Raihono Haumani : “L’agriculture est un indispensable secteur”


TAHITI, le 4 octobre 2023 - Formé au lycée agricole de Moorea, Raihono Haumani est aujourd’hui un agent de la Chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL). Sur la foire agricole, il est animateur. Au quotidien, il porte le projet de kit potager solidaire. Une aventure agricole, technique et sociale qui lui permet de partager ses propres valeurs.

Depuis le 28 septembre et jusqu’au 8 octobre, Raihono Haumani est affecté au secteur poulailler de la foire agricole, qui se tient à Outumaoro. Il reçoit les scolaires et les particuliers, répond à leurs questions et prend soin des poules pondeuses et poulets de chair. Il revient à ses premières missions, celles qui lui ont été affectées quand il a intégré la Chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL) en août 2022. “J’étais animateur vulgarisateur”, précise-t-il. Autrement dit, il se rendait dans les exploitations pour faire des visites, estimer la production mensuelle, mais aussi accompagner techniquement et parfois administrativement les producteurs. “J’étais sur la partie maraîchage”, indique-t-il.

Chaque mois, les volumes de production agricole sont évalués en amont avec les professionnels. Une conférence agricole est organisée à la Direction générale des affaires économiques, à laquelle participe un représentant de la CAPL. Cela permet d’estimer les volumes de produits à importer pour répondre à la demande. “J’ai fait cela pendant trois mois avant de prendre part au projet de kit potager solidaire.” Le kit potager solidaire a été officiellement présenté lors de la dernière foire agricole en octobre 2022.

“C’est en phase avec mes propres valeurs”

1) Classe de 1re année de la promo BTS Darc (Développement agricole des régions chaudes), année 2010-2012.
Lancé le mois suivant, le projet, en partenariat avec la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité (DSFE) et les communes, consiste à fournir à des familles identifiées un kit pour pouvoir installer un potager à la maison. Pour démarrer, 200 familles ont été identifiées selon leur situation, leur motivation et leur espace. Une surface libre de 25 mètres carrés est indispensable. “Nous avons contacté toutes les communes et décidé de travailler avec celles qui nous ont répondu.” Elles sont moins d’une dizaine : Arue, Mahina, la plupart de la Presqu’île, Faa’a, Moorea et Raiatea.

Le kit contient une structure de 5x5 mètres avec clôture, grillage, fer tort et bois pour jardinière. Il y a également un petit équipement (brouette, râteau, arrosoir…), du substrat, du fertilisant (de l’engrais de poisson) et un stock de graines. “Notre logique s’inscrit dans une conduite en agriculture biologique”, prévient Raihono Haumani. Les familles reçoivent le kit gratuitement, elles bénéficient en plus d’une journée de formation.

À partir de novembre et pendant les quatre mois qui ont suivi, Raihono Haumani a été assigné à des tâches administratives. Il a travaillé avec les fournisseurs (ils sont une dizaine) et fait faire les devis. “On a voulu bien caler les choses.” La première implantation a eu lieu en février dernier. Enfin, le terrain et les rencontres avec les familles ont pu commencer. “Ce qui me plaît, au-delà de l’aspect agricole, c’est l’aspect social. C’est en phase avec mes propres valeurs.”

Un enfant de Moorea


Raihono Haumani est né en 1992. “Je suis un enfant de Moorea” qui a eu “un parcours tout à fait normal”, décrit-il. Il démarre sa scolarité sur l’île Sœur, puis la poursuit à Tahiti. Il obtient en 2010 un baccalauréat scientifique au lycée de Taaone. “À l’époque, je ne savais pas trop ce que je voulais faire, franchement. Je n’étais pas trop sûr de la suite.” Il n’est issu pas d’une famille d’agriculteurs. Son grand-père avait bien un fa’a’apu qu’il entretenait, mais il n’a pas grandi avec lui. Il a choisi pourtant de suivre un cursus agricole au lycée de Opunohu “parce que c’était près de chez moi”, avoue-t-il. Pendant deux ans, son intérêt pour l’agriculture ne cesse de grandir. “Ce que j’aime, c’est la phytotechnie.”


4) À Fulton University College au milieu de deux amis tongiens durant un programme de sabbat.
La phytotechnie est la partie botanique qui a pour objet la classification et la nomenclature des plantes, ainsi que les différentes utilités de celles-ci. “Savoir planter et faire pousser un végétal quel que soit l’environnement, obtenir des fruits et des légumes est incroyable.” Au cours de son cursus, il réalise un stage d’une semaine au sein même du lycée et un autre stage de trois mois à Toulouse en France. Il est pris dans une exploitation de grandes cultures maraîchères et céréalières. Là, il y a en plus de l’apiculture. Le tout s’étend sur 200 hectares. “J’ai beaucoup appris et confirmé que j’avais fait le bon choix d’orientation. Il me semble que l’agriculture est un métier d’avenir. Sans cela, sans les producteurs, tout s’arrête !” Raihono Haumani obtient son brevet de technicien supérieur en 2012. Une fois diplômé, “je n’ai pas voulu me lancer. Je ne suis pas d’une famille aux moyens fonciers considérables.” Il travaille alors pour des agriculteurs biologiques de Moorea. “Je vivais chez mes parents, j’ai fait des petits jobs par ci par là pour avoir un peu d’argent.” Puis ses convictions religieuses l’emportent.

“J’ai aussi appris à me discipliner”

Raihono Haumani est adventiste du 7e jour. En 2014, il part aux îles Fidji pour faire des études en théologie. Elles dureront quatre ans. “Je voulais découvrir autre chose, une autre langue, une autre culture.” Il y trouve des réponses aux questions existentielles qui lui trottent alors dans la tête. “J’ai aussi appris à me discipliner, à gagner en sérieux”, reconnaît-il. En 2019, il rentre avec une licence en théologie et le projet de se marier. Ce diplôme est une porte ouverte au métier de pasteur. “Mais pour moi, ce métier n’est pas une carrière, mais une vocation que je n’ai pas pour l’instant.” Il cherche du travail pour concrétiser son projet de mariage.

8) Avec sa fille de 16 mois, Temurina, à Opunohu, à Moorea.
Il bénéficie d’abord du dispositif du Corps volontaire au développement (CVD) à la Direction de l’agriculture de son île. Il est employé dans le cadre du programme européen Protège pour chercher une alternative aux herbicides chimiques utilisés dans la culture de l’ananas. “Aucun des produits testés n’a été validé”, regrette-t-il. “Mission à suivre.” Il enchaîne ensuite dans le secteur du bâtiment pendant un an. Enfin, un poste se libère à la CAPL. Depuis, marié et père d’une petite fille, il s’épanouit. “Je continue à développer et consolider mes connaissances en agriculture, je peux partager mes convictions.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 4 Octobre 2023 à 19:40 | Lu 1931 fois