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Pouvana’a, ni haine ni rancune seul film polynésien en compétition


PAPEETE, le 6 février 2018 - Le film du réalisateur Jacques Navarro-Rovira intitulé Pouvana’a, ni haine ni rancune est en lice pour le grand prix du jury. Le documentaire qui va à la rencontre d’hommes politiques polynésiens et français met au jour les recherches de l’historien Jean-Marc Regnault.

Pour le réalisateur du documentaire Pouvana’a, ni haine ni rancune "il n’y a plus l’ombre d’un doute". À l’entendre Pouvana’a a O’opa a été "victime de la raison d’États". Il ajoute : "tous les documents sont là, tout est écrit noir sur blanc, on sait qui a pris les décisions, qui était là lorsqu’elles ont été prises".

Jugé et exilé

Pouvana’a a O’opa est un homme politique polynésien. Député autonomiste, il représentait le fenua en 1958. Il gênait à l’heure où la France rêvait de maîtriser l’arme nucléaire. Pouvana’a a O’opa a été accusé d’avoir voulu brûler Papeete. Il a été arrêté, jugé et condamné à l’exil. Te Metua comme il était surnommé a obtenu une remise gracieuse et a pu rentrer le 30 novembre 1968, huit ans après son départ alors qu’il était condamné à 15 ans d’interdiction de séjour en Polynésie.

À l’époque des doutes ont été émis. Le temps a passé sans que la mémoire de l’homme ne soit réhabilitée. Depuis des archives ont été déclassifiées que Jean-Marc Regnault a pu consulter sous le regard de Jacques Navarro-Rovira et de sa caméra. Le documentaire ne dit pas, par contre, quand le procès en révision pourrait avoir lieu. Il apporte les preuves, présente les perspectives, contraintes et problématiques de ce sujet politique.

Un devoir de mémoire


Pour Jacques Navarro-Rovira la réalisation de Pouvana’a a O’opa est "un devoir de mémoire". Il aime à mettre en lumière des sujets forts comme il a fait avec le handicap ou le don d’organes. Il sait que ses documentaires ne révolutionneront pas la société mais qu’ils "apporteront une pierre" à l'édification d'une prise de conscience collective.

Le réalisateur n’attend pas de prix. Il en a déjà obtenu quatre au Fifo, le grand prix du jury en 2008 pour Horo’a le Don, le prix du public en 2009 pour Marquisien, mon frère, le prix spécial du jury en 2014 pour La Compagnie des Archipels et le prix du public en 2017 pour Alors on danse. En 2015, il a été membre du jury. "Car je n’avais pas de documentaire à présenter cette année-là." Cette année, "ce qui importe c’est que l’on parle du sujet, c’est déjà beaucoup de faire partie de la sélection des films en compétition".

Jacques Navarro-Rovira, né en 1950 en France, a étudié le commerce à l’Essec. Mais "avant même de sortir de cette école on a monté une société de production qu’on a appelée Les Films du sabre avec deux autres étudiants", rapporte-t-il. En 1973, il a fait un premier séjour en Polynésie en tant que volontaire civil à l’aide technique (Vat). "Je suis resté deux ans avant de rentrer à Paris pour m’occuper de notre société." Il se permet une nouvelle parenthèse polynésienne en 1984 pour deux années de plus. "Je suis venu participer à la naissance de l’Ica", précise-t-il.

"Je suis rentré à Paris en 1986 pour ma boîte. On avait commencé à trois, on était alors 80. On avait 15 filiales et un chiffre d’affaires de 15 milliards de Fcfp par an." Vivendi Universalis a fait les yeux doux aux Films du sabre qui se sont laissés séduire. "Ils ont pris la majorité, nous sommes restés mais je ne faisais plus de films, je m’ennuyais. J’ai vendu direction : la Polynésie bien sûr !" La Polynésie qu’il n’a plus quittée.

"Je ne fais pas des films carte postale"


Jacques Navarro-Rovira tourne des documentaires sur des sujets "qui l’interpellent". Il ne fait pas "de films carte postale, ce n’est pas mon truc." Il a accepté de traiter le thème de l’affaire Pouvana’a (c’est une commande d’une société de production) car il se dit "sensible à l’histoire. Je porte cette injustice même si je suis pur popa’a". Il tourne beaucoup dans les îles où il dit "être toujours bien reçu. Je suis proche des Polynésiens auxquels je m’intéresse et que je traite avec respect".

Tandis que son dernier documentaire est porté à l’écran il termine le tournage d’un film sur le déménagement de la prison de Nuutania à Papeari pour Polynésie première et France Ô, ainsi que l’écriture de scénarios, l’un sur le mana et l’autre sur les Polynésiens dans la guerre d’Indochine. "On devrait aller tourner au Vietnam, au Laos et au Cambodge début 2019."

Il espère aussi pouvoir concrétiser un projet d’émission qu’il garde au chaud depuis 2001. "L’idée étant de donner rendez-vous au public une fois par mois par exemple en projetant des documentaires écrits et filmés par des jeunes de quartiers défavorisés. J’ai déjà tenté l’expérience avec eux, le résultat est très fort et tout à fait inattendu."

À voir

Pour voir le documentaire Pouvana’a a O’opa, rendez-vous :
Mercredi 7 février à 10h05 au Petit théâtre.
Jeudi 8 février à 17h30 au Petit théâtre.
Samedi 10 février à 14 heures au Grand théâtre


Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 6 Février 2018 à 16:39 | Lu 1084 fois