Raimana Bareille, Pepena et l’esprit Pacifique


TAHITI, le 12 avril 2023 - Il est auteur, compositeur et chanteur de Pepena. À l’occasion de la sortie du 4e album du groupe, Raimana Bareille revient sur son parcours, son enfance à Tahiti, ses vacances à Ua Pou et sa découverte de la richesse polynésienne.

Il a accepté l’interview, en avouant lorsqu’il lui a fallu faire une sélection de photographies pour illustrer son parcours : “j’ai eu du mal à rassembler tout cela car je n’aime pas trop regarder les photos du passé. Et surtout parler de moi … C’est bien la première fois que je le fais.” Raimana Bareille est un personnage public, il est auteur, compositeur et chanteur du groupe Pepena. Pour autant, il n’a pas l’habitude de se répandre sur sa vie privée. Il fait exception à la règle, alors que le groupe vient de dévoiler son dernier album. Une fois n’est pas coutume…

“On faisait des choses simples”

Avec sa grand-mère et l’un de ses cousins à Ua Pou.
Raimana Bareille est né à Tahiti en 1985. De père français et de mère marquisienne, il a été élevé avec ses frères à Punaauia. Il précise : “On vivait à Taapuna, dans un quartier social”. Il a passé de nombreuses vacances dans la vallée de Hoho’i à Ua Pou, la terre maternelle. Il en garde un souvenir ému. “On faisait des choses simples, comme du cheval, cueillir des fruits, faire du coprah pour arrondir les fins de mois. On jouait au football tous ensemble. On se baignait à la rivière et quand on avait encore de l’énergie, on allait pêcher.” L’île n’a pas de lagon, la mer est forte et les sorties en bateau ne sont pas toujours une partie de plaisir. “L’océan parfois est déchaîné.” C’est la nature qui fixe les règles. “On apprend à la respecter, à maîtriser ses émotions pour l’apprécier. On observe beaucoup.” Raimana Bareille confie qu’il aurait aimé rester là-bas. Mais il lui a fallu aller à l’école à Tahiti.

Il a été scolarisé à Punaauia jusqu’au lycée qu’il a suivi à Paul Gauguin. “C’est là que j’ai commencé à prendre conscience de la richesse de notre culture.” Raimana Bareille a été inscrit à l’internat car la logistique et donc le rythme de vie qui en découlait était trop fatiguant pour lui. Le bus qui devait l’emmener au lycée passait trop tôt devant le domicile familial.

Dans l’établissement, avec lui se trouvaient des enfants venus de tous les archipels. “On avait une vie un peu différente en fonction des îles, mais on se retrouvait sur tout un tas de choses”, se rappelle-t-il. Il y avait également des élèves de Rapa Nui ou bien de Wallis, d’autres encore avaient grandi sur des bateaux. La petite communauté suivait les cours, faisait “plus ou moins” ses devoirs, surtout elle échangeait. L’un parlait de ses jeux, des paysages qui lui manquaient, de ses aventures passées dans un coin du monde. “Dans ce contexte, je suis resté assez longtemps au lycée, car j’ai pas mal redoublé”, plaisante Raimana Bareille.

S’il écoutait régulièrement de la musique avec ses amis ou en famille, Raimana Bareille n’avait, avant le lycée, jamais joué d’un instrument. Il écrivait, mais il a commencé la guitare avec ses camarades de lycée. Une découverte marquante. “J’ai enfin pu m’exprimer par moi-même”, raconte-t-il. Il jouait, comme les autres, du rock américain, de la chanson française.

Il est sorti de l’établissement avec, en poche, un baccalauréat scientifique spécialité biologie. Ce domaine l’intéressait particulièrement. Il aimait aussi les arts plastiques, dont le dessin. “En plus, j’avais certaines facilités.” En 2005, une fois diplômé, il a cherché sa voie. Pourquoi ne pas partir en France et s’inscrire dans une école d’art ? Il n’a pu se résoudre à quitter le fenua. “En y pensant, je me sentais vide, je n’avais rien à montrer, pas de bagage et puis je me suis dit pourquoi ne pas regarder d’abord ce qui se fait ici, en Polynésie ?” Il s’est finalement tourné vers le Centre des métiers d’arts de la Polynésie française (CMA).

“Je me sentais à ma place”


Il est entré au CMA en 2006, a pris la spécialité sculpture, bois et pierre. “Là, je me sentais à ma place, je pouvais m’exprimer au niveau graphique et musical.” Pendant trois ans, il a vécu ses “meilleures années”. En 2008 avec des amis, dont Teiki l’actuel batteur de Pepena, il a fondé un premier groupe de musique baptisé Manaiki. Ils ont fait pendant plusieurs mois “des petites scènes”, parrainés par Michel Poroi qui leur ouvrait des portes. Raimana Bareille a vécu ces concerts comme un challenge. Timide, il a dû se surpasser : “Je suis allé au-delà de moi face au public.” En 2009, diplômé, félicité par le jury, il s’est installé dans l’atelier de l’établissement. “Enfin, c’était une sorte d’atelier relai, un espace ouvert par le directeur Viri pour accueillir les diplômés du centre.” Il a travaillé sur commande, réalisant notamment des trophées pour certaines compétitions de surf. En parallèle, il a continué la musique qui a pris de plus en plus de place. Au bout de deux ans, cet art a pris toute la place. Depuis, Raimana Bareille s’y consacre pleinement. Il n’a pas pu continuer à tout mener de front. “Je m’éparpillais. Je prenais des retards dans les commandes. J’ai décidé de me consacrer à la musique.”

Manaiki s’est arrêté car l’un des membres est parti en France pour poursuivre ses études. Raimana Bareille et Teiki ont pris contact avec Huahere, guitariste, rencontré lors d’un show de Manaiki. Le courant est passé. Huahere, lui, a fait venir Jean-Charles, bassiste. “On a fait un test tous les quatre, tout est allé très vite ensuite.” Pepena, qui signifie en marquisien, création ou réinterprétation, est né en 2010. Il a donné son premier concert le jour de la fête de la musique.

En 2012, Raimana Bareille s’est inscrit au concours de chant de la Nescafé Star dont il est sorti vainqueur, ce qui lui a permis d’obtenir des financements pour réaliser le 1er clip de Pepena : Vagabond. En 2013, le groupe, toujours dans un souci d’innovation, a fondé Fakatere, le premier espace de coworking en Polynésie. Installé au dernier étage de l’immeuble Grand hôtel, il consistait en plusieurs bureaux réunis autour d’un studio d’enregistrement. En 2019, Raimana Bareille a eu l’opportunité de se produire pour l’émission de télécrochet musical produit par TF1, The Voice. C’est face au futur gagnant que son aventure s’est achevée.

Pepena a joué dans différents pays du Pacifique. Ici au Japon.
Pepena vient de sortir de son quatrième album intitulé Esprit Pacifique. “Un album dont on ressent la maturité ; il dit l’osmose, le partage. Il est simple et accessible, empreint d’une certaine douceur” décrit le chanteur. Il dit la manière dont les membres voient la vie, avec leur expérience, leur sensibilité. Il est une ode à la musique, aux îles, au soleil, à la mer, aux saveurs, au bonheur, à l’esprit des peuples du Pacifique. Il contient des chansons écrites en français, en anglais et en tahitien.

Cet album est en libre accès sur le site internet de Pepena. “On ne correspond pas à la machine show-business, on a choisi cette stratégie pour répondre à ceux qui attendaient l’album : pour renouer avec nos fans. Pour la suite, nous réfléchissons à un mode de distribution innovant, écologique, simple.” Les photographies du site internet sont signées Tahiti Zoom, les illustrations HTJ. Ce site internet est le fruit de collaborations, il annonce un projet à venir. “Pour l’instant, on montre ce que l’on sait faire, mais on aimerait, à terme, fonder une plateforme de musique du Pacifique pour gagner en visibilité.”

Un groupe qui touche au cœur

Pepena comme son nouvel album est un groupe accessible qui, en plus des albums, propose des concerts publics mais aussi privés. “On aimerait d’ailleurs tendre vers ça, pour des soirées plus intimistes, avec un petit public.” Raimana Bareille se rappelle avoir joué pour une famille de quatre personnes. Un moment mémorable qui a provoqué une certaine remise en question de ce groupe qui touche au cœur. Pour preuve, certains amateurs n’hésitent pas à traverser la terre pour les rencontrer. Raimana Bareille rapporte la venue d’un couple de camionneurs qui écoutait Pepena dans son véhicule entre la France et l’Angleterre et qui, un jour, est venu à Tahiti pour le voir sur scène. “Ils sont restés une semaine et nous ont suivi de scène en scène !” Toutes ces anecdotes confirment, s’il fallait, que le groupe a trouvé sa place. Ses membres vivent et grandissent. Raimana Bareille se charge d’exprimer tout ce qu’ils ont à transmettre.

Rendez-vous

Pepena sera en concert le jeudi 13 avril à la Brasserie Hoa, le vendredi 14 et le jeudi 20 avril au 3B, le vendredi 21 au Poke Bar.


Contacts

FB : Pepena
Site internet du groupe.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 12 Avril 2023 à 16:33 | Lu 1327 fois