Prothèses PIP: le gouvernement recommande le retrait "à titre préventif"


PARIS, 23 décembre 2011 (AFP) - Le ministre de la Santé Xavier Bertrand a recommandé vendredi, "à titre préventif et sans caractère d’urgence", que le retrait des prothèses mammaires PIP soit proposé aux femmes qui les portent, même en l'absence de signes de détérioration de l'implant.

Quelque 30.000 femmes en France se sont fait implanter des prothèses mammaires de marque PIP, dont certaines sont remplies d'un gel de silicone non médical, qui entraîne des risques accrus de fuite et de rupture de l'enveloppe de la prothèse.

"A titre préventif et sans caractère d'urgence", le ministre de la Santé Xavier Bertrand et la secrétaire d'Etat à la Santé Nora Berra "souhaitent que l'explantation des prothèses, même sans signe clinique de détérioration de l'implant, soit proposée aux femmes concernées", indique le ministère de la Santé dans un communiqué.

Jusqu'à présent, les autorités sanitaires recommandaient simplement aux femmes porteuses d'implants PIP de "consulter leur chirurgien ou médecin traitant" pour réaliser "des examens cliniques et radiologiques appropriés", afin de s'assurer de l'état de la prothèse.

Par ailleurs, l'avis scientifique rendu jeudi soir au gouvernement par l'Institut national du cancer (INCa) montre qu'il "n'y a pas à ce jour de risque accru de cancer chez les femmes porteuses de prothèses de marque PIP en comparaison aux autres prothèses".

Néanmoins, souligne le ministère, "les risques bien établis liés à ces prothèses sont les ruptures et le pouvoir irritant du gel pouvant conduire à des réactions inflammatoires, rendant difficile l'explantation (retrait)".

Un total de huit cas de cancers a été signalé chez des femmes ayant eu des prothèses PIP, sans toutefois qu'aucun lien de causalité n'ait été établi.

Le gouvernement a prévu que la Sécurité sociale prenne en charge le coût du retrait de tous les implants PIP. En revanche, seules les patientes portant des implants en raison d'une chirurgie reconstructrice verront également prendre en charge le coût de la réimplantation de nouvelles prothèses.

Le coût moyen d'une opération d'explantation ou d'implantation est estimé à 2.000 euros, a encore indiqué M. Godineau. Lorsque la pose de nouvelles prothèses est réalisée en même temps que le retrait des anciennes, le coût est légèrement majoré, mais pas doublé.

Quant au coût moyen d'un implant, il est de l'ordre de 330 euros, soit 660 euros pour les deux seins.

Le coût maximal pour la Sécurité sociale des opérations de retrait des prothèses mammaires PIP est estimé à une soixantaine de millions d'euros, a indiqué vendredi François Godineau, chef de service de la Direction de la Sécurité sociale.

Pas de risque accru de cancer chez les femmes porteuses

L'avis scientifique rendu jeudi soir au gouvernement montre qu'il n'y a pas "de risque accru de cancer" chez les femmes porteuses de prothèses de marque PIP, a indiqué vendredi le ministère de la Santé dans un communiqué.

"Il n'y a pas à ce jour de risque accru de cancer chez les femmes porteuses de prothèses de marque PIP en comparaison aux autres prothèses. Néanmoins les risques bien établis liés à ces prothèses sont les ruptures et le pouvoir irritant du gel pouvant conduire à des réactions inflammatoires, rendant difficile l'explantation (retrait)", indique le texte.

Remplacement de prothèses mammaires: une intervention simple le plus souvent

Le changement de prothèses mammaires, lorsque l'implant n'est pas abîmé, est le plus souvent une intervention "simple", d'une heure environ, sous anesthésie générale, a expliqué un chirurgien de la Société française de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SOF.CPRE).

"Si la prothèse n'est pas abîmée, ce qui est la majorité des cas, on ouvre, on enlève la prothèse et le changement est relativement simple", a indiqué le Dr Emmanuel Delay.

En dehors du cas particulier des prothèses PIP défectueuses, une patiente porteuse d'implants mammaires doit d'ailleurs le plus souvent s'attendre à devoir un jour remplacer ses prothèses.

Le retrait se fait en principe par la même incision que pour la pose, avec plusieurs "voies" possibles: aréolaire (dans le segment inférieur de l'aérole), axillaire (incision sous le bras, moins fréquente en France) ou sous-mammaire (incision dans le sillon situé sous le sein).

Après la pose d'implants, l'organisme forme naturellement une fine membrane autour, appelée "capsule périprothétique", qui isole le corps étranger des tissus environnants. Lorsque l'on retire la prothèse, si elle est "parfaitement saine", on peut garder cette capsule.

En revanche, si elle est infiltrée de silicone, en cas de fuite de la prothèse, il faut faire une "capsulotomie". "On l'enlève pour repartir de zéro", a précisé le Dr Delay.

Cette membrane naturelle a l'avantage de contenir, au moins pour un certain temps, le gel de silicone qui aurait fui à travers l'enveloppe de la prothèse.

Mais, à un moment, le gel de silicone peut finir par franchir la membrane et former un "siliconome", une "boule" de silicone dans le sein. "Cela complique les choses, alors qu'un changement de prothèses simple, c'est trois fois rien", a souligné le chirurgien.

Le "pouvoir irritant" du gel non médical utilisé dans les prothèses défectueuses peut conduire à des réactions inflammatoires, rendant difficile l'explantation (retrait), a relevé le ministère de la Santé.

Denis Boucq, chirurgien plasticien à Nice, qui avait opéré Edwige Ligoneche, porteuse de prothèses mammaires PIP défectueuses, avant que celle-ci ne succombe à un lymphome en novembre, a pour sa part donné l'exemple d'une de ses patientes, opérée "pendant deux heures trois quarts" jeudi car ses deux prothèses avaient rompu.


Réimplantation des PIP: Berra demande aux chirurgiens un "tarif raisonnable"

- La secrétaire d'Etat à la Santé Nora Berra a appelé vendredi les chirurgiens esthétiques, qui vont réimplanter aux femmes des prothèses mammaires après leur avoir retiré celles du modèle PIP, à pratiquer "un tarif raisonnable".

"Je nourris l'espoir que les chirurgiens appliqueront un tarif raisonnable, contrôlé, pour que ce ne soit pas un surcoût pour les patientes", a souhaité Mme Berra sur BFM TV.

Le ministère de la Santé a recommandé vendredi, "à titre préventif et sans caractère d'urgence", que le retrait des prothèses mammaires PIP soit proposé aux femmes qui les portent, même s'il n'a pas été démontré à ce jour un risque accru de cancer.

Le gouvernement a prévu que la Sécurité sociale prenne en charge le coût du retrait de tous les implants PIP. En revanche, seules les patientes portant des implants en raison d'une chirurgie reconstructrice (après cancer du sein) verront également prendre en charge le coût de la réimplantation de nouvelles prothèses.

Or, l'extraction et la réimplantation vont avoir lieu lors de la même intervention. Mme Berra a reconnu que "pour les questions de réimplantation à l'idée esthétique, la question du financement est encore posée puisque c'est à la charge de la patiente".

Principales étapes de l'affaire des prothèses mammaires PIP

Les prothèses mammaires défectueuses PIP inquiètent quelque 30.000 femmes porteuses en France, mais plusieurs dizaines de milliers de prothèses de même marque ont été vendues dans le monde, notamment en Grande-Bretagne et en Espagne.

Voici les grandes étapes de l'affaire PIP, qui exportait à 90% sa production:

- 2010 -

- 30 mars: l'Agence de sécurité sanitaire (Afssaps) annonce le retrait du marché des implants mammaires en gel de silicone de la société PIP (Poly Implant Prothèse, 116 salariés), de La Seyne-sur-Mer (Var) placée simultanément en liquidation.

L'Afssaps incrimine un taux anormal de ruptures et l'utilisation d'un gel "différent de celui déclaré lors de la mise sur le marché". Les porteuses doivent "consulter leur chirurgien", un numéro vert est créé.

Ouverture par le parquet de Marseille d'une enquête préliminaire pour tromperie et mise en danger de la vie d'autrui.

- 2 avr: première plainte d'une habitante de Draguignan, porteuse de prothèses PIP.

- 9 avr: le Chili retire du marché les prothèses PIP.

- 10 juin: plaintes à Marseille de plus de 500 femmes de l'association des Porteuses de Prothèses PIP (PPP).

- 1er août: PIP est repris par l'Américain Gem Care mais le site reste à l'arrêt.

- 28 sept: l'Afssaps recommande un renforcement de la surveillance et le retrait des prothèses en cas de suspicion de rupture.

- 29 sept: Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, annonce la prise en charge des frais médicaux et chirurgicaux pour les porteuses. L'assurance maladie paiera aussi les nouvelles prothèses des femmes relevant d'une chirurgie du cancer du sein.

- 19 nov: plainte de l'association PPP contre l'Allemand TUV Rheinland qui certifiait le gel de PIP.

- 2011 -

- 21 nov: Une femme porteuse de prothèses PIP meurt à Marseille d'un lymphome.

- 8 déc: Une information judiciaire est ouverte contre X à Marseille pour blessures et homicide involontaires après le décès d'une femme, d'un cancer, en 2010 dans le Gers. C'est le deuxième décès signalé d'une porteuse de prothèses PIP. Le parquet de Marseille comptabilise 2.172 plaintes.

Le même jour, l'Afssaps annonce qu'un cas de cancer du sein d'une porteuse de prothèses PIP lui a été déclaré le 5 décembre et évoque un renforcement de ses recommandations. Un comité de suivi (autorités sanitaires, professionnels de santé, sociétés savantes, associations de patients) est mis en place.

- 11 déc: le ministre de la Santé Xavier Bertrand saisit l'INCa (Institut national du cancer), l'HAS (Haute autorité de santé) et la Direction générale de la santé.

- 15 déc: huit cas de cancer sont "signalés" chez des porteuses de prothèses PIP, sans pouvoir établir un lien de cause à effet, selon le Pr Jean-Yves Grall, directeur général de la Santé. Depuis mars 2010, 523 retraits de prothèses PIP sont recensés.

- 21 déc: Le Pr Laurent Lantieri, membre du comité de suivi ministériel sur le dossier, estime que les 30.000 implants PIP pourraient être retirés dans un délai de six mois.

- 23 déc: Le ministère de la Santé recommande "à titre préventif et sans caractère d'urgence", de proposer le retrait des prothèses PIP, même s'il n'a pas été démontré à ce jour un risque accru de cancer.

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Rédigé par () le Vendredi 23 Décembre 2011 à 02:31 | Lu 811 fois