Randy Manaverere, un entrepreneur qui a de l'avenir


PAPEETE, le 07 février 2017 - Ces jeunes qui montent - Randy Manaverere a 26 ans et est aujourd'hui à la tête d'une petite entreprise qui tourne bien. Il emploie quatre salarié et compte ouvrir un deuxième snack et lancer sa propre marque de citronnade locale.


Randy Manavarere, 26 ans, nous accueille dans son snack, Tahiti Smoothies, grand sourire, il porte une chemise bleue avec des ananas blancs. L'ananas, c'est son truc, c'est le logo de son entreprise, il est présent un peu partout chez Tahiti Smoothies sur la devanture, sur les affichettes et bien sûr dans les jus de fruits. "L'ananas, c'est un fruit d'ici, c'est ce que je voulais mettre en avant, des produits locaux bons et sains", raconte Randy Manavare en tendant une citronnade. Le jeune homme a monté son entreprise Tahiti Smoothies à l'âge de 23 ans, après avoir pas mal bourlingué et roulé sa bosse.

Après son baccalauréat en 2008, il décide de partir en France pour poursuivre ses études.Il passe deux ans et demi en métropole à la SKEMA Business School sur le campus de Sophia -Antipolis. Il enchaîne ensuite avec un bachelor et des stages et un MBA en management à la Hawaii Pacific University."Je suis allé à Hawaii pour avoir un bagage français et américain, au cas où. On n'est jamais assez prévoyant." Les démarches pour travailler aux États- Unis étant très compliquées, Randy Manavarere décide de revenir en Polynésie.Il rentre avec plein d'idées de concepts qu'il a découverts. "J'étais quasiment sûr que la plupart de ces concepts marcheraient parce que ce qui se développe à Hawaï arrive en Polynésie presqu'un an après."

À son retour, il cherche du travail, mais rien ne correspond vraiment à ses attentes. "J'ai grandi dans un environnement d'entrepreneurs, mes parents ont des boutiques, et le fait d'être chinois, ça aide, c'est dans les gènes. Je ne vais pas passer ma vie à enrichir quelqu'un d'autre", lâche-t-il en éclatant de rire, avant d'enchaîner : "J'ai toujours voulu avoir mon entreprise, mais je ne voulais pas reprendre celle de mes parents, pour moi il n'y avait aucun challenge." Il décide donc d'acheter des kendama, une sorte de bilboquets japonais. "C'était la mode à Hawaii, je me suis dit que ça marcherait ici, j'ai pris la moitié de mon capital et j'ai acheté les produits en Chine. Pendant six mois, je n’ai rien vendu, zéro. J'avais 22 ans et pour moi, 200 000 francs c'était une fortune. J'ai flippé, c'était la moitié de ce que j'avais. Pendant six mois je n'ai pas gagné un centime, mais je n'ai pas baissé les bras. J'ai déposé des kendama un peu partout, surtout dans les garderies et petit à petit ça a pris et de zéro je suis passé à presque 1000. Sur un an, je me suis fait un capital et j'ai pu acheter quelques machines pour commencer l'aventure de Tahiti Smoothies."

En 2013,la tendance"healthy"prend de plus en plus d'ampleur, des jus de fruits frais, des produits sains à base de matières premières locales. Cette tendance s'était déjà répandue comme une traînée de poudre aux États-Unis et en Europe. "Je voyais que ça c'était embryonnaire ici, les gens commençaient à se rendre compte de l'importance de l'alimentation. Je me suis dit pourquoi pas tenter ce marché." Randy Manavarere a la tête sur les épaules, son aventure avec les kendama l'a un peu échaudé, il commence petit avec les foires, les marchés. "Avec un copain, on a fait toutes les foires, on y allait. On coupait des fruits du matin jusqu'au soir. Au début, on ne faisait que les fruits, que des jus de fruits. Ici il y a un gros potentiel qui, à l'époque, n'était pas exploité. Tout ce qui est ananas, mangue, papaye, banane, les gens n'avaient pas encore réalisé la plus- value des jus de fruits locaux. J'ai vu que ça marchait à Hawaii, il n'y avait pas de raison pour que ça ne marche pas. Pendant un an j'ai fait des foires, pour prouver le concept. Une fois que j'ai eu la certitude qu'il y avait un marché, je me suis lancé, j'ai pris un local avec le capital que j'avais, j'ai acheté des machines. J'ai fait les choses petit à petit."

Il prend le temps d'occuper le terrain, d'asseoir sa présence sur le marché. Aujourd'hui, cela fait trois ans que Tahiti Smoothies existe. Après un agrandissement et plusieurs rénovations, Randy Manavarere est assez fier de ce qu'il a fait. "J'ai fait tout ça tout seul. Bien sûr mes parents m'ont soutenu moralement, mais j'ai tout fait seul. J'ai fait beaucoup de sacrifices personnels. Je suis fier de ce que j'ai accompli et aujourd'hui je ne changerai ça pour rien au monde, mais si j'avais su toutes les épreuves et les embûches qui m'attendaient je ne pense pas que je me serais lancé", raconte-t-il l'air pensif."Aujourd'hui, je ne dépends plus de personne, j'ai lancé mon truc et j'y suis arrivé, ce n'est pas le cas de tout le monde, mais j'ai bossé pour ça." À 26 ans, il a une entreprise qui tourne bien et quatre salariés.

Randy Manavarere est revenu en Polynésie, malgré "le coût de la vie, le contexte économique compliqué, parce qu'à Tahiti on a une qualité de vie qui est incomparable. C'est peut- être parce que j'ai grandi ici, ici je suis quelqu'un alors qu'ailleurs je ne serais un pion, un inconnu noyé dans la masse. C'est une petite communauté, il y a cette chaleur qu'il n'y a pas ailleurs."

Désormais, le jeune entrepreneur pense plutôt à l'avenir. "Je pense ouvrir un autre spot sur le fenua et lancer ma marque de citronnade. Toujours dans le local, dans la vision de ce qui est sain et fait localement. Je suis vachement dans cette direction." Randy Manavarere veut continuer sur sa lancée, dans ce concept qui lui ressemble. "Je fais attention à moi, à mon corps, à ce que je manger. Je me reconnais dans ce que je vends. J'essaie d'allier mon train de vie et le business, vendre un concept dans lequel je me reconnais."

Le jeune restaurateur attend de voir comment va évoluer la Polynésie, "J'attends de voir où va la Polynésie pour prendre une décision sur le long terme. Aujourd'hui, si j'avais beaucoup d'argent à investir, je ne le ferais pas en Polynésie. C'est dommage, je me vois ici dans les cinq prochaines années, après je ne sais pas." Quand il parle de la création d'entreprise et des jeunes entrepreneurs aujourd'hui, Randy Manavarere est lucide : "Le taux de croissance est faible, le chômage est élevé, les jeunes aujourd'hui nous avons moins de capital qu'il y a 15, 20 ans. Créer une boîte, un concept original n'est pas évident à moins d'avoir un capital ou des parents qui nous soutiennent financièrement."

Randy Manavarere est jeune, il a réussi dans son secteur et est fier de son entreprise dans laquelle il a beaucoup investi en temps et en argent, mais quand il regarde l'avenir de la Polynésie, il est sceptique.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mardi 7 Février 2017 à 16:46 | Lu 2949 fois