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Préavis de grève à la CPS : les négociations piétinent autour de la tête de Régis Chang


Régis Chang, directeur de la CPS, et Yves Laugrost, le président nouvellement élu au conseil d'administration du Régime général des salariés de l'établissement
Régis Chang, directeur de la CPS, et Yves Laugrost, le président nouvellement élu au conseil d'administration du Régime général des salariés de l'établissement
PAPEETE, 19 mars 2015 – La Caisse de prévoyance sociale est sous la menace d’un préavis de grève qui prend effet mardi 24. Le conseil d’administration de vendredi 20 est déterminant pour la résolution de ce conflit avec en ligne de mire l’avenir de Régis Chang à la direction de l’établissement.

"Je n’y comprends plus rien, n’y a-t-il que des menteurs à la CPS ?", s’est indigné le secrétaire du bureau du Régime général des salariés, Ronald Terorotua après la suspension prématurée de la rencontre de jeudi matin. Entre-temps, tout le monde venait d’apprendre surpris que le CA de vendredi 20 demeurait maintenu, rendant vaine la rencontre de conciliation de jeudi matin. Cyril Le Gayic (CSIP) a quitté la réunion visiblement agacé en refusant de faire une quelconque déclaration. Quant à Lucie Tiffenat, d’un ton maternel, elle se bornait à dire : "Certains de mes collègues sont en colère. Je ne vais pas négocier toute seule et je pense que les sujets de négociation seront abordés au CA de demain".

La situation demeure instable depuis début mars entre le personnel et les instances dirigeantes de la Caisse de prévoyance sociale (CPS). Une première menace de grève avait pu être désamorcée in extremis au terme de 15 heures de négociations, entre le 6 et le 8 mars derniers, à la veille de l’arrivée en Polynésie française de la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin.

Et c’est finalement maintenant ce qui est interprété par les syndicats contestataires comme le non respect des éléments de ce protocole d’accord qui provoque un nouveau mouvement social au sein de l’établissement chargé de gérer le système polynésien de couverture sociale. Au centre du débat : l’avenir de Régis Chang à la direction de la CPS (voir interview de Ronald Terorotua).

Les syndicats demandent le départ du directeur de la Caisse au plus tard en juin prochain. Ils lui reprochent d’être responsable d’un grand malaise au sein du personnel de l’établissement et de s’être octroyé, à plusieurs reprises, diverses augmentations de rémunération, par voie de prime et de participation au résultat des SCI chargées de la gestion du parc immobilier détenu par le fonds de réserve de la caisse de retraites.

Gentleman's agreement

Un courrier, adressé le 11 mars à Patrick Howell par l'administrateur provisoire de la CPS, Daniel Palacz, a confirmé les engagements verbaux pris lors de la rencontre du 8 mars et notamment celui pris par Régis Chang d'annoncer son départ pour juin prochain. L'annonce aurait dû être faite depuis plusieurs jours, selon Ronald Terorotua. "Ce n'était pas écrit dans le protocole d'accord ; mais on avait conclu un gentleman's agreement. Il n'a pas tenu sa parole", dénonce-t-il aujourd'hui.

Mercredi après midi, un préavis de grève prenant effet mardi prochain a été signifié au conseil d’administration de la CPS et au ministère en charge de la Santé. Le document est signé par une intersyndicale rassemblant les centrales CSTP-FO, O Oe To Oe Rima, Otahi, CSIP et le syndicat des cadres de la CPS. Comme début mars, la confédération A Tia I Mua, notamment représentée par Yves Laugrost, le président nouvellement élu de la CPS, n'est toujours pas signataire du préavis.

Mercredi soir, une décision informelle du bureau de la CPS aurait voté le report du CA de vendredi 20 mars, estimant que l’assemblée ne pouvait pas valablement se tenir sous la menace d’un préavis de grève. Mais coup de théâtre jeudi matin, à la grande surprise des représentants syndicaux, l’assemblée est finalement maintenue à 9 heures vendredi matin.

"Il sera question du protocole d’accord du 8 mars", tergiverse Yves Laugrost, au sujet de l'ordre du jour de l’assemblée du 20 mars. Le nouveau président du régime des salariés de la CPS souhaite le maintien de Régis Chang à son poste : "Je l’ai déclaré avant et après mon élection". Pour lui, il est à sa place à la direction exécutive de la Caisse, alors que de grandes réformes doivent être mises en œuvre dès 2015, dans le cadre de la refonte du système de la Protection sociale généralisée. De plus, le protocole d'accord du 8 mars ne stipule par écrit qu'un "réaménagement au sein de la direction", ce qui semble laisser une grande marge de manœuvre pour jouer sur les mots. "Le CA donnera un avis éventuellement mais la décision appartiendra en dernier recours au conseil des ministres", conclut-il.


Ronald Terorotua, porte-parole du syndicat O Oe To Oe Rima
Ronald Terorotua, porte-parole du syndicat O Oe To Oe Rima
Ronald Terorotua : "on veut que M. Chang prenne la parole et tienne ses engagements"


Le point "1" et "2" du nouveau préavis de grève évoque le non respect du protocole d’accord du 8 décembre. Cela concerne-t-il la situation de Régis Chang à la direction de la CPS ?

Ronald Terorotua : Dans ce protocole, il y a d’autres points. Notamment on demande au Conseil des ministres de valider le budget primitif 2015 de la CPS, pour assurer la pérennité du budget administratif et de fonctionnement de la Caisse. Sans quoi le RST ne peut pas tenir.
Entre autres, il est aussi question que Régis Chang annonce son départ de la CPS pour juin prochain, comme cela avait été convenu lors du protocole d’accord du 8 décembre. Il nous a dit que son contrat prend fin en juin. (…) Le seul qui tient parole aujourd’hui c’est Daniel Palacz : il a écrit le 11 mars un courrier au ministre qui déclare que lors de nos discussions du 8 mars, pour parvenir à la levée du précédent préavis de grève, il avait été convenu que M. Chang devait prendre la parole lors du conseil d’administration de vendredi dernier (13 mars, NDLR) pour annoncer que son contrat prenait fin en juin
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Vous attendez donc que cet engagement soit tenu aujourd’hui ?

Ronald Terorotua : Le Conseil d’administration a été repoussé au 20 mars. (…) Si ce préavis de grève a été déposé, mercredi, c’est parce qu’on veut que M. Chang prenne la parole et tienne ses engagements : qu’il nous dise ce qu’il souhaite, c’est son problème ; qu’il mente, c’est son problème ; mais qu’il prenne la parole. Mais cette fois-ci, le préavis de grève ne sera pas suspendu.

Le fait que des employés de la CPS demandent la tête de leur directeur, vous trouvez la démarche fondée ?

Ronald Terorotua : Lorsqu’on connaît la personne – c’est vrai que ça fait presque 6 ans qu’il travaille à la CPS ; mais c’est seulement en trois jours que j’ai connu la personne : c’est un menteur, un maître chanteur. Il sait utiliser la langue de Molière à sa guise, à son avantage. Il aime bien manipuler les mots. Partant de là, personnellement, je n’ai pas confiance. Effectivement, le licencier ce n’est pas une perte pour la CPS, ni pour la population de la Polynésie française.

Que lui reproche le personnel de la CPS pour réclamer son départ ?

Ronald Terorotua : Il y a beaucoup de personnels en arrêt maladie, voire même en suivi psychiatrique, parce qu’il y a de la pression, aucune marque de respect vis-à-vis de ce personnel en effectif minimum : ils ne sont que 477 salariés alors qu’il y a des années de cela ils étaient 500 et quelques ; ils gèrent trois régimes supplémentaires : on augmente le travail et la pression ; ces salariés ne travaillent plus dans de bonnes conditions. Ce que le personnel demande, c’est d’être respecté et de travailler sainement, tranquillement.

L’annonce que doit faire Régis Chang sur son avenir à la direction de la CPS est un élément déterminant pour l’évolution de ce conflit ?

Ronald Terorotua : Bien sûr. Si on a signé un protocole d’accord, il y a 15 jours de cela, c’est parce que des engagements ont été pris, des paroles données. Aujourd’hui ces paroles n’ont pas été tenues.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 19 Mars 2015 à 13:25 | Lu 2064 fois