“Racistes, insultants et incohérents” : les propos de l'élue Tavini Sylvana Tiatoa font bondir les médecins


Les propos tenus ce vendredi par l'élue Tavini Sylvana Tiatoa ont provoqué une vive réaction de la part de l'ordre des médecins de Polynésie. Crédit photo : Assemblée de Polynésie.
Tahiti, le 27 mai 2024 – Les propos aberrants tenus ce vendredi à Tarahoi, lors de la quatrième séance de la session administrative, par l'élue Tavini Sylvana Tiatoa sur la prétendue inefficacité de la médecine conventionnelle chez les Polynésiens, ont fait vivement réagir le conseil de l'ordre des médecins de Polynésie, déclarant que cette sortie était “indigne, raciste, insultante et surtout d'une incohérence étonnante”. Contacté par Tahiti Infos, le ministre de la Santé, lui, n'a pas souhaité réagir à ce sujet.
 
Les applaudissements étaient mitigés, ce vendredi à Tarahoi, après la prise de parole de l'élue Tavini Sylvana Tiatoa, lors de la quatrième séance de la session administrative. Et pour cause, la représentante, qui avait préparé son intervention, a tenu des propos aberrants (en reo tahiti) et hors de contexte sur le budget alloué à la santé et à l’hôpital de Taaone, en mettant en cause la médecine conventionnelle. “Le problème de la politique sanitaire de notre pays, c'est qu'on ne s'est jamais préoccupé de la culture de ce peuple et de son identité. Les Polynésiens ont été soignés comme s'il s'agissait d'Européens. Aujourd'hui, aucun médicament ne soigne vraiment les personnes, les traitements ne sont pas faits pour soigner, mais pour soulager la souffrance du peuple. C'est pour cela que chaque année, l'hôpital est déficitaire. En une année, c'est la quatrième fois que nous nous réunissons pour injecter des fonds dans le fonctionnement du CHPF.”
 
Sylvana Tiatoa ne s'est pas arrêtée là, en ajoutant que l'attribution de ces fonds n'avait aucun intérêt “car toujours autant, sinon plus de gens meurent” et que désormais, la médecine était devenue un business, auquel le précédent gouvernement autonomiste “a toujours cédé”. Des propos qui devraient, somme toute, provoquer une énième polémique dans les rangs de l'assemblée et du Tavini, après ceux d'un autre élu bleu ciel, Mitema Tapati, et du ministre de l'Éducation, Ronny Teriipaia. Pour mémoire, ils avaient tous deux tenu des allégations sur le “blanchissement” de la société polynésienne. Édouard Fritch avait par la suite déposé plainte, à laquelle la procureure de la République a décidé de donner suite en ouvrant une enquête pour “provocation publique à la discrimination”.
 
Les médecins indignés, Mercadal sur des œufs
 
Interrogé sur le sujet dans le journal télévisé de TNTV ce dimanche 26 mai, le ministre de la Santé, Cédric Mercadal, s'est montré prudent et étonnamment mesuré lorsque le présentateur lui a demandé s'il cautionnait ces propos. Souhaitant certainement ne pas affaiblir l'élue, représentante du parti majoritaire de son gouvernement, le ministre n'a pas réellement répondu à la question, se contentant d'expliquer que la médecine traditionnelle associée à celle conventionnelle “fonctionne bien” et qu'il fallait “continuer dans ce sens”. “Il y a de plus en plus de malades, c'est vrai, car l'état de santé de la population est terrible”, a-t-il également ajouté, marchant sur des œufs. Contacté par Tahiti Infos ce lundi matin, le ministre n'a pas souhaité s'exprimer davantage.
 
Mais si les élucubrations de Sylvana Tiatoa n'ont pas suscité de réaction publique négative de la part de Cédric Mercadal, il en est tout autre pour les taote et pharmaciens du Fenua. Nedim Al-Wardi, président de l'ordre des médecins de Polynésie, interrogé par Tahiti Infos, a lui souligné les “propos indignes, racistes, insultants et surtout d'une incohérence étonnante” de la représentante. “Le plus inquiétant, c'est qu'elle lit un papier qu'elle a travaillé avec son équipe, ça fait froid dans le dos. Il faut vraiment arrêter de dire ce genre de choses, car c'est du grand délire”, a-t-il fustigé. “Est-ce que son parti a honte ? J'attends de voir comment les autres vont réagir.” Le gynécologue a par ailleurs diffusé un communiqué où il renvoie l'élue à ses questions. “Comment peut-on tenir des propos mensongers vis-à-vis du corps médical de l’hôpital et de tous les soignants en général ? Comment peut-on croire qu’il faille donner des traitements médicaux différents selon l’appartenance ethnique ? Comment peut-on croire que des médicaments peuvent transformer les Polynésiens en Popa’ā ? Comment peut-on croire que les médecins en Polynésie ne soignent pas ou n’arrivent pas à soigner les malades ? Comment peut-on dire ces choses sans avoir honte ?”
 
Amaury Vicault, vice-président de l'ordre des pharmaciens, contacté par Tahiti Infos, n'a lui pas souhaité communiquer sur le sujet. “Je ne sais pas s'il faut répondre, s'il faut s'abaisser aux dires de personnes incompétentes.”

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 27 Mai 2024 à 15:32 | Lu 12708 fois