Producteur tabassé à Paris: enquête pour "violences", trois policiers suspendus


Paris, le 26 novembre 2020 - AFP - Trois policiers ont été suspendus jeudi de leurs fonctions après le tabassage d'un producteur de musique, documenté par une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux, en pleine polémique sur le droit de filmer les forces de l'ordre en opération et l'évacuation musclée d'un camp de migrants.

Cette nouvelle affaire a éclaté à la faveur de la publication par le site Loopsider d'images qui montrent un homme noir appelé "Michel" roué de coups par des fonctionnaires de police dans l'entrée d'un studio de musique du XVIIe arrondissement de la capitale.

"On m'a dit sale nègre plusieurs fois et en me donnant des coups de poing", a lui-même dénoncé la victime en venant porter plainte, avec son avocate, au siège parisien de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"Des gens qui doivent me protéger m'agressent (...) je n'ai rien fait pour mériter ça", a-t-il poursuivi devant la presse, "je veux juste que ces trois personnes soient punies par la loi".

Sitôt les images diffusées sur les réseaux sociaux, M. Darmanin a demandé au préfet de police de Paris Didier Lallement de suspendre les policiers concernés.

Dans une rare déclaration publique, le procureur de Paris Rémy Heitz a souhaité que l'IGPN, saisie du dossier, enquête "le plus rapidement possible". "C'est une affaire extrêmement importante à mes yeux et que je suis personnellement depuis samedi", a-t-il dit à l'AFP.

Selon leur procès verbal consulté par l'AFP, les trois policiers sont intervenus samedi dernier pour tenter d'interpeller "Michel" pour défaut de port du masque. "Alors que nous tentons de l'intercepter, il nous entraîne de force dans le bâtiment", écrivent-ils.
- Enquêtes -

Sur les images de vidéosurveillance de ce studio, également consultées par l'AFP, on voit les trois fonctionnaires de police entrer dans le studio en agrippant l'homme puis le frapper à coups de poing, de pied ou de matraque.

Dans leur rapport, les policiers ont écrit que l'homme les avait frappés.

Selon ces mêmes images, "Michel" résiste en refusant de se laisser embarquer, puis tente de se protéger le visage et le corps. Il ne semble pas porter de coups. La scène dure cinq minutes.

Dans un second temps, des personnes qui se trouvaient dans le sous-sol du studio parviennent à rejoindre l'entrée, provoquant le repli des policiers à l'extérieur et la fermeture de la porte du studio. Les policiers tentent ensuite de forcer la porte et jettent à l'intérieur du studio une grenade lacrymogène.

Suite à cette interpellation, l'homme a dans un premier temps été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête ouverte pour "violences sur personne dépositaire de l'autorité publique" et "rébellion".

Mais le parquet de Paris a classé cette enquête et ouvert mardi une nouvelle procédure cette fois pour "violences par personnes dépositaires de l'autorité publique" et "faux en écriture publique".

Sollicitée par l'AFP, la Défenseure des droits a indiqué avoir elle aussi ouvert une enquête sur les violences subies par "'Michel".

"Si nous n'avions pas les vidéos, mon client serait peut-être actuellement en prison", a dit à l'AFP, Me Hafida El Ali, avocate de Michel.
- "Agression insoutenable" -

Son client bénéficie d'une incapacité totale de travail (ITT) de six jours.

"Sur ces images, ce n'est pas une police républicaine mais une milice barbare hors de contrôle", a dénoncé sur Twitter Jean-Luc Mélenchon (LFI). "Le préfet Lallement doit partir. La police doit être reprise en main".

"A travers l'agression insoutenable de Michel (...) c'est notre humanité qui est atteinte", a de son côté tweeté Christophe Castaner, patron des députés LREM et ancien ministre de l'Intérieur. "Tolérance zéro contre le racisme et contre cette violence, qui n'ont pas leur place dans notre République".

Cette affaire survient après l'adoption cette semaine par l'Assemblée nationale de la proposition de loi "Sécurité globale", qui suscite de vives critiques de la part des journalistes, des défenseurs des libertés et de l'opposition

Son article 24, le plus polémique, réprime d'un an de prison et 45.000 euros d'amende la diffusion de "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" de membres des forces de l'ordre en intervention, quand elle porte "atteinte" à leur "intégrité physique ou psychique".

Elle survient également trois jours après l'évacuation musclée, lundi soir, d'un camp de migrants place de la République à Paris.

Le parquet de Paris a ouvert deux enquêtes relatives à des faits de "violences" dont sont soupçonnés des policiers sur un migrant et un journaliste.

Selon son entourage, le ministre de l'Intérieur doit rendre public jeudi soir au 20H00 de France 2 les conclusions de l'enquête qu'il a demandé à l'IGPN sur cette opération.


Rédigé par AFP le Jeudi 26 Novembre 2020 à 06:17 | Lu 557 fois