RSMA, aéroport de dégagement, base de carénage... Hao fait le plein de projets


Éric Spitz et Moetai Brotherson se sont rendus à Hao ce mardi lors d'une visite conjointe État-Pays. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 11 octobre 2023 – Le président du Pays, Moetai Brotherson, ainsi que le haut-commissaire, Éric Spitz, se sont déplacés à Hao, ce mardi, dans le cadre d'une visite relative au développement économique de l'île. Au programme, des échanges et des présentations des différents projets de l'atoll, comme la construction du futur RSMA, d'une base de carénage, d'un quai en eau profonde... Éric Spitz a par ailleurs émis l'hypothèse de faire de l'aérodrome de Hao, le futur aéroport de dégagement de Tahiti, pour remplacer celui de Rarotonga.
 
“La France a une dette envers la Polynésie, mais la France a une dette encore plus grande envers Hao”, a asséné le haut-commissaire dans un discours prononcé ce mardi, lors d'un déplacement État-Pays sur l'atoll des Tuamotu, rappelant ainsi les engagements pris par Emmanuel Macron pour Hao, lors de son dernier voyage en Polynésie en 2021. En effet, le déplacement mardi relatif au développement économique de l'atoll, en compagnie du président du Pays Moetai Brotherson, du ministre de l'Agriculture Taivini Teai ou encore du contre-amiral commandant des Forces armées en Polynésie française, Geoffroy D'Andigné, avait pour objectif de discuter des futurs projets sur l'île.
 
“À Hao, il est vrai, la décision d'implanter le CEP a bouleversé la vie des habitants, il y avait 3 000 militaires, des infrastructures importantes... Et quand les essais nucléaires ont été arrêtés, on s'est désengagé de manière rapide sans réfléchir aux contreparties à accorder à Hao, pour ce qu'elle a fait pour la France. C'est cette forme de rattrapage que le président de la République a voulu faire il y a deux ans. Il a également pris des engagements spécifiques pour l'île”, a également rappelé le haut-commissaire, toujours dans son discours.
 
Tout au long de cette journée donc, les représentants de l'État et du Pays ont fait le tour, en compagnie des représentants de la commune, des différents projets de l'atoll.
 
Un futur RSMA pour former la population
 
C'était l'un des engagements forts pris par Emmanuel Macron pour Hao, lors de sa visite en Polynésie. Celui-ci convenait de l'implantation d'une compagnie supplémentaire d'un régiment du RSMA sur l'atoll, poussant désormais le nombre de volontaires établis à Hao à 40. Auxquels s'ajoutent bien évidemment des encadrants, techniciens et soutiens logistiques. Cerise sur le gâteau, en plus de l'établissement de cette compagnie, la construction d'un nouveau RSMA a été décidée. Un projet conséquent, de 4,77 milliards de francs, qui a été imaginé dans une démarche éco-responsable avec un système de récupération d'eau de pluie, de traitement des eaux usées ou encore la mise en place de panneaux solaires et d'un broyeur de déchets métalliques et plastiques.
 
Ce nouveau site se déploiera sur plus de 5 hectares, où de nombreuses installations – comme des bâtiments de formation, un espace restauration, un plateau sportif et même un éco-lodge – verront le jour, dans l'optique d'offrir un panel de formations professionnelles (agriculture, restauration, mécanique nautique, électricité...) à la population de l'île et des atolls voisins. “C'est un projet ambitieux, avec beaucoup d'argent investi, du travail pour le secteur du BTP... (...) Ce régiment va bâtir des formations avec les différents projets de développement économique de l'atoll”, a par ailleurs déclaré le haut-commissaire sur place.
 
Les travaux, eux, seront échelonnés entre 2024 et 2030. Mais si ce projet possède toutes les qualités pour aider à former la jeunesse, la maire de Hao, Yseult Butcher-Ferry, émet toutefois quelques réserves. “C'est vrai que les premières esquisses qu'on nous a présentées sont magnifiques. Mais après s'être formés, il faut que les jeunes restent. J'ai peur qu'ils aient tous envie de partir vers l'armée par la suite. Je n'ai pas envie que Hao devienne un village vieillissant, on a besoin de nos jeunes. Mais au moins, ils pourront avoir la chance de se former à un emploi ici.”
 
Site de carénage, quai et photovoltaïque
 
Outre l'ambitieux futur RSMA, de nombreux autres projets aux financements État-Pays ont été discutés ce mardi à Hao, entre Moetai Brotherson, Éric Spitz et la commune. Au programme des échanges, une future base de carénage pour les voiliers, une marina, un site d'aquaculture et un quai en eau profonde sur le site déjà existant du quai Louarn. Tous permettraient à Hao de se développer économiquement. De plus, l'atoll se trouve à une position stratégique pour les voiliers et bateaux à moteur traversant d'est en ouest (ou inversement) la Polynésie. Des études de faisabilité sont toutefois à entreprendre avant de commencer de quelconques travaux. Études qui devront elles-mêmes être validées par le Pays. “Ce sont des projets intéressants”, a reconnu Moetai Brotherson. “Ils nécessitent cependant une autorisation du Pays car c'est le domaine public.” À noter que le projet de la base de carénage est porté par une société privée, qui exploite déjà le chantier naval de Raiatea.
 
Une initiative quant à la construction d'une centrale photovoltaïque, en complément de celle thermique qui existe déjà sur Hao, a également été évoquée. Celle-ci pourrait s'implanter sur la dalle vautour.
 

L'aéroport de dégagement de Tahiti-Faa'a à Hao ?

Avec ses 3,4 kilomètres, la piste de Hao a une longueur équivalente à celle de Tahiti-Faa'a. Crédit photo : Thibault Segalard.
C'était l'une des annonces de la matinée faites par Éric Spitz, chaudement applaudi par les habitants de l'atoll venus en nombre écouter le discours du haut-commissaire. Alors que l'on parle depuis des années de potentiels travaux sur la piste de Rangiroa pour répondre aux normes internationales, le haut-commissaire a annoncé ce mardi que l'aérodrome de Hao pourrait mieux convenir à ce projet d'aéroport de dégagement en Polynésie. Pour rappel, un aéroport de dégagement est un lieu où peuvent atterrir les gros-porteurs au cas où les conditions ne permettraient pas un atterrissage à Faa'a. Depuis des années, l'aéroport de dégagement de Tahiti est situé aux îles Cook, faute d'avoir une piste aux bonnes dimensions, moins éloignée.
 
“Il me semble qu'il faudrait englober l'aérodrome de Hao dans cette réflexion, car même si cela représente un détour supplémentaire, la piste est déjà aux bonnes dimensions, ce qui engendrerait moins de coûts que rallonger celle de Rangiroa. À condition que le détour ne coûte pas plus cher en essence”, a-t-il expliqué. En effet, la piste d'atterrissage à Hao est équivalente à celle de Faa'a, avec une longueur de 3,4 kilomètres, suffisant pour accueillir des gros-porteurs. “Le Pays et l'État vont lancer conjointement une étude pour savoir quel sera le lieu le plus adéquat. Nous discuterons également avec les compagnies aériennes pour voir combien elles sont prêtes à mettre sur la table pour nous aider, car elles vont faire de grosses économies. Elles auront donc un intérêt à financer.” 
 
Pour la maire de l'île, il va de soi que ce projet doit se faire sur son île. “La piste existe déjà, il faut juste la réhabiliter, pourquoi aller faire ça à Rangiroa ?” Le président Pays, lui, a déclaré que cette éventualité ne doit pas être écartée. En attendant, comme Rangiroa, l'aéroport de Hao est une structure du Pays. Des discussions attendent donc les deux parties à ce sujet.
 

Phyto-technologie, une nouvelle méthode pour dépolluer les métaux lourds

Avec ses 3,4 kilomètres, la piste de Hao a une longueur équivalente à celle de Tahiti-Faa'a. Crédit photo : Thibault Segalard.
La dépollution des sols de l'atoll de Hao a également été abordée lors de cette visite. Actuellement, sur Hao, six endroits sont encore pollués, trois aux métaux lourds et trois autres aux hydrocarbures. “Un calendrier de dépollution a été établi avec l'ancien gouvernement. Quarante millions d'euros (soit presque 500 millions de francs pacifique, NDLR) seront investis. On s'est mis d'accord sur des priorités, des lieux, mais aussi des techniques novatrices”, a expliqué le haut-commissaire. Pour rappel, 5 milliards de francs ont déjà été investis pour dépolluer l'atoll. Pour les terres polluées aux hydrocarbures, une méthode déjà éprouvée sera utilisée, le bio tertre, qui consiste à injecter des nutriments dans la terre, pour dégrader rapidement les polluants. Pour celles polluées aux métaux lourds, où jusqu'alors, il n'y avait pas d'autres solutions que de les retenir, une toute nouvelle méthode va être utilisée. Cette technique, se basant sur la phyto-technologie, a été conçue par une chercheuse du CNRS. Cette méthode, qui se base sur des plantes, va utiliser les racines de celles-ci pour capter la pollution et ainsi la contenir et éviter toute migration. Des plantes endémiques des Tuamotu vont très bientôt être testées.
 
À noter que l'intégralité des terres déjà dépolluées sont toujours en statu quo. Le code de l'environnement les classant toujours ainsi. L'État souhaite désormais faire changer ce point-là, pour autoriser la valorisation de ces terres pour du remblayage ou du recouvrement.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 11 Octobre 2023 à 17:41 | Lu 3069 fois