Procès pour les frères Bogdanoff, accusés d'"escroquerie" envers un millionnaire bipolaire


Paris, France | AFP | mercredi 06/01/2021 - Igor et Grichka Bogdanoff ont-ils tenté de spolier un millionnaire bipolaire pour régler leurs déboires financiers et relancer "Temps X", l'émission de science-fiction qui les a rendus célèbres dans les années 80 ? Les jumeaux devront répondre au tribunal de ces accusations qu'ils contestent.

Les deux frères de 70 ans, connus pour leur transformation physique atypique et leurs ouvrages scientifiques controversés, devront comparaître à Paris, mais pas avant plusieurs mois, lors de ce procès en correctionnelle pour "escroquerie sur personne vulnérable", aux côtés de quatre autres prévenus.

Outre le fils d'un diplomate franco-congolais en fuite, proche des jumeaux, le magistrat a également renvoyé devant le tribunal un producteur de cinéma, sa fille et un avocat parisien, tous trois accusés d'avoir entraîné la victime à dilapider sa fortune dans un film aux conditions de production douteuses, "le Fruit de l'espoir".

La victime, Cyrille P., un ancien hôtelier fortuné de 53 ans souffrant de troubles bipolaires depuis plusieurs années, s'est suicidée le 31 août 2018, au plus fort de l'enquête, depuis les falaises d'Étretat (Seine-Maritime).

"Je suis en grande souffrance, trop c'est trop. (...) Ils m'ont fait croire monts et merveilles", écrivait-il aux policiers peu avant son geste.

Deux mois plus tôt, Igor et Grichka Bogdanoff, qu'il surnommait "Frère premier" et "Frère absent", avaient été mis en examen dans ce dossier, moins d'un an après avoir fait sa connaissance.

"Le réinitialiser"

Le fils de diplomate, Tanguy Ifoku, surnommé "Frère sombre", complétait le trio que le juge tient responsable d'une "véritable machination" pour faire "miroiter des investissements extraordinaires" au millionnaire : une tentative inconsistante de relance de "Temps X", un vague projet de film promotionnel de la République démocratique du Congo ou encore l'achat d'un hélicoptère Gazelle, uniquement pilotable par Igor.

Pour le magistrat, les trois hommes ont à l'époque conscience de manipuler Cyrille P.: "J'ai parlé avec lui hier pour le maintenir dans cet état (...) ce serait une bonne façon de le réinitialiser", raconte Grischka à son frère, selon une écoute versée au dossier.

En difficultés financières, Igor convainc leur nouvel ami de lui racheter pour 750.000 euros la moitié de sa villa parisienne, en indivision et sans pouvoir s'y installer.

Cyrille P., qui se présente à des amis comme "le troisième Bogdanoff", consent à tout: il remet notamment 160.000 euros en liquide et signe pour 1,5 million d'euros de chèques durant l'hiver 2017-2018.

Mais aucun n'est encaissé : la banque, qui vient de signaler à la justice un premier cercle de profiteurs potentiels, bloque les versements.

Depuis l'été précédent, Cyrille P. a en effet cessé de prendre ses médicaments, devenant "exagérément sociable, dépensier" et influençable, au cours d'"épisode maniaques", selon ses proches et les experts médicaux.

Via l'avocat parisien Jean-Luc Chetboun, il fait à cette époque la connaissance d'un autoproclamé "hypnotiseur des stars" qui lui présente le producteur Alain Williams, ex-manager de la figure de téléréalité Loana, puis les frères Bogdanoff.

Pour l'avocat, le producteur et sa fille, le parquet avait toutefois requis d'abandonner les poursuites, puisque le film, dans lequel les jumeaux et Robert Hossein jouaient de petits rôles, avait réellement été produit et diffusé.

Mais pour le juge, les mis en examen, qui ont obtenu 600.000 euros de la victime pour un film "qui n'en vaut pas plus de 50.000" selon un protagoniste du tournage, ont "produit le film coûte que coûte pour tenter de masquer leurs agissements".

Contestant ce renvoi, "les frères Bogdanoff se réjouissent" toutefois "que la qualification d'abus de faiblesse à l'encontre de leur ami ait été enfin abandonnée", ont réagi leurs avocats Mes Edouard de Lamaze et Éric Morain. "Ils n'ont en effet bénéficié d'aucun enrichissement personnel", assure la défense.

le Jeudi 7 Janvier 2021 à 06:21 | Lu 528 fois