Premier test politique pour l'exécutif sur son projet de loi immigration


Valentine CHAPUIS / AFP
Paris, France | AFP | mardi 06/12/2022 - Premier test pour la future loi sur l'immigration: le gouvernement présente mardi les grandes lignes de son projet de texte avant un débat à l'Assemblée nationale, dans l'espoir de dégager un consensus délicat avec l'opposition sur ce sujet clivant et hautement inflammable.

Après la Première ministre Elisabeth Borne, les deux auteurs du projet de loi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et celui du Travail Olivier Dussopt, se succéderont dans l'hémicycle pour défendre le texte qui doit être déposé début 2023.

Il comporte des mesures visant essentiellement à rendre plus efficaces les procédures d'expulsions, une équation qui empoisonne la politique migratoire française depuis des années et que la dernière loi asile et immigration de 2018 n'a pas permis de résoudre.

Le gouvernement présente donc une série de durcissements et une réforme "structurelle" du système d'asile au service de l'accélération des procédures, ainsi que quelques mesures en faveur de l'intégration.

"Il s'agit de mieux intégrer et de mieux expulser", a résumé mardi matin sur franceinfo M. Darmanin: "On veut ceux qui travaillent, pas ceux qui rapinent".

Le grand écart entre les deux mesures-phares symbolise l'équilibre recherché par le gouvernement. D'une part la délivrance d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) dès le rejet d'une demande d'asile en première instance, d'autre part la création d'un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les "métiers en tension", qui manquent de main-d'oeuvre.

Permis à points

"Il faut une politique de fermeté et d'humanité fidèle à nos valeurs. C'est le meilleur antidote à tous les extrêmes", a déclaré Emmanuel Macron ce week-end au journal Le Parisien.

Au sein de la majorité, le député Marc Ferracci, membre du groupe de travail immigration de Renaissance, défend l'idée d'un "permis de séjour à points" pour "une immigration qualifiée", sur le modèle canadien. Là aussi, la justification est de "ne pas se laisser politiquement enfermer par LR et RN sur un débat uniquement quantitatif".

Voilà l'enjeu du débat, qui sera suivi d'un autre au Sénat le 13 décembre: donner des gages à toutes les sensibilités, surtout à droite, sans vider le texte de sa substance.

"L'objectif est de rechercher un compromis", avait assuré lundi Matignon. 

Le ministre de l'Intérieur doit d'ailleurs recevoir le président des députés LR Olivier Marleix le 15 décembre, date à partir de laquelle le texte peut être envoyé au Conseil d'Etat.

"Ce texte ne servira encore une fois à rien", a balayé mardi Marine Le Pen lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale. "Ca ne fera pas avancer la situation qui est pourtant catastrophique (...): l'immigration dans notre pays est totalement hors de contrôle", a déclaré la cheffe de file des députés Rassemblement national.

"Obsession"

Comme l'extrême droite, les LR dénoncent un projet pas assez répressif, reprochant notamment au gouvernement de vouloir introduire une vague de "régularisations massives", qui représente une "ligne rouge", a encore menacé mardi le député LR Pierre-Henri Dumont. 

Le gouvernement est prêt à discuter des "critères" de ce titre, a insisté M. Darmanin. "Combien d'ancienneté il faudra sur le sol national? Doit-on mettre des quotas?", a-t-il poursuivi, se disant "ouvert" à des ajustements.

Avant même le débat, l'Assemblée nationale a rejeté le 1er décembre deux propositions de loi LR sur les expulsions d'étrangers délinquants.

A ce sujet, le ministère de l'Intérieur dit concentrer "l'effort sur les auteurs de troubles à l'ordre public", avec une "priorisation" de leur expulsion, promise notamment depuis le meurtre mi-octobre de Lola, 12 ans, par une ressortissante algérienne sous le coup d'une OQTF.

Dans un document qui rassemble les grandes orientations du gouvernement, l'exécutif reprend également un thème cher à la droite et l'extrême droite: la "surreprésentation des étrangers dans les actes de délinquance". Une "réalité", a défendu l'Intérieur.

Les associations soutenant les exilés, rassemblées mardi après-midi devant le Palais-Bourbon, ont dénoncé un texte "hostile" et appelé à "mettre fin aux discours liant immigration et délinquance".

Elles ont déploré un "énième projet de loi", le 29e sur l'asile et l'immigration depuis 1980, placé sous le signe de l'"obsession autour des OQTF", selon les termes de Fanélie Carrey-Conte, de la Cimade. 

Venu à leur rencontre, l'eurodéputé EELV Damien Carême a demandé "qu'on arrête de parler de la migration comme d'un problème".

le Mardi 6 Décembre 2022 à 06:20 | Lu 186 fois