Quel aménagement pour la pointe Tata'a à Faa'a ?


Autrefois, les Polynésiens croyaient qu’après la mort, l’âme demeurait trois jours dans le corps du défunt avant de partir. Sur chaque île, il y a un point au nord-ouest d'où s'envolent les âmes
FAA'A, le 19 décembre 2016. Dick Bailey a déposé une demande de permis de construire pour une résidence hôtelière sur le terrain de la pointe Tata'a. Le gouvernement a entamé des discussions avec lui pour "sauvegarder le site dans son état naturel". Mais "il faudra bien trouver un moyen de substituer ce terrain par un autre terrain qui permettrait la réalisation du projet", souligne Jean-Christophe Bouissou. L'association Rohutu Noanoa a réuni une dizaine d'associations culturelles pour signer une lettre demandant le classement du site.

Selon les croyances polynésiennes, l’âme du défunt s’envole de Tahiti du haut de la colline Tata’a vers le mont Rotui, à Moorea. Elle y reste quelques temps avant de se diriger vers le mont Temehani sur l'île de Raiatea, où serait l'entrée du paradis et de l'enfer. Le lieu est sacré mais aussi un terrain idéalement placé pour un projet touristique. Tahiti Beachcomber SA le possède depuis une cinquantaine d'années et a déposé une demande de permis de construire pour une résidence hôtelière. La mairie de Faa'a a donné un avis défavorable tandis que la mairie de Punaauia a donné un avis favorable sous réserve que le ministre de la Culture donne un avis favorable à ce permis de construire. C'est le ministère en charge de l'urbanisme, portefeuille détenu par Albert Solia, qui donnera ou non son feu vert après avoir consulté l'avis des maires et du chef de service de l’urbanisme. Du côté de Tahiti Beachcomber SA, on souligne que le "projet ne concerne pas la pointe mais plutôt la colline". "Nous souhaitons sauvegarder le site dans son état naturel. Si on se dirige vers cette direction il faudra bien trouver un moyen de substituer ce terrain par un autre terrain qui permettrait la réalisation du projet", indique Jean-Christophe Bouissou, porte-parole du gouvernement. "Le permis de construire est suspendu aux conclusions des discussions que l'on tient avec M. Dick Bailey."

LES ASSOCIATIONS MOBILISEES
L'association Rohutu Noanoa, qui se mobilise depuis plusieurs années pour préserver le site de la pointe Tata'a, s'est réunie samedi avec des représentants de différentes associations culturelles (Tamarii Fanatea, Fareana, Haururu, Tehivarereata, O Tahiti e, Tamarii Oparo no Tahiti, Puna reo (Moorea), Vahine no Manotahi, Te vai ara o Teahupoo, Rupe no Makatea, Ruhutu Noanoa et Aitaaranui…). Ces associations vont toutes signer un courrier adressé au président du Pays demandant le classement du site de la pointe Tata'a.

L'association Rohutu Noanoa, qui se mobilise depuis plusieurs années pour préserver le site de la pointe Tata'a, s'est réunie samedi avec des représentants de différentes associations culturelles.
L'association Rohutu Noanoa s'oppose à la construction de la résidence hôtelière et souhaiterait classer ce site. "Il ne s'agit pas d'être contre un développement touristique quelconque", souligne Moeata Galenon, trésorière de Rohutu Noanoa. "Il ne s'agit pas de laisser le site comme cela sans le valoriser."

L'association propose que "le gouvernement puisse l'acquérir pour le valoriser. Cela permettrait de conscientiser la population sur ce patrimoine et d'être en harmonie avec la politique de Tahiti Tourisme qui met en avant le 'mana'. Un aménagement pourrait se faire en accord avec l'esprit du lieu, c’est à dire avec beaucoup de respect". Moeata Galenon précise : "Le site est réservé pour les âmes et ne laisse pas de place à l'homme mais pourquoi ne pas réaliser un aménagement tout autour pour valoriser le lieu ? Ce site a une importance capitale dans la préservation de la culture et de l'identité ma'ohi."

L'association Rohutu Noanoa demande donc le classement du site de la pointe Tata'a par le gouvernement. Jusqu'à aujourd'hui les sites classés sont des biens mobiliers ou immobiliers comme les marae, les fortins de la vallée de la Punaruu ou le lac Vaihiria. Mais un classement de site ne se fait pas non plus sans indemnité au propriétaire "s'il y a un préjudice matériel et certain" suite à ce classement. Pour le gouvernement, il s'agit donc de ne pas prendre une décision "unilatérale par les pouvoirs publics". "On n'a quand même pas affaire à quelqu'un qui n'aime pas la Polynésie et qui n'a pas investi dans le Pays. S'il y a bien un hôtelier qui a investi c'est lui", souligne-t-on au gouvernement. "On veut que tout le monde soit gagnant-gagnant dans cette affaire."

"Le permis de construire est suspendu aux conclusions des discussions"

Quelle est la position du gouvernement sur le projet de résidence hôtelière à la pointe Tata'a ?
"Nous sommes très sensibles au devenir de la pointe Tata'a au niveau culturel. C'est un site qui appartient au propriétaire de l'hôtel Intercontinental, qui a la volonté de développer ses activités. Nous avons des rencontres pour trouver des solutions. Nous souhaitons sauvegarder le site dans son état naturel. Si on se dirige vers cette direction il faudra bien trouver un moyen de substituer ce terrain par un autre terrain qui permettrait la réalisation du projet.
Le permis de construire est suspendu aux conclusions des discussions que l'on tient avec M. Dick Bailey."

Trouver un terrain similaire, ce sera compliqué, non ?
Oui bien sûr. La pointe Tata'a est aussi une ressource au plan touristique. L'aspect culturel est un élément fondamental dans notre stratégie touristique. Nous sommes en train de discuter sur la manière dont on pourrait substituer à l'emprise foncière une autre emprise foncière.

Cela pourrait-il être un terrain qui était prévu pour la Mahana Beach ?
"On peut voir. Le terrain de la pointe Tata'a est quand même assez grand. La partie sud du terrain pourrait-elle être utilisée éventuellement avec une partie du domaine du Mahana Beach ? Il faut évoquer toutes ces question rien n'est arrêté pour le moment. C'est la communication qui nous permettra de trouver une solution."

Que pensez-vous de la proposition de Rohutu Noanoa de mettre en valeur ce site ?
"Je pense que tout le monde est d'accord y compris Dick Bailey. Sa volonté est d'aménager le site en question mais, aujourd'hui, ce qu'il nous dit c'est qu'il y a des gens qui viennent et jettent leurs détritus sur le site. Personne ne s'en occupe. Il a l'impression que dès lors qu'il y a un projet, les associations se manifestent et que le site est laissé à l'abandon. Il faut aménager quelque chose sur place. Rien n'est arrêté."




Rédigé par Mélanie Thomas le Lundi 19 Décembre 2016 à 15:59 | Lu 4518 fois