Christophe SIMON / AFP
Avignon, France | AFP | vendredi 08/11/2024 - L'enquête sur les viols de Mazan a-t-elle été exhaustive ? A-t-elle été uniquement à charge ? La juge d'instruction de ce dossier tentaculaire a longuement été questionnée vendredi, des avocats de la défense évoquant d'éventuels manquements.
"Sur un dossier de cette ampleur, on peut facilement faire 10 ans d'instruction. On a voulu être pragmatique et efficace pour que M. Pelicot puisse être jugé dans un délai raisonnable", a répondu d'emblée Gwenola Journot devant la cour criminelle de Vaucluse.
Appelée à témoigner par une avocate de la défense, Me Isabelle Crépin-Dehaene, qui depuis le début du procès a parfois provoqué la colère des parties civiles et notamment de Gisèle Pelicot pour ses questions laissant ouverte la possibilité d'une complicité de sa part, la magistrate a calmement explicité les choix de son enquête.
Ouverte en novembre 2020, celle-ci a été close en juin 2023: résumant 31 tomes d'instruction, l'ordonnance de mise en accusation de 370 pages a envoyé au procès 51 hommes: Dominique Pelicot, le mari, décrit comme "le chef d'orchestre", et ses 50 coaccusés qu'il avait recrutés sur internet pour venir violer son épouse à leur domicile de Mazan (Vaucluse) après qu'il l'avait droguée avec des anxiolytiques.
La tension est montée crescendo vendredi matin à Avignon, avec la salve de questions de Me Crépin-Dehaene, avocate de deux coaccusés.
Quid de la thèse selon laquelle des accusés auraient aussi été drogués à leur insu par M. Pelicot, comme certains l'avancent ?
"Je ne me souviens pas de l'avoir envisagée car aucun des mis en examen n'apparaît sédaté sur les vidéos", rétorque la magistrate.
Relancée sur ce point, Mme Journot assure que selon l'un des accusés lui-même, "cette thèse lui avait été conseillée par un autre mis en examen".
- "Il y a une frustration" -
"Pourquoi avoir mis 18 mois pour exploiter (les données du) site Coco.fr?", où Dominique Pelicot avait rencontré les futurs agresseurs de sa femme, rebondit l'avocate.
"C'est un grand regret (...) J'ai fait moi-même une réquisition par courrier recommandé et je n'ai jamais eu de retour du site", regrette la magistrate.
Pourquoi le troisième téléphone de Dominique Pelicot n'a-t-il pas été exploité ? "Je n'ai pas souvenir du nombre de téléphones de M. Pelicot", répond la juge.
"Pourquoi ne pas exploiter la ligne téléphonique de madame?", insiste ensuite Me Crépin-Dehaene. "Je n'en voyais pas l'intérêt", rétorque la magistrate, se demandant si l'avocate ne serait pas encore "dans la thèse de la complicité de Gisèle Pelicot".
"Je ne suis dans la thèse de rien du tout. Je n'ai pas d’accusation à l’encontre de quiconque", se défend l'avocate.
Une autre avocate, Me Caroline Beveraggi, conseil d'un accusé, demande pourquoi le médecin qui a délivré autant d'anxiolytiques à Dominique Pelicot pendant une décennie n'a pas été entendu.
"Il aurait refusé de répondre: on ne peut pas forcer quelqu'un à parler. Et ce n'est pas l'objet de ce dossier", avance la juge.
Pourquoi, dès l'instruction, avoir "utilisé le qualificatif de viol" auprès des accusés, ce qui aurait pu les influencer, reproche ensuite Me Emile-Henri Biscarrat, conseil de deux accusés ?
"Quand on regarde les vidéos, objectivement, c'est un viol. Après, cela ne veut pas dire au stade de l’instruction que ce sont des violeurs", réplique Mme Journot.
Me Antoine Camus, l'un des avocats de Gisèle Pelicot, s'est demandé pourquoi l'instruction n'avait pas essayé d'approfondir les enquêtes sur les éventuelles agressions subies par Caroline Darian, la fille de Gisèle Pelicot. Des photomontages d'elle, nue et endormie, ont en effet été trouvés dans les fichiers informatiques de son père et la quadragénaire se demande toujours si elle aussi n'aurait pas été violée par celui qu'elle appelle désormais son "géniteur".
"On sait qu'elle a fait l'objet d'images impudiques. Sur les deux photos endormies, nous n'avons pas eu d'explication de M. Pelicot. C'est un peu le seul point où on n'a pas eu d'explication. C'était nié en bloc", explique Mme Journot. Des dénégations que Dominique Pelicot a maintenues depuis le début du procès, le 2 septembre.
Son confrère Stéphane Babonneau a enfin évoqué ces hommes filmés par Dominique Pelicot mais non identifiés par les enquêteurs. Ils seraient entre une dizaine et une vingtaine. N'avez-vous pas "un goût d'inachevé", demande-t-il à la juge ?
"A un moment, en concertation avec la police judiciaire, on a décidé d'arrêter les investigations. On a certaines personnes qu'on voyait de manière très floue et on ne pouvait pas sortir de photo d'eux", explique Mme Journot: "Oui, il y a une frustration, mais on pense quand même avoir fait le maximum".
"Sur un dossier de cette ampleur, on peut facilement faire 10 ans d'instruction. On a voulu être pragmatique et efficace pour que M. Pelicot puisse être jugé dans un délai raisonnable", a répondu d'emblée Gwenola Journot devant la cour criminelle de Vaucluse.
Appelée à témoigner par une avocate de la défense, Me Isabelle Crépin-Dehaene, qui depuis le début du procès a parfois provoqué la colère des parties civiles et notamment de Gisèle Pelicot pour ses questions laissant ouverte la possibilité d'une complicité de sa part, la magistrate a calmement explicité les choix de son enquête.
Ouverte en novembre 2020, celle-ci a été close en juin 2023: résumant 31 tomes d'instruction, l'ordonnance de mise en accusation de 370 pages a envoyé au procès 51 hommes: Dominique Pelicot, le mari, décrit comme "le chef d'orchestre", et ses 50 coaccusés qu'il avait recrutés sur internet pour venir violer son épouse à leur domicile de Mazan (Vaucluse) après qu'il l'avait droguée avec des anxiolytiques.
La tension est montée crescendo vendredi matin à Avignon, avec la salve de questions de Me Crépin-Dehaene, avocate de deux coaccusés.
Quid de la thèse selon laquelle des accusés auraient aussi été drogués à leur insu par M. Pelicot, comme certains l'avancent ?
"Je ne me souviens pas de l'avoir envisagée car aucun des mis en examen n'apparaît sédaté sur les vidéos", rétorque la magistrate.
Relancée sur ce point, Mme Journot assure que selon l'un des accusés lui-même, "cette thèse lui avait été conseillée par un autre mis en examen".
- "Il y a une frustration" -
"Pourquoi avoir mis 18 mois pour exploiter (les données du) site Coco.fr?", où Dominique Pelicot avait rencontré les futurs agresseurs de sa femme, rebondit l'avocate.
"C'est un grand regret (...) J'ai fait moi-même une réquisition par courrier recommandé et je n'ai jamais eu de retour du site", regrette la magistrate.
Pourquoi le troisième téléphone de Dominique Pelicot n'a-t-il pas été exploité ? "Je n'ai pas souvenir du nombre de téléphones de M. Pelicot", répond la juge.
"Pourquoi ne pas exploiter la ligne téléphonique de madame?", insiste ensuite Me Crépin-Dehaene. "Je n'en voyais pas l'intérêt", rétorque la magistrate, se demandant si l'avocate ne serait pas encore "dans la thèse de la complicité de Gisèle Pelicot".
"Je ne suis dans la thèse de rien du tout. Je n'ai pas d’accusation à l’encontre de quiconque", se défend l'avocate.
Une autre avocate, Me Caroline Beveraggi, conseil d'un accusé, demande pourquoi le médecin qui a délivré autant d'anxiolytiques à Dominique Pelicot pendant une décennie n'a pas été entendu.
"Il aurait refusé de répondre: on ne peut pas forcer quelqu'un à parler. Et ce n'est pas l'objet de ce dossier", avance la juge.
Pourquoi, dès l'instruction, avoir "utilisé le qualificatif de viol" auprès des accusés, ce qui aurait pu les influencer, reproche ensuite Me Emile-Henri Biscarrat, conseil de deux accusés ?
"Quand on regarde les vidéos, objectivement, c'est un viol. Après, cela ne veut pas dire au stade de l’instruction que ce sont des violeurs", réplique Mme Journot.
Me Antoine Camus, l'un des avocats de Gisèle Pelicot, s'est demandé pourquoi l'instruction n'avait pas essayé d'approfondir les enquêtes sur les éventuelles agressions subies par Caroline Darian, la fille de Gisèle Pelicot. Des photomontages d'elle, nue et endormie, ont en effet été trouvés dans les fichiers informatiques de son père et la quadragénaire se demande toujours si elle aussi n'aurait pas été violée par celui qu'elle appelle désormais son "géniteur".
"On sait qu'elle a fait l'objet d'images impudiques. Sur les deux photos endormies, nous n'avons pas eu d'explication de M. Pelicot. C'est un peu le seul point où on n'a pas eu d'explication. C'était nié en bloc", explique Mme Journot. Des dénégations que Dominique Pelicot a maintenues depuis le début du procès, le 2 septembre.
Son confrère Stéphane Babonneau a enfin évoqué ces hommes filmés par Dominique Pelicot mais non identifiés par les enquêteurs. Ils seraient entre une dizaine et une vingtaine. N'avez-vous pas "un goût d'inachevé", demande-t-il à la juge ?
"A un moment, en concertation avec la police judiciaire, on a décidé d'arrêter les investigations. On a certaines personnes qu'on voyait de manière très floue et on ne pouvait pas sortir de photo d'eux", explique Mme Journot: "Oui, il y a une frustration, mais on pense quand même avoir fait le maximum".