerne la grande distribution. La Nouvelle-Calédonie, compétente en matière de droit de la concurrence depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 19 mars 1999, entend mieux garantir le bon fonctionnement des marchés, au bénéfice des entreprises locales et des consommateurs. Elle a sollicité l'Autorité de la concurrence afin que celle-ci établisse un diagnostic de la situation concurrentielle sur son territoire et mette à sa disposition son expertise en tant que régulateur.
Le premier rapport publié par l’Autorité de la concurrence vient juste d’être publié, le 2 octobre dernier. Il pointe l’existence d’oligopoles dans le secteur de la grande consommation. L’Autorité recommande notamment de mettre fin à la régulation des prix et des marges pratiquée par le gouvernement calédonien et de la remplacer par un dispositif de contrôle des concentrations et des ouvertures de surface. Enfin, l’Autorité recommande la création d’un organisme chargé de «la bonne application des règles de concurrence en Nouvelle Calédonie».


Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 3 Octobre 2012 à 16:17 | Lu 1293 fois