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Procès des emplois « fictifs » : le Service des Affaires Polynésiennes au cœur du dossier


Procès des emplois « fictifs » : le Service des Affaires Polynésiennes au cœur du dossier
C’est une petite femme frêle qui s’avance à la barre, à l’appel de la présidente du tribunal correctionnel. Camélia Neti a été la chef de service du Service des Affaires Polynésiennes (le SAP) de 1986 à 2004. Et c’est ce service qui va être au cœur des débats, en ce premier jour du procès des emplois présumés fictifs de la Présidence. Car c’est de lui que dépendait plus du tiers des emplois cabinets dits fictifs qui sont jugés aujourd’hui.

D’une petite voix mal assurée, Camélia Neti tente de répondre aux questions du juge sur un service qu’elle semble bien mal connaître, malgré les 18 ans passés à sa tête. Qui y travaillait ? Pourquoi le personnel de ce service a-t-il été multiplié par 7 en 15 ans, passant de 20 à plus de 140 agents ? Que faisaient les agents de terrain qui dépendaient d’elle, mais qu’elle ne voyait jamais ? « Je ne sais pas », répond le plus souvent l’ancienne chef de ce service dissous en 2009, et qui n’est jamais apparu sur les organigrammes.

A force de questions, la présidente du tribunal met à jour l’opacité qui régnait autour du SAP pendant ses 18 années d’existence. Ce service, qui dépendait directement du cabinet de Gaston Flosse, recrutait des « agents administratifs » à la productivité douteuse : 0,6 dossiers traités par jour et par agent. Mais le SAP employait aussi des « agents de terrain » à double casquette : ils étaient d’une part les « porte-parole » du gouvernement, des « Afa’ifa’i Parau », chargés de prêcher la « bonne parole » au peuple insuffisamment informé par les médias. C’est ce qu’explique à la barre Marcel Tuihani, qui chapeautait les réunions hebdomadaires du SAP. « M. Flosse estimait que la couverture médiatique de ses actions était trop courte», explique son ancien chef de cabinet.

La deuxième mission de ces agents, c’était « d’aider les Polynésiens dans leurs démarches » , essentiellement pour la constitution des dossiers de demande de Fare MTR (maisons attribuées par l’Office Polynésien de l’habitat, l’opérateur de logements sociaux). « Sur quels critères aidiez-vous ces familles ? », demande la juge. « Sur des critères sociaux », répond Mme Neti, qui affirme que « l’appartenance politique n’avait aucun poids ».


CONFUSION DES GENRES

Procès des emplois « fictifs » : le Service des Affaires Polynésiennes au cœur du dossier
Pourtant c’est cette même Mme Neti qui écrivait en février 2004 au chef de cabinet de Gaston Flosse, Marcel Tuihani : « Dans le fonctionnement de notre service, le politique et l’administratif sont indissolubles. Nous avons entretenu nos idées politiques sans le dire ouvertement dans le fonctionnement du service ». Une note accablante, que corrobore le témoignage d’un de ces agents de terrain, recruté par Jean-Christophe Bouissou en 1997 : Alexis Guilloux. L’homme n’est pas là aujourd’hui. Mais la présidente donne lecture de ses déclarations. « Mon rôle consistait à monter des sections du Tahoeraa à Faa’a », explique A. Guilloux, qui déclare en substance avoir fait « du porte à porte pour faire signer des contrats d’adhésion au Tahoeraa Huiraatira ».

C’est alors à Jean-Christophe Bouissou de s’exprimer à la barre. Cet ancien du Ai’a Api a rejoint le Tahoeraa en 1997. Il décide alors de partir à la conquête de la citadelle imprenable du Tavini : la ville de Faa’a. Pour lui, Alexis Guilloux et Oscar Peni, deux agents du SPA qui travaillaient à ses côtés au ministère du logement à partir de 1998, auront monté plusieurs dizaines de sections du Tahoeraa d’une vingtaine d’adhérents, en quelques années à peine. « Je faisais du porte à porte pour faire signer des contrats d’adhésion. J’ai été payé pendant toutes ces années par le gouvernement, mais pendant mon travail j’ai monté 50 sections.Tous les quinze jours je remettais les bulletins d’adhésion à Monsieur Bouissou, qui allait ensuite les visiter le Week-end ». déclare A. Guilloux dans ses dépositions.

« Nous mettions en place ces sections la nuit ou le week-end ! » se défend quant à lui Jean-Christophe Bouissou ( qui précise qu’il a déjà fait condamner A. Guilloux pour propos diffamatoires). « Mais vous recrutiez au Tahoeraa Huiraatira les populations que ces porte-paroles avaient aidé pendant la semaine ? Comment pouvaient-elle distinguer le porte parole du gouvernement, du militant Tahoeraa » ? interroge la cour. « Je conçois qu’il peut y avoir confusion », finit par répondre Jean-Christophe Bouissou.

Le fait que ces agents de SAP étaient des sympathisants ou adhérents du Tahoeraa Huiraatira n’était-il vraiment qu’une coïncidence qui pouvait prêter à « confusion ? ». La propagande se limitait-elle aux soirs de semaine, à partir de 17H, ou aux Week-end ? C’est peu probable selon l’avocat de la partie civile, Me Boussier, pour qui « tout le système Flosse a été largement décrit ce matin ». Un système « clientéliste », où l’on jouait sur la « confusion des genres » pour séduire l'électorat ensuite captif. D'après l'avocat, Jean-Christophe Bouissou ( qui rappelons- le, a quitté depuis le Tahoeraa), n’était à l'époque qu'un « Flosse aux petits pieds ». Gaston Flosse, lui, doit s’expliquer jeudi à la barre.

Rédigé par F K le Mercredi 20 Avril 2011 à 15:53 | Lu 2153 fois