Quand les bénitiers inspirent les panneaux solaires


Eric Armstrong, jeune doctorant de Berkeley qui poursuit ses recherches à Moorea.
MOOREA, le 19 novembre 2015 - Au bord de la mer à Moorea, une station de recherche américaine mène de nombreux travaux sur la vie de nos lagons. L'un d'eux est mené par Eric Armstrong, jeune étudiant américain qui termine sa thèse sur les bénitiers. Il nous en révèle quelques secrets.

La Richard B. Gump South Pacific Research Station est installée dans la baie de Cook à Moorea depuis 1985. Elle sert à héberger scientifiques et étudiants du monde entier pour leurs projets de recherche, principalement ceux qui portent sur les écosystèmes tropicaux. 50 scientifiques y sont accueillis tous les ans, pour des projets allant des plus petits processus biochimiques, jusqu'à l'évolution de populations coralliennes entières, en passant par de l'anthropologie ou de l'économie.

La station est financée par l'université américaine UC Berkeley, mais également des fonds internationaux et par les institutions qui y envoient leurs chercheurs. Hébergement, laboratoires, expériences, tout est fourni pour le confort des chercheurs.

C'est à l'occasion d'une visite organisée pour les chercheurs de la Human Underwater Society que nous y rencontrons le jeune doctorant américain Eric Armstrong. Il y conduit des recherches pour sa thèse sur les bénitiers. Il cherche à comprendre comment les changements climatiques vont affecter les "Pahua", une ressource vitale dans de nombreuses îles du Pacifique et très appréciée en Polynésie. Pour sa viande d'abord, mais également pour l'aquaculture, où les plus beaux spécimens sont exportés pour le marché à très forte valeur ajoutée de l'aquarium. Comme l'explique le chercheur, les bénitiers peuvent vivre une quinzaine d'années et les effets sur eux des changements climatiques pourraient ne pas être visibles avant qu'il ne soit trop tard si aucune recherche n'est faite en avance…



"les bénitiers peuvent faire autant de photosynthèse que les coraux, mais sur une surface bien plus petite. Cette découverte est utilisée aujourd'hui pour développer des panneaux solaires bien plus compacts" Eric Armstrong

Les bénitiers sont de vraies machines à transformer la lumière en viande… (crédit photo Phil Camill)

Eric Armstrong, doctorant à UC Berkeley

"Je suis venu ici à cause des bénitiers ("giant clams" en anglais) qui ne se trouvent que sous les tropiques, de l'Egypte à ici. Mais c'est en Polynésie qu'ils sont les plus populaires. Je regarde comment la température et l'acidification de l'eau de mer affectent leur développement.

Ces bénitiers sont vitaux dans certaines régions. Par exemple dans les îles Salomon, leurs exportations de bénitiers à la fois pour l'industrie des fruits de mer et pour les passionnés d'aquariums peut atteindre quelque chose comme 60% du PIB. Donc là on étudie ce qu'il risque d'arriver aux bénitiers dans les 20 prochaines années, à cause du changement des conditions de la mer, et ensuite pour voir si on peut utiliser ces informations pour l'aquaculture et améliorer les conditions d'élevage.

Ce que les gens ignorent souvent sur les bénitiers est la façon dont ils entrent en partenariat avec les plantes dans leurs tissus pour créer de l'énergie. Ce sont les algues qui leur donnent leurs si belles couleurs. Du coup, ça peut intéresser les Polynésiens de savoir que les bénitiers qu'ils mangent sont différents de toutes les autres espèces de poissons et de fruits de mer, puisqu'en pratique ils fabriquent leur viande directement à partir du soleil ! Ils captent la lumière et en font du muscle… C'est d'ailleurs exactement la même algue que celle utilisée par les coraux. C'est un mollusque, mais qui fait la même chose que le corail.

Une autre chose intéressante, et une différence avec le corail, c'est que les coraux gardent leurs algues en une seule couche plate, alors que les bénitiers les utilisent sous forme de piliers. Les piliers ont une configuration bizarre, puisque les algues en haut semblent récupérer toute la lumière, et on penserait que les algues du fond sont dans l'ombre. Mais en fait les pigments, disons les couleurs du bénitier, aident à rediriger cette lumière sur toute la hauteur de la colonne. Donc les bénitiers peuvent faire autant de photosynthèse que les coraux, mais sur une surface bien plus petite. Et maintenant des Australiens utilisent cette découverte de l'université de Pennsylvanie pour développer des panneaux solaires bien plus compacts."


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 19 Novembre 2015 à 16:21 | Lu 2056 fois