Tahiti, le 17 février 2025 - L’homme accusé du meurtre d’Augustine dans la nuit du 26 au 27 avril 2021 à Mahina a été condamné lundi à 25 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté des deux tiers, à l’issue d’un procès qui aura duré deux jours et demi. Un procès sous tension qui a cristallisé souffrance et colère.
Tout l’enjeu de ce procès des assises, qui a eu lieu du 13 au 17 février, a été d’établir l’aspect intentionnel de l’acte commis dans la nuit du 26 au 27 avril 2021. Cette nuit-là, Augustine, la concubine de l’accusé qui menait une double vie, a disparu. La vérité n’a pas éclaté, mais la justice a tranché.
Au cours du troisième jour de procès, les experts et avocats ont été invités à s’exprimer tour à tour. Un psychiatre et une psychologue clinicienne ont rapporté leurs conclusions par écran interposé. Selon le premier, l’accusé a tenu un discours “autocentré” lors des entretiens, il n’a parlé “que de lui et de ce qu’il avait fait” sans “laisser de place à la victime”. Il n’y a pas eu de “déclaration sur la souffrance”, sur cette mort “dramatique” et “atroce”, à “aucun moment”. L’expert psychiatre a relevé “une tendance à la manipulation”, mais “ce qui reste finalement assez commun chez les hommes qui ont une double vie”, a-t-il nuancé.
“Morte pour lui plutôt que vivante pour un autre”
La psychologue clinicienne a ensuite confirmé avoir eu affaire à quelqu’un au fonctionnement intellectuel “dans la normale” qui n’émettait pas “de signes psychotiques”, à une personnalité “égocentrique” ; elle a parlé “d’immaturité affective” et “de colère pouvant devenir envahissante”. Elle a ajouté que l’accusé n’avait pas de personnalité “narcissique au sens pathologique”, mais qu’il “avait peu d’empathie”. Selon elle, le drame de la nuit du 26 au 27 avril était en lien avec la rupture annoncée. À la question de l’avocat général : “Peut-on dire que l’accusé préférait voir Augustine morte pour lui plutôt que vivante pour un autre ?”, elle a répondu par l'affirmative.
Après avoir entendu les experts, le président a listé les questions auxquelles la cour devait répondre à l’attention de salle et notamment des jurés : l’accusé est-il coupable d’avoir volontairement donné la mort à Augustine ? A-t-il volontairement exercé sa violence ? Les violences ont-elles entraîné la mort sans volonté de la tuer ? Était-il le concubin ?
Pour l’avocate des parties civiles, Me Kari Lee Armour-Lazzari, la question surtout a été de savoir ce qu’il s’était réellement passé. Lors de sa plaidoirie, elle a interrogé : “Augustine a-t-elle été mangée par des requins ? A-t-elle été enterrée ?” Quatre ans après les faits et après deux jours de procès, “on n’en sait toujours rien !” Sa grand-mère, sa mère, ses quatre frères et sa sœur, “soit au total sept personnes”, a-t-elle insisté, restent sans réponse. L’accusé n’a cessé de changer ses versions, avec pour chacune “des aménagements dans les détails”, “comment voulez-vous donc que les parties civiles comprennent et qu’elles puissent se dire que justice a été faite ?” La famille, sans corps, ne peut faire son deuil. Et malgré tout cela, “il ne relève même pas la tête !”, s’est-elle emportée. Il faut dire que l’accusé est resté assis la tête baissée tout au long du procès, sauf lors de ses interventions.
Pour l’avocate, le doute n’est pas permis. Cette femme qui “ne voulait de mal à personne”, qui était “tourmentée au fond d’elle car elle était amoureuse de l’accusé”, cette femme qui n’en pouvait plus a souhaité mettre fin à sa relation, et “le soir où elle a trouvé le courage de lui dire”, l’accusé a “décidé de l’éliminer”. Aujourd’hui, les parties civiles “ne cherchent plus la vérité, elle n’a pas été dite”, elles espèrent “entendre la justice”.
“Il avait bien l’intention de la tuer”
L’avocat général a ensuite pris la parole. “L’accusé va avoir 26 ans, la victime, elle, aurait pu avoir 31 ans.” Il a ajouté : “Je suis convaincu qu’il y a bien eu meurtre”. Il a affirmé que dans ce procès, il n’y a pas eu de “zones d’ombre”. Tenant compte des preuves, les appels passés ainsi que les images de la vidéosurveillance, il a affirmé que l’accusé “n’avait pas eu le temps d’enterrer le corps quelque part”. L’annonce de la rupture aurait eu lieu après 20 heures dans la chambre, le couple en route pour Papeno’o se serait disputé, arrêté en haut d’un précipice d’une dizaine de mètres, l’accusé finalement aurait frappé la victime, puis soulevé son corps inanimé pour le jeter dans l’océan en contrebas. “Le cimetière d’Augustine, désormais, c’est l’océan”, a-t-il affirmé. “La vérité absolue, nous ne l’avons pas, mais il suffit d’un peu de bon sens !” Il a ajouté : “Pour l’accusé, après coup, il est convaincu que c’était un accident, mais sur le coup, il avait bien l’intention de la tuer”.
L’avocat général dit avoir pris ses réquisitions “sans haine, mais sans craintes”. Il a demandé 25 à 30 ans de réclusion criminelle assortis d’une peine de sûreté de deux tiers pour lui permettre “de réfléchir” et de “réaliser l’atrocité de son geste”. Il a également requis un suivi socio-judiciaire et une injonction de soins (formation, interdiction d’aller à la rencontre de la famille, indemnisation…).
“Nous avons eu deux jours de procès intenses”, a reconnu l’avocate de l’accusé, Me Isabelle Nougaro. “Il y a eu beaucoup de choses à voir, à comprendre et balayer”. Ce procès “a cristallisé les souffrances et la colère, on l’a vu. Il a été particulièrement tendu”. Il n’arrive pas souvent “qu’autant de colère soit déversée”. Mais l’accusé “est un homme”, ce n’est pas “un monstre” !
Pour dépeindre le contexte du drame, elle a rappelé la double vie du père de l’accusé qui aurait pu avoir une influence, la consommation abusive d’alcool et de cannabis ou encore la violence inscrite dans le quotidien familial d’Augustine. “On est à la fois ce qu’on est à la base et ce que l’on fait de nous.”
Pardon à la famille
Ce soir-là, il y a eu une dispute, Augustine a frappé, l’accusé a répondu, il a porté “un coup mortel qui a provoqué la chute”, assure-t-elle. Pour elle, il n’y a jamais eu “d’intention de tuer”. La procédure, et notamment la garde à vue de sa femme et de sa mère, aurait pu influencer les aveux. Si les parties civiles restent persuadées qu’il y a autre chose, l’avocate de l’accusé, elle, affirme “qu’il n’y a rien”. “Il n’y a jamais eu d’acharnement, il a paniqué, et c’est tout.” Elle a assisté à la reconstitution et elle est sûre qu’il n’est pas possible de porter une femme inconsciente, du poids d’Augustine, et de la jeter à la mer “sans prendre le risque de chuter avec elle”. Pour toutes ces raisons, et s’appuyant sur l’évolution de l’accusé depuis qu’il est en prison (il est totalement sevré de l’alcool et il est suivi par un psychologue et un psychiatre), elle a indiqué que la peine de sûreté n’était pas “justifiée”.
L’accusé, enfin, a conclu avec ses mots : “Je reconnais avoir frappé, mais je ne l’ai pas tuée ! Je demande pardon à la famille”. Il a été condamné, après près de trois heures de délibéré, à 25 ans de réclusion criminelle. Il n’est pas libérable avant 2038.
Tout l’enjeu de ce procès des assises, qui a eu lieu du 13 au 17 février, a été d’établir l’aspect intentionnel de l’acte commis dans la nuit du 26 au 27 avril 2021. Cette nuit-là, Augustine, la concubine de l’accusé qui menait une double vie, a disparu. La vérité n’a pas éclaté, mais la justice a tranché.
Au cours du troisième jour de procès, les experts et avocats ont été invités à s’exprimer tour à tour. Un psychiatre et une psychologue clinicienne ont rapporté leurs conclusions par écran interposé. Selon le premier, l’accusé a tenu un discours “autocentré” lors des entretiens, il n’a parlé “que de lui et de ce qu’il avait fait” sans “laisser de place à la victime”. Il n’y a pas eu de “déclaration sur la souffrance”, sur cette mort “dramatique” et “atroce”, à “aucun moment”. L’expert psychiatre a relevé “une tendance à la manipulation”, mais “ce qui reste finalement assez commun chez les hommes qui ont une double vie”, a-t-il nuancé.
“Morte pour lui plutôt que vivante pour un autre”
La psychologue clinicienne a ensuite confirmé avoir eu affaire à quelqu’un au fonctionnement intellectuel “dans la normale” qui n’émettait pas “de signes psychotiques”, à une personnalité “égocentrique” ; elle a parlé “d’immaturité affective” et “de colère pouvant devenir envahissante”. Elle a ajouté que l’accusé n’avait pas de personnalité “narcissique au sens pathologique”, mais qu’il “avait peu d’empathie”. Selon elle, le drame de la nuit du 26 au 27 avril était en lien avec la rupture annoncée. À la question de l’avocat général : “Peut-on dire que l’accusé préférait voir Augustine morte pour lui plutôt que vivante pour un autre ?”, elle a répondu par l'affirmative.

Pour l’avocate des parties civiles, Me Kari Lee Armour-Lazzari, la question surtout a été de savoir ce qu’il s’était réellement passé. Lors de sa plaidoirie, elle a interrogé : “Augustine a-t-elle été mangée par des requins ? A-t-elle été enterrée ?” Quatre ans après les faits et après deux jours de procès, “on n’en sait toujours rien !” Sa grand-mère, sa mère, ses quatre frères et sa sœur, “soit au total sept personnes”, a-t-elle insisté, restent sans réponse. L’accusé n’a cessé de changer ses versions, avec pour chacune “des aménagements dans les détails”, “comment voulez-vous donc que les parties civiles comprennent et qu’elles puissent se dire que justice a été faite ?” La famille, sans corps, ne peut faire son deuil. Et malgré tout cela, “il ne relève même pas la tête !”, s’est-elle emportée. Il faut dire que l’accusé est resté assis la tête baissée tout au long du procès, sauf lors de ses interventions.
Pour l’avocate, le doute n’est pas permis. Cette femme qui “ne voulait de mal à personne”, qui était “tourmentée au fond d’elle car elle était amoureuse de l’accusé”, cette femme qui n’en pouvait plus a souhaité mettre fin à sa relation, et “le soir où elle a trouvé le courage de lui dire”, l’accusé a “décidé de l’éliminer”. Aujourd’hui, les parties civiles “ne cherchent plus la vérité, elle n’a pas été dite”, elles espèrent “entendre la justice”.
“Il avait bien l’intention de la tuer”
L’avocat général a ensuite pris la parole. “L’accusé va avoir 26 ans, la victime, elle, aurait pu avoir 31 ans.” Il a ajouté : “Je suis convaincu qu’il y a bien eu meurtre”. Il a affirmé que dans ce procès, il n’y a pas eu de “zones d’ombre”. Tenant compte des preuves, les appels passés ainsi que les images de la vidéosurveillance, il a affirmé que l’accusé “n’avait pas eu le temps d’enterrer le corps quelque part”. L’annonce de la rupture aurait eu lieu après 20 heures dans la chambre, le couple en route pour Papeno’o se serait disputé, arrêté en haut d’un précipice d’une dizaine de mètres, l’accusé finalement aurait frappé la victime, puis soulevé son corps inanimé pour le jeter dans l’océan en contrebas. “Le cimetière d’Augustine, désormais, c’est l’océan”, a-t-il affirmé. “La vérité absolue, nous ne l’avons pas, mais il suffit d’un peu de bon sens !” Il a ajouté : “Pour l’accusé, après coup, il est convaincu que c’était un accident, mais sur le coup, il avait bien l’intention de la tuer”.
L’avocat général dit avoir pris ses réquisitions “sans haine, mais sans craintes”. Il a demandé 25 à 30 ans de réclusion criminelle assortis d’une peine de sûreté de deux tiers pour lui permettre “de réfléchir” et de “réaliser l’atrocité de son geste”. Il a également requis un suivi socio-judiciaire et une injonction de soins (formation, interdiction d’aller à la rencontre de la famille, indemnisation…).
“Nous avons eu deux jours de procès intenses”, a reconnu l’avocate de l’accusé, Me Isabelle Nougaro. “Il y a eu beaucoup de choses à voir, à comprendre et balayer”. Ce procès “a cristallisé les souffrances et la colère, on l’a vu. Il a été particulièrement tendu”. Il n’arrive pas souvent “qu’autant de colère soit déversée”. Mais l’accusé “est un homme”, ce n’est pas “un monstre” !
Pour dépeindre le contexte du drame, elle a rappelé la double vie du père de l’accusé qui aurait pu avoir une influence, la consommation abusive d’alcool et de cannabis ou encore la violence inscrite dans le quotidien familial d’Augustine. “On est à la fois ce qu’on est à la base et ce que l’on fait de nous.”
Pardon à la famille
Ce soir-là, il y a eu une dispute, Augustine a frappé, l’accusé a répondu, il a porté “un coup mortel qui a provoqué la chute”, assure-t-elle. Pour elle, il n’y a jamais eu “d’intention de tuer”. La procédure, et notamment la garde à vue de sa femme et de sa mère, aurait pu influencer les aveux. Si les parties civiles restent persuadées qu’il y a autre chose, l’avocate de l’accusé, elle, affirme “qu’il n’y a rien”. “Il n’y a jamais eu d’acharnement, il a paniqué, et c’est tout.” Elle a assisté à la reconstitution et elle est sûre qu’il n’est pas possible de porter une femme inconsciente, du poids d’Augustine, et de la jeter à la mer “sans prendre le risque de chuter avec elle”. Pour toutes ces raisons, et s’appuyant sur l’évolution de l’accusé depuis qu’il est en prison (il est totalement sevré de l’alcool et il est suivi par un psychologue et un psychiatre), elle a indiqué que la peine de sûreté n’était pas “justifiée”.
L’accusé, enfin, a conclu avec ses mots : “Je reconnais avoir frappé, mais je ne l’ai pas tuée ! Je demande pardon à la famille”. Il a été condamné, après près de trois heures de délibéré, à 25 ans de réclusion criminelle. Il n’est pas libérable avant 2038.