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Quand des robots sous-marins coopérent grâce à l'intelligence artificielle


Quand des robots sous-marins coopérent grâce à l'intelligence artificielle
LA SEYNE-SUR-MER, 26 juillet 2013 (AFP) - Drôle de ballet dans la rade de Toulon: cinq robots sous-marins venus de cinq pays différents tentent de coopérer, sous les yeux de chercheurs et ingénieurs européens, qui scrutent leur comportement sur des écrans de contrôle.

Ces prototypes de "drones sous-marins" n'ont en effet pas de pilote, ni à bord ni à distance: ils sont programmés pour communiquer et interagir entre eux sans intervention humaine, grâce à l'intelligence artificielle, une première mondiale.

Si, pour l'instant, les missions programmées dans cette première étape du projet européen MORPH restent assez simples, comme naviguer en formation de 3, 4 ou 5 robots en eau peu profonde, à terme, cette technologie devrait permettre à des véhicules sous-marins complexes de coopérer pour réaliser une multitude de tâches en équipe, de la cartographie marine aux réparations de plate-forme offshore.

Selon Vincent Rigaud, directeur de l'Unité des systèmes sous-marins de l'Ifremer, qui accueille, dans les locaux du centre européen de technologies sous-marines à la Seyne-sur-Mer (Var), les cinq équipes européennes collaborant sur ce projet, se dessine là, tout bonnement, l'avenir de l'exploration sous-marine inhabitée.

Certes les "drones" sous-marins ne sont pas une nouveauté: "les engins autonomes, c'est notre quotidien, on sait faire à l'Ifremer", explique M. Rigaud, qui montre un véhicule sous-marin autonome (AUV) utilisé de manière routinière par l'institut pour faire de la cartographie sous-marine, par exemple. En revanche, "ce qui n'existe pas encore, c'est le comportement autonome, en flottille", s'enthousiasme-t-il.

Communications soniques

Chaque véhicule marin doit être programmé pour adopter un "comportement coopératif", mais surtout, ces véhicules doivent communiquer entre eux "et ça, c'est très difficile", souligne Pere Ridao, de l'université de Girona, qui coordonne l'équipe espagnole.

"Les ondes radio, ça ne marche pas", explique Vincent Rigaud. Les robots communiquent donc entre eux grâce à des "ondes soniques" comme... les dauphins.

Le problème, c'est que ces ondes sont facilement perturbées par des éléments extérieurs - le passage d'un bateau, par exemple - mais surtout, que le débit est très faible. "C'est comme les modems du tout début de l'informatique", souligne M. Ridao.

Le débit maximal est, en effet, environ 100.000 fois inférieur à celui d'une connexion ADSL moyenne. "De quoi envoyer une image" après "plusieurs minutes", s'amuse M. Ridao.

Son équipe, experte en cartographie sous-marine, doit donc trouver des stratégies pour parer cette faiblesse : lors de l'exploration, les robots vont se communiquer entre eux une image très grossière, qui permettra simplement à la flottille de s'adapter à l'environnement en évitant les principaux obstacles.

Les robots stockeront dans leurs mémoires des données (vidéo, images soniques), beaucoup plus complexes, et la géographie exacte, en 3D, sera calculée plus tard, à terre, par de puissants ordinateurs.

Cette stratégie prometteuse doit permettre une exploration des fonds marins les plus accidentés: "lorsqu'un véhicule classique rencontre une paroi sous-marine, aujourd'hui, il ne peut pas la cartographier", explique le responsable de l'équipe portugaise, Antonio Pascoal, professeur à Instituto Superior Técnico (IST).

"Ces véhicules, qui ne sont pas physiquement liés, mais virtuellement, vont engager un dialogue et s'adapter à la géométrie sans intervention humaine", poursuit-il.

La mission, qui regroupe 32 chercheurs de 5 pays - Portugal, Allemagne, Espagne, Italie et France -, a débuté en septembre 2012, et doit durer quatre ans pour un budget d'environ 4 millions d'euros.

Outre la cartographie, le champ des applications est immense, affirme M. Rigaud, listant "les applications industrielles", notamment les explorations "offshore, gaz pétrole et ressources minérales", la surveillance de la qualité de l'eau, ou encore "l'archéologie sous-marine".

Mais cette technologie, quand elle sera opérationnelle, devrait aussi intéresser les militaires : ils pourront "organiser une surveillance en flottille, avec de petits appareils, plus difficile à déceler" et donc moins vulnérable.

Rédigé par Par Thibault LE GRAND le Vendredi 26 Juillet 2013 à 06:07 | Lu 688 fois