Questions prioritaires de constitutionnalité : le Parquet requiert le refus de transmission


L’audience aura duré à peine quelques heures lundi matin. Comme il l’avait annoncé avant le procès, l’avocat de Gaston Flosse, Me Quinquis, a déposé deux questions prioritaires de consitutionnalité (QPC). Les juges se sont donnés 24 heures pour décider si ces QPC doivent être transmises ou non à la Cour de Cassation, ce qui pourrait repousser le procès de plusieurs mois. Le Parquet a requis le refus de transmission. La Cour donnera sa décision mardi à 14 heures

Ce procès des emplois fictifs a commencé dans une salle d’audience comble, compte-tenu du nombre des prévenus : Gaston Flosse, l'ancien président de la Polynésie, mais aussi 85 autres personnes, accusées d’avoir bénéficié de contrats « fictifs » établis par la Présidence, et d’avoir travaillé pour le Tahoeraa Huiraatira à des fins de propagande. La plupart des mis en examen ont choisi Me Quinquis pour les défendre. Et c’est lui qui pourrait faire basculer le déroulement du procès, prévu sur 4 semaines, avec le dépôt de ces deux QPC.

L’avocat dénonce plusieurs points qui relèvent pour lui d’une atteinte à la constitution. Il rejette premièrement la référence à la connexité dans l'arrêt de renvoi. La connexité désigne le lien qui peut exister entre plusieurs affaires, concernant les mêmes parties, lorsque ces procédures sont pendantes devant la même juridiction. Cette règle permet, explique Me Quinquis, de faire « revivre un dossier prescrit en raison de dossiers non prescrits ». « Mais quel est le rapport entre un employé de Radio Maohi, et un agent employé au fond d’une vallée des Marquises ? » s’interroge Me Quinquis, pour qui le simple fait qu’il y ait un instigateur commun, Gaston Flosse, ne suffit pas à établir la connexité. « C’est ce subterfuge que je dénonce et qui est l’objet de ma QPC, explique l’avocat, qui prévient « Si la connexité disparaît, il n’y a plus de dossier car tout pratiquement est prescrit ».


"Pas de connexité ni de prescription" pour l'avocat de la partie civile

L'avocat du Pays, Me Boussier.
Pour Me Boussier, avocat du Pays, partie civile dans cette affaire, cette QPC doit être rejettée. « Les juges ont estimé de toute façon par un arrêt de septembre 2009 qu’il n’ y avait pas connexité entre toutes ces affaires, et qu’il n’y avait pas nécessité de s’y référer, puisque la prescription avait été interrompue par des actes judiciaires », explique l’avocat de la partie civile. « Donc non, il n’y a pas de souci de connexité ni de prescription », déclare l’avocat devant la Cour, ajoutant : « vous pouvez écarter cette QPC d’un revers de manche ».

Dans sa deuxième QPC, Me Quinquis dénonce la violation du principe « Non bis in idem », qui signifie qu’on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits. Or Gaston Flosse est parallèlement l’objet d’une instruction menée par la Cour des Comptes dans l’affaires des « emplois cabinet ». A quoi Me Boussier rétorque: « Il existe de nombreuses procédures où des personnes sont poursuivies administrativement et condamnées à des amendes, et parallèlement à cela, elles sont poursuivies pénalement sur d’autres textes.»


Une QPC identique déposée dans le procès des emplois fictifs de la mairie de Paris

« Nous n’avons pas la même lecture des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat » rétorque Maître Quinquis, pour qui la Cour a de toute façon l'obligation de transmettre la première QPC. Il met en avant l’article R 49-26 du code de procédure pénal, qui prévoit que si la Cour de Cassation est déjà saisie d’une QPC posée dans des termes quasi-identiques, les tribunaux sont contraints de surseoir dans l’attente d’une décision de la Cour de Cassation. Or une QPC semblable a bien été déposée par un avocat, en mars, dans un autre procès, celui des emplois fictifs de la mairie de Paris.

Me Quinquis ne s’en est jamais caché : en déposant ces QPC, il s’inspire de ce qui a été fait dans le procès des emplois fictifs de Paris. Mais pour Me Boussier, il s’agit malheureusement d’un « mauvais copier-coller» entre la procédure Chirac et la procédure Flosse . « On n’est pas du tout dans la même configuration » affirme cet avocat du barreau de Paris. Pour l’avocat, Me Quinquis se lance dans une manœuvre « dilatoire » destinée à repousser la date du procès.

Me Boussier estime que le tribunal devrait rejeter ces questions prioritaires de constitutionnalité. C'est d'ailleurs ce qu'a requis le Procureur de la République, José Thorel, pour qui ces QPC ne sont «pas sérieuses». La Cour donnera sa décision mardi à 14 heures.





Rédigé par F K le Lundi 18 Avril 2011 à 12:11 | Lu 903 fois