Projet de gaz à Hitia'a : Des contestataires mauvais perdants


Tahiti, le 24 mars 2021 – Alors que les voix de Richard Pere et Edwin Teraiharoa se sont élevées ces derniers jours contre le projet de dépôt de gaz à Hitia'a, la société porteuse du projet Mana Ito révèle mercredi que les deux hommes ont négocié, sans succès, ces dernières années l'installation du dépôt sur leurs propres terrains dans la même commune…
 
Réactions "enflammées" ou feu de paille rancunier ? Le projet de dépôt de gaz à Hitia'a par la société Mana Ito –dont l'actionnaire Albert Moux est également celui de Tahiti Infos (soyons transparents jusqu'au bout pour nos lecteurs, NDLR)– fait l'objet d'une bien curieuse passe d'armes ces derniers jours. Alors qu'une consultation du public est actuellement organisée à Tiarei et Hitia'a pour ce projet, l'association de riverains Faahotu ia Hitia'a présidée par Emile Vernier avait annoncé son soutien à l'opération le 9 mars dernier dans nos colonnes. Pourtant cette semaine, l'ancien conseiller du Cesec, Richard Pere, et le propriétaire du CET de Hitia'a bien connu du palais de justice, Edwin Teraiharoa, se sont exprimés dans La Dépêche et chez nos confrères de Polynésie la 1ère pour contester cet accueil par la population de la commune et dire leur opposition catégorique au projet.
 
Richard Pere, pour qui ce dépôt serait comparable à une "bombe atomique", déclare avoir "peur pour (lui) même" et pour "toute la population de Hitia'a". Edwin Teraiharoa affirme de son côté que la proximité du projet avec la future extension de son CET présente une "incompatibilité". Petit problème, soit les deux hommes ont la mémoire courte, soit ils l'ont sélective… En effet, dans un communiqué diffusé mercredi aux médias, la société Mana Ito feint de "s'étonner" que les "deux uniques contestataires déclarés" aient tout deux négocié directement avec l'actionnaire de Mana Ito ces dernières années pour l'implantation du même dépôt "sur leurs propres terrains à Hitia’a".
 
Double discours
 
Dans son communiqué, Mana Ito révèle en effet qu'en 2016 "Richard Pere a entamé des négociations avec l'actionnaire de Mana Ito, via monsier Tere Tafai, pour proposer la cession d'une de ses parcelles à Hitia'a pour l'installation de ce dépôt de gaz. Cette proposition a été déclinée à l'époque par l'actionnaire de Mana Ito en raison d'une divergence sur le prix de vente du terrain proposé par M. Richard Pere et en raison de la présence d'un cimetière sur l'emprise foncière proposée".
 
Le second contestataire et propriétaire du CET de Hitia'a n'est pas en reste, comme l'indique également le communiqué de Mana Ito : "En 2019, M. Edwin Teraiharoa a entamé à son tour des négociations avec l'actionnaire de Mana Ito pour lui proposer l'implantation du même dépôt de gaz sur le site de son CET à Hitia'a. Proposition également déclinée en raison d'une divergence notable entre le prix de vente proposé par M. Edwin Teraiharoa pour son terrain et le prix établi par une expertise foncière indépendante. Par ailleurs, l'actionnaire de Mana Ito a souhaité décliner cette proposition en raison de la présence de déchets potentiellement amiantés enfouis sur le site du CET et de la trop faible stabilité du terrain."
 
Intérêts divergents
 
Mana Ito en profite pour rétablir quelques contre-vérités, réaffirmant que le site retenu "de stockage entièrement sous talus" est implanté à "plus de 300 mètres de toute activité industrielle et de toute habitation", quand Richard Pere affirme être installé "à 50 mètres de ce futur dépôt". "Depuis le lancement du projet il y a déjà dix ans, plus de 50 millions de Fcfp ont été investis en études, analyses et audits, principalement portés sur la sécurité et l'impact environnemental de l'implantation de ce projet", se défend par ailleurs le directeur de Mana Ito, Sébastien Millot. "Notre société a toujours consulté la population de Hitia'a pour répondre à toutes les interrogations légitimes suscitées par ce projet (…), notre porte est évidemment ouverte à toute personne souhaitant des informations complémentaires".
 
Autre réaction plutôt courroucée, mercredi matin, celle d'Emile Vernier accusé de ne pas représenter la population de Hitia'a par Richard Pere. "C'est une affirmation gratuite. Il peut dire ce qu'il veut", s'enflamme, pour le coup, le président de l'association de riverains et du Sdiraf. "Mon association existe depuis 2006/2007. Moi ce que je vois, c'est que M. Pere est tout seul quand il parle. Donc avant de parler des autres, qu'il se regarde lui quand il parle." Le président de Faahotu ia Hitia'a dit "tomber des nues" en apprenant que les deux contestataires ont "proposé leur terrain à M. Moux" pour s'installer chez eux : "Je ne peux pas comprendre qu'on puisse changer d'avis comme ça. Nous à Faahotu ia Hitia'a, on parle d'intérêt général et c'est l'avenir de notre commune qui nous intéresse. Eux, ce n'est que leur intérêt à eux qui les intéresse." D’autant qu’en 2016, les deux hommes étaient en conflit ouvert, Edwin Teraiharoa dénonçant des travaux de Richard Pere sur une propriété limitrophe de la sienne à Hitia’a, via courrier à la Direction de l’Équipement et menace de plainte.
 
Les deux vétérans ont visiblement trouvé un terrain d’entente depuis, à défaut d’avoir pu vendre chacun le leur à Mana Ito.

Emile Vernier, président de Faahotu ia Hitia'a : "M. Pere est tout seul quand il parle"

"Richard Pere peut dire ce qu'il veut. Quand il affirme qu'il y a une bombe atomique à Hitia'a. Moi j'aimerais bien qu'il le prouve. Il n'est même pas originaire de Hitia'a. Donc, je dis que nous sommes actuellement en contact avec une bonne partie de la population de Hitia'a. J'organise une réunion d'information jeudi, parce que nous ce qu'on veut c'est informer la population de ce qui se passe dans notre district. Mon association existe depuis 2006/2007. Moi ce que je vois, c'est que M. Pere est tout seul quand il parle. Donc avant de parler des autres, qu'il se regarde lui quand il parle. (…) Aujourd'hui, c'est un miracle qu'on ait enfin quelque chose qui avance dans notre commune. C'est un investissement de 2,5 milliards. Et moi je remercie publiquement le maire de la commune qui a fait en sorte que ça puisse se faire et je remercie M. Albert Moux de venir investir 2,5 milliards dans une commune où il n'y a jamais rien eu. Parce que quand M. Turi a fait son CET, il a gagné des millions par an, mais qu'est-ce qu'il a apporté à la commune ? De la boue. Il est en train de détruire notre lagon et c'est insupportable."
 


Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 25 Mars 2021 à 16:07 | Lu 8108 fois