Pour le Tavini, “la donne a changé” à l'ONU depuis les législatives


Tahiti le 20 septembre 2022 – Le Tavini et les “pétitionnaires” doivent être auditionnés comme chaque année au siège de l'ONU à New York dans deux semaines dans le cadre du processus de décolonisation réinitié depuis 2013. Mais cette année, la victoire des trois candidats du parti indépendantiste aux élections législatives et la présidence de la Délégation aux Outre-mer de Moetai Brotherson seront des arguments politiques supplémentaires pour les indépendantistes.
 
Une nouvelle fois, le Tavini se rend à l'ONU dans deux semaines pour faire entendre la voix des “pétitionnaires” dans le cadre du processus de décolonisation. Mais cette année, vous faites valoir que la donne politique a changé après les dernières élections législatives ?
 
“Exactement. Depuis les législatives, la donne a complètement changé dans le contexte démocratique reconnu par l'ONU : un homme égale une voix. Avec nos trois députés, nous allons pétitionner pour prouver à la 4e Commission qu'aujourd'hui le dialogue, qui ne s'est jamais ouvert du fait qu'on ne nous reconnaissait pas une légitimité démocratique, ne peut plus souffrir de cette excuse. Nous allons demander au représentant de l'État, donc l'ambassadeur de la France à l'ONU, de revenir à l'intérieur de la salle pour répondre à nos questions. Maintenant on va voir quelle sera son attitude. (…) En 2018, une mission organisée par le Forum des îles du Pacifique est venue vérifier que le président n'a pas été élu au sens de la démocratie exprimée par les règles onusiennes. C’est-à-dire un homme égal une voix. Mais quand vous prenez les deux partis de la minorité de 2018, ils comptabilisent plus de voix ensemble que le parti qui dirige le Pays. Vous trouvez cela normal ? Ces élections territoriales souffrent d'un déficit démocratique. (…)”
 
Avoir trois députés, cela va vraiment changer les choses ?
 
“L'ambassadeur de France (…) devra changer de discours, trouver une autre excuse. C'est fini, il vient d'y avoir des élections. Et il n'y a pas photo entre les élections territoriales et les législatives. Car les législatives c'est un homme une voix. Il n'y a pas de bonus. Et il ne faut pas qu'il vienne nous dire qu'il faut attendre les territoriales pour voir si cela va se confirmer (…). On va leur dire : Dans ces conditions-là faîtes directement le référendum. Mais avant cela répondez à nos questions. Là, maintenant, on est tous gonflés pour retourner à l'ONU et plus qu'avant.”
 
Mais si le Tavini remportait les élections territoriales, vous iriez quand même revendiquer cette victoire à l'ONU ?
“De toutes façons, il faut gagner toutes les élections. Oscar Temaru est pour l'indépendance, mais ce n'est pas pour autant que la commune de Faa'a est indépendante aujourd'hui. L'indépendance va se gagner lors du scrutin d'autodétermination. Encore faut-il que les élèves d'aujourd'hui, qui vont être les électeurs de demain, puissent être éclairés sur cette matière.”
 
Votre stratégie c'est donc véritablement de pousser l'ambassadeur à être présent et à se positionner ?
 
“C'est ce qu'on appelle le langage diplomatique (…). Il faut que Paris accepte que nous avons trois députés qui sont l'émanation de la démocratie représentative que la Constitution française a mis en œuvre. Ils ne peuvent pas faire un déni de cette disposition constitutionnelle. Désolé, mais la population a ainsi décidé. Ce n'est pas parce que nous sommes à 20 000 kilomètres qu'ils vont faire un déni démocratique en Polynésie par rapport aux législatives.”
 
Et si ça ne fonctionne pas ?
 
“Depuis 2013, on leur demande de revenir. On a tout fait pour qu'il revienne. Aujourd'hui, ils nous ont dit une chose : Tant que légitimement, au niveau démocratique, vous n'allez pas nous donner une raison suffisante pour qu'on puisse accepter le principe que c'est avec vous qu'on doit ouvrir ce dialogue, à ce moment-là on réagira en conséquence. Ils n'ont jamais pensé que, lors ces élections législatives, il y aurait eu ce changement. Et maintenant, je crois qu'ils sont en train de se ronger les ongles pour savoir comment ils vont faire. C'est plutôt à eux qu'il faut poser la question. Est-ce qu'ils vont accepter de venir ouvrir ce dialogue ou est-ce qu'ils vont continuer à pratiquer la politique de la chaise vide ? C'est grave, car c'est ce qu'ils ont fait avec la Kanaky. Pourquoi ils sont revenus à la table des négociations pour ouvrir le dialogue de décolonisation ? Parce qu'il y a eu des morts. C'est pour cela que je dis il faut qu'il fasse attention à leur manière de se comporter, car nous avons toujours été des non-violents dans notre démarche et il faut que ça continue à le rester. Et ce n'est pas avec des attitudes, malheureusement comme celles-là, qu'on pourra arriver à contenir les extrêmes (…)”
 
Autre carte à jouer, vous souhaitez profiter de la position de président de la Délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale de Moetai Brotherson pour qu'il puisse être reçu par l'ambassadeur de la France à l'ONU ?
 
“Je pense que oui. Car tout diplomate français qui demande à être reçu par un représentant de la Nation ne peut pas refuser de recevoir. Il doit le recevoir. C'est une obligation régalienne. Une obligation de la nation.”
 
Encore une fois, que se passera-t-il si la France ne veut pas entendre parler de ce processus à l'ONU ?
 
“La France est une des 193 parties de l'ONU. Donc il y a 192 pays de l'ONU qui sont prêts à collaborer si la France ne souhaite pas collaborer. En plus, avec la stratégie Indopacifique, il y a beaucoup de pays autour de nous qui n'attendent que ça et qui sont prêts à venir. Car ils ont besoin de renforcer leur position dans le Pacifique et de sécuriser le Pacifique. Surtout le Pacifique Sud, car en ce moment c'est dans le Nord que la discussion, les problématiques stratégiques se posent (…). Et il y a ici quelque chose de très important c'est que nous disposons d'une richesse minérale extrêmement importante. C'est un patrimoine qui nous a été reconnu par les Nations-Unies, lors de la résolution de 2016. Ils ont rappelé à la France de faire attention au respect de la souveraineté du peuple de Polynésie sur ces richesses naturelles, terrestres, marines ou sous-marines.”

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 20 Septembre 2022 à 21:28 | Lu 2057 fois