Projet aquacole : Hao qui rit, Makemo qui pleure


A gauche, Théodore Tuahine, le maire de Hao ; à droite Félix Tokoragi, le maire de Makemo.
PUNAAUIA, le 19 mai 2014. Les deux atolls des Tuamotu, Hao et Makemo distants de 350 km ont été au cœur, au cours des derniers mois, des projets de développement d’une ferme aquacole avec les investisseurs chinois du groupe Tian Rui. Finalement, Hao l’atoll, le plus au sud, semble emporter la finale. Makemo qui a vu sa chance tourner, regrette ce choix.

Les deux très jeunes tavana de Hao et Makemo (34 et 30 ans) étaient tous deux à Tahiti la semaine dernière. Pour ces petits nouveaux en politique, le passage par le Syndicat de promotion des communes de Polynésie française (SPCPF) était une étape importante. Assis presque côte-à-côte, et séparés seulement sur le même rang de l’amphithéâtre A1 par deux autres maires, Félix Tokoragi, l’élu de Makemo et Théodore Tuahine, l’élu de Hao ont suivi la séance de travail avec assiduité. Les deux jeunes élus orange qui entament tous les deux leur carrière en politique par un poste de tavana, se connaissent bien et s’apprécient «nous sommes de très bons copains» assure Théodore Tuahine.

Pourtant entre ces deux jeunes élus, une entaille profonde est en train de grandir ; de celle sur laquelle ni l’un ni l’autre n’ont vraiment de prise. Le vaste projet de ferme aquacole porté par des investisseurs chinois vient de changer, in extremis, de destination finale et a glissé ainsi de Makemo vers le sud et Hao. Des tergiversations et un changement de cap qui ont bien du mal à être acceptés à Makemo. «J’ai appris que le projet repartait à Hao le vendredi 9 mai par les médias, nous étions alors en pleine réunion du conseil municipal. Cette délocalisation a créé un grand choc. Nous n’avons pas été tenu informé de cette éventualité». Le lendemain, la population s’est réunie «il y avait beaucoup de colère. Ce changement de localisation a été vécu comme un manque de respect» poursuit Félix Tokoragi.

Depuis ce coup de tonnerre qui a vu l’atoll de Makemo retomber dans une certaine inertie, sans grand projet de développement, le jeune tavana a tenté d’en savoir plus et de prendre contact avec le gouvernement polynésien, sans succès, «en tant que maire, je n’ai rien à me reprocher, c’est au territoire et aux investisseurs chinois de venir expliquer à la population, la décision qui a été prise. Mais si la ferme aquacole doit se faire ailleurs qu’à Makemo, il ne nous reste qu’à respecter ce choix». Vendredi dernier, dans le grand amphi de l’Université de Punaauia, le tavana de Makemo a pu côtoyer à la fois Tearii Alpha, le ministre des ressources marines et Gaston Flosse, le président du Pays mais il n’a pas tenté alors d’en savoir plus : «on ne mélange pas les sujets» conclut-il.


Le message est nettement moins résigné bien entendu dans la bouche de Théodore Tuahine, le tavana de Hao. Il faut dire que tout s’est précipité pour lui en quelques jours. Au tout début de mai, il perçoit des rumeurs sur un possible déplacement des investisseurs chinois, venus pour finaliser le projet de ferme aquacole, jusque sur son île. Le 3 et le 4 mai, le président Gaston Flosse en personne et les investisseurs chinois étaient finalement en déplacement à Hao «il a fallu que j’appelle le protocole» détaille Théodore Tuahine. Il reste encore très prudent sur la localisation finale de la ferme aquacole sur son atoll de Hao. «Je ne suis pas encore certain que ce projet vienne chez moi» avance-t-il. C’est dans le courant de cette semaine que la décision devrait être finalisée lors d’un Conseil d’administration, selon un communiqué de presse publié par la Présidence le 9 mai dernier. Il rappelle, qu’à l’origine, ce vaste projet d’aquaculture avait été prévu pour Hao, «j’avais été surpris d’apprendre qu’il aille à Makemo» dit-il en souriant. Le maire de Hao balaye rapidement les critiques formulées sur la pollution de son île, ex base arrière du CEP (centre d'expérimentation du Pacifique) et de ses essais nucléaires. «Moi je dis que Hao a un lagon encore sain, à part quelques carcasses de véhicules à retirer. J’ai 34 ans et j’ai toujours mangé du poisson du lagon sans problème. Le lagon n’est pas pollué. Quant à la ciguatera elle existe partout, il suffit de faire attention aux espèces que l’on pêche».

Théodore Tuahine met en avant les atouts de son île et particulièrement ses équipements avec le quai et la piste de l’aérodrome, comme il l’a fait avec les investisseurs chinois. «Nous croyons fortement que ce projet va venir à Hao, d’ailleurs 100% de la population l’a accepté» poursuit-il. Il ne resterait que «quelques soucis » de foncier à régler. En l’occurrence, la Tian Rui Investment aurait besoin de 25 hectares pour ses infrastructures sur place «nous sommes en train de voir comment peut se faire l’attribution de terres de la commune vers le Pays» déclarait Théodore Tuahine.


Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 19 Mai 2014 à 16:42 | Lu 2933 fois