DANIEL SLIM / AFP
Washington, Etats-Unis | AFP | lundi 04/12/2022 - Les commerçants américains peuvent-ils refuser de servir des clients homosexuels au nom de leur convictions religieuses ? La Cour suprême, solidement ancrée dans le conservatisme, rouvre lundi ce débat ultra sensible dans une affaire ayant un fort goût de "déjà vu".
En 2018, la haute juridiction avait botté en touche dans un dossier porté par un pâtissier chrétien qui refusait de faire un gâteau de mariage pour un couple gay. Elle lui avait donné raison sur des motifs annexes sans édicter de grands principes généralisables.
La question, très clivante aux Etats-Unis, n'a pas tardé à émerger de nouveau, posée cette fois par une conceptrice de site internet: Lorie Smith, qui se définit comme une chrétienne pieuse, ne veut pas créer de pages web pour des mariages entre personnes de même sexe.
Comme le pâtissier Jack Phillips, elle travaille dans le Colorado où une loi interdit depuis 2008 les discriminations sur la base de l'orientation sexuelle, et peut imposer des pénalités allant jusqu'à 500 dollars aux contrevenants.
Contrairement à lui, elle n'a toutefois pas été sollicitée par des clients gays, ni a fortiori inquiétée par les autorités. Cela ne l'a pas empêché d'attaquer la loi du Colorado en justice de manière préventive.
Après avoir perdu en première instance et en appel, elle s'est tournée vers la Cour suprême qui a accepté d'intervenir en limitant la question à la liberté d'expression des commerçants dont le travail a une dimension artistique.
"Fleurs, photos, costumes..."
"Lorie est prête à faire des sites personnalisés pour tout le monde, y compris pour ceux qui se disent LGBT, tant que le message n'entre pas en conflit avec ses opinions", ont écrit ses avocats dans un argumentaire transmis à la Cour avant l'audience.
Mais "forcer des artistes, comme des peintres, des photographes, des auteurs, des graphistes ou des musiciens à transmettre des messages qui violent leurs convictions bafoue le premier amendement de la Constitution" garant des libertés d'expression et de religion, ont-ils ajouté.
La loi ne porte pas sur le contenu des produits commercialisés, mais oblige à les offrir à tous les clients, ont rétorqué les avocats du Colorado dans leur propre exposé.
Pour eux, Mme Smith pourrait très bien décorer ses sites web avec des messages bibliques sur le mariage "entre un homme et une femme", mais ne peut pas refuser de les vendre à des couples homosexuels.
Ils soulignent que de nombreux biens "ont un sens profond pour les acheteurs: des fleurs pour les funérailles d'une épouse, une photo de famille pour la naissance d'un bébé, un costume pour un nouveau travail"... et qu'un refus de vente n'est pas anodin.
"Agressive"
Reflétant les profondes divisions de la société américaine, de nombreux acteurs se sont joints à la procédure en soutien de Mme Smith (élus républicains, groupes religieux, associations conservatrices) ou du Colorado (élus démocrates, défenseurs des minorités...)
Le gouvernement américain, qui sous Donald Trump avait appuyé le pâtissier Jack Phillips, défend cette fois la position du Colorado. Sa loi "n'oblige pas à adopter ou relayer un message prescrit par les autorités", écrit la représentante de l'administration démocrate de Joe Biden.
Relevant que de nombreux commerces ont une dimension créative, les associations de défense des minorités ont appelé la haute Cour -- qui a légalisé le mariage homosexuel en 2014 -- à rejeter les arguments de Mme Smith.
Sinon, "des architectes pourraient refuser de dessiner des maisons pour des familles noires, des pâtissiers de préparer des gâteaux d'anniversaire pour des enfants musulmans, des fleuristes de fournir des bouquets pour l'enterrement d'une personne homosexuelle", a énuméré David Cole, le directeur de l'ACLU lors d'une présentation à la presse.
Mais ces associations sont inquiètes "de la posture agressive de la Cour", selon les termes de Mary Bonauto, responsable de l'association GLAD qui défend les droits des personnes LGBT.
Remaniée par Donald Trump, elle compte six magistrats conservateurs sur neuf, qui ont offert récemment des victoires retentissantes à la droite religieuse, notamment en dynamitant le droit à l'avortement.
La Cour suprême doit rendre sa décision dans le dossier de Mme Smith avant le 30 juin 2023.
En 2018, la haute juridiction avait botté en touche dans un dossier porté par un pâtissier chrétien qui refusait de faire un gâteau de mariage pour un couple gay. Elle lui avait donné raison sur des motifs annexes sans édicter de grands principes généralisables.
La question, très clivante aux Etats-Unis, n'a pas tardé à émerger de nouveau, posée cette fois par une conceptrice de site internet: Lorie Smith, qui se définit comme une chrétienne pieuse, ne veut pas créer de pages web pour des mariages entre personnes de même sexe.
Comme le pâtissier Jack Phillips, elle travaille dans le Colorado où une loi interdit depuis 2008 les discriminations sur la base de l'orientation sexuelle, et peut imposer des pénalités allant jusqu'à 500 dollars aux contrevenants.
Contrairement à lui, elle n'a toutefois pas été sollicitée par des clients gays, ni a fortiori inquiétée par les autorités. Cela ne l'a pas empêché d'attaquer la loi du Colorado en justice de manière préventive.
Après avoir perdu en première instance et en appel, elle s'est tournée vers la Cour suprême qui a accepté d'intervenir en limitant la question à la liberté d'expression des commerçants dont le travail a une dimension artistique.
"Fleurs, photos, costumes..."
"Lorie est prête à faire des sites personnalisés pour tout le monde, y compris pour ceux qui se disent LGBT, tant que le message n'entre pas en conflit avec ses opinions", ont écrit ses avocats dans un argumentaire transmis à la Cour avant l'audience.
Mais "forcer des artistes, comme des peintres, des photographes, des auteurs, des graphistes ou des musiciens à transmettre des messages qui violent leurs convictions bafoue le premier amendement de la Constitution" garant des libertés d'expression et de religion, ont-ils ajouté.
La loi ne porte pas sur le contenu des produits commercialisés, mais oblige à les offrir à tous les clients, ont rétorqué les avocats du Colorado dans leur propre exposé.
Pour eux, Mme Smith pourrait très bien décorer ses sites web avec des messages bibliques sur le mariage "entre un homme et une femme", mais ne peut pas refuser de les vendre à des couples homosexuels.
Ils soulignent que de nombreux biens "ont un sens profond pour les acheteurs: des fleurs pour les funérailles d'une épouse, une photo de famille pour la naissance d'un bébé, un costume pour un nouveau travail"... et qu'un refus de vente n'est pas anodin.
"Agressive"
Reflétant les profondes divisions de la société américaine, de nombreux acteurs se sont joints à la procédure en soutien de Mme Smith (élus républicains, groupes religieux, associations conservatrices) ou du Colorado (élus démocrates, défenseurs des minorités...)
Le gouvernement américain, qui sous Donald Trump avait appuyé le pâtissier Jack Phillips, défend cette fois la position du Colorado. Sa loi "n'oblige pas à adopter ou relayer un message prescrit par les autorités", écrit la représentante de l'administration démocrate de Joe Biden.
Relevant que de nombreux commerces ont une dimension créative, les associations de défense des minorités ont appelé la haute Cour -- qui a légalisé le mariage homosexuel en 2014 -- à rejeter les arguments de Mme Smith.
Sinon, "des architectes pourraient refuser de dessiner des maisons pour des familles noires, des pâtissiers de préparer des gâteaux d'anniversaire pour des enfants musulmans, des fleuristes de fournir des bouquets pour l'enterrement d'une personne homosexuelle", a énuméré David Cole, le directeur de l'ACLU lors d'une présentation à la presse.
Mais ces associations sont inquiètes "de la posture agressive de la Cour", selon les termes de Mary Bonauto, responsable de l'association GLAD qui défend les droits des personnes LGBT.
Remaniée par Donald Trump, elle compte six magistrats conservateurs sur neuf, qui ont offert récemment des victoires retentissantes à la droite religieuse, notamment en dynamitant le droit à l'avortement.
La Cour suprême doit rendre sa décision dans le dossier de Mme Smith avant le 30 juin 2023.