Réforme de la perliculture : ce qui va changer


Des comités de gestion seront chargés d'organiser collectivement la filière à l'échelle de chaque île.
PAPEETE, le 14 octobre 2016. Le projet de réforme de la perliculture doit être transmis d'ici trois semaines à l'assemblée. Cette réforme a pour ambition d'atteindre une production organisée et de qualité, grâce à la mise en place de quotas de production et de mesures destinées à assurer la traçabilité des volumes de perles, de leur production jusqu'à leur exportation.

La perliculture est la deuxième ressource propre de la Polynésie française après le tourisme et devant les produits de la pêche. En 2014, elle a constitué 69% des recettes à l’exportation et sa valeur ajoutée représentait 0,4 % du PIB. Selon le gouvernement, près de 3 000 emplois sont liés au secteur de la perliculture. La filière est donc importante mais bat de l'aile puisqu'en "25 ans, le cours de la perle a été divisé par 10 tandis que, dans le même temps, la production était multipliée par 25", note le gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de réforme de la perliculture.
Dans ce contexte difficile, un tiers des exploitations a dû cesser son activité au cours des huit dernières années. En même temps, certains lagons des atolls perlicoles les plus exploités ont commencé à montrer des signes de perturbation de leur écosystème. Une diminution du collectage, des mortalités accrues des nacres et une baisse de la qualité des perles produites y ont été constatées. Aujourd'hui, la filière perlicole est aussi entourée d'un certain flou puisque la production réelle n'est pas connue car seules les exportations déclarées font l'objet d'un suivi statistique. Une réforme de la perliculture était donc devenue indispensable.
Après plusieurs mois de rencontres, les producteurs de perles et le ministre de la Perliculture se sont mis d'accord en juin dernier sur un projet de loi du Pays qui vise la refonte de la filière.

DES QUOTAS DE PRODUCTION
L'introduction de quotas est un des changements importants apporté avec cette réforme. Des quotas de production seront fixés à l’échelle de la Polynésie française, après avis des professionnels, puis attribués à chaque exploitation. Pour être autorisées à la vente, les perles de culture et les keshis devront être enregistrés, c'est à dire comptés et pesés. Si le quota de production individuel est dépassé, le surplus ne pourra être autorisé à la vente, les perles sont alors restituées au dépositaire.
Le quota individuel de production déterminera le nombre maximum de perles de culture qu'un producteur est autorisé à produire, dans un lagon donné et pour une année civile.
Ce quota de production aura notamment pour but de redonner un peu de souffle aux lagons.

L'IMPACT SUR LE LAGON SURVEILLE
Le ministre de l'Economie bleue, Teva Rohfritsch, inscrit cette réforme dans "une démarche de développement durable". Les surfaces autorisées seront plafonnées en fonction des caractéristiques écologiques des lagons : bathymétrie, hydrodynamisme, présence de passes et état de santé général de son écosystème. "Les conditions d’utilisation du domaine public seront également revues vers un renforcement des obligations de remise en état et de recyclage des déchets", note le gouvernement.

Lors l'examen de ce projet de réforme, les membres du CESC ont souligné l'importance de "la préservation des lagons soit une priorité". La quatrième institution du Pays a proposé au Pays "qu’un état des lieux de la situation environnementale des lagons soit établi et communiqué à toutes les parties prenantes. Il devrait ensuite être rapidement proposé un plan de dépollution des atolls."

FINI LES REBUTS
Aujourd'hui, les perles qui n'ont pas de qualités suffisantes sont classées au rebut et ne peuvent pas être vendues. Cette notion est complètement abandonnée par le projet de réforme." Il appartiendra à chacun, professionnel et consommateur, d’apprécier la valeur de chaque perle", analyse le CESC dans son avis rendu jeudi. "La commercialisation de toutes les perles redonnera aux professionnels la maîtrise de leur stratégie commerciale, dans le cadre de leurs quotas. Ces perles, bien qu’ayant des imperfections, pourront être valorisées lors de la confection de bijoux ou de produits d’artisanat, et seront dorénavant commercialisées légalement."
Il n'y aura donc plus d'épaisseur minimum à atteindre pour pouvoir vendre une perle. Les professionnels pourront malgré tout demander une évaluation de l'épaisseur de la couche de nacre des perles de cultures. Cette évaluation sera gratuite ou payante selon les cas.

METTRE FIN AU CIRCUIT ILLEGAL
Pour mettre fin aux ventes de perles hors du circuit légal, le projet de réforme prévoit une série de mesures. Le texte précise que les producteurs, les négociants et les détaillants ne pourront confier leurs perles à un tiers quelconque. La détention de perles par une autre personne sera autorisée sous certaines conditions uniquement. "Cette mesure vise à mettre un frein aux abus constatés aujourd'hui avec des rabatteurs qui diffusent, sur le marché local voire même à l'international, des produits perliers en dehors de tout circuit légal", indique le gouvernement.

L'achat de nucléus sera lui aussi très encadré. Seuls les commerçants de nucléus pourront fabriquer, acheter, recycler, importer des nucléus en vue de les vendre uniquement à un producteur de produits perliers ou à un autre commerçant de nucléus. Pour exercer son activité, le commerçant de nucléus devra être titulaire d'une autorisation d'exercer. Ce commerçant devra tenir un registre d'achats et de ventes sur le marché local de nucléus, qui pourra être consultable à tout moment par les autorités.

Le texte a été examiné au Conseil économique, social et culturel ce jeudi. Il doit être transmis d'ici trois semaines à l'assemblée afin d'être mis en application dès janvier prochain.

Un forum de la perle les 20 et 21 octobre

La Tahitian Pearl association of French Polynesia, avec le ministère de la Relance économique et de de l’économie bleue, organise le Forum de la perle les 20 et 21 octobre, à la CCISM (amphithéâtre). L’entrée est libre et gratuite.
Plusieurs intervenants seront présents, dont Etienne Perret, gemmologue américain et grand spécialiste de la perle, qui situera la perle de culture de Tahiti et les autres perles sur le marché américain.
Des conférences sont aussi prévues sur les travaux de recherche et développement en perliculture, la détermination de la couleur et de la taille de la perle, l’interaction de la perliculture sur l'environnement et la perliculture durable, le risque sanitaire et les actions de veille sanitaire… Le ministre de l'Economie bleue présentera aussi la réforme réglementaire du secteur de la perliculture.

Rédigé par Mélanie Thomas le Vendredi 14 Octobre 2016 à 15:19 | Lu 2393 fois