Portraits de huit femmes remarquables


PAPEETE, le 7 mars 2018. Pour célébrer la journée internationale des Femmes, ce 8 mars, l’association Union des femmes francophones d’Océanie (Uffo) met en lumière huit femmes polynésiennes qui se distinguent dans leurs domaines d’activités. Ces femmes remarquables par leur personnalité et leur force d’engagement sont nos Poerava ou perles précieuses. Ces femmes seront mises à l'honneur le 23 mars lors de la 5e édition de La Journée « Vahine Tu as des talents » dans les Jardins de l’APF.



Hinano Murphy, au service de la langue ma'ohi

Hinano Murphy rêve de « développer plus d’espaces de création et de transmissions de savoirs et savoir-faire
De son vrai nom Teurumereariki Teavai-Garnier épouse Murphy, celle que nous connaissons sous le prénom de Hinano est née sur l’atoll de Vairaatea dans le Centre Est des Tuamotu. Elle doit à son arrière-grand-père paumotu : Hoga Emmanuel a Teavai, le prénom ancestral de Te-uru-mere-ariki (La reine de la Constellation d’Orion) auquel elle demeure attachée.

Au cours de sa vie professionnelle, Hinano a été professeure des écoles, conseillère pédagogique, conceptrice-présentatrice d’émissions scolaires bilingues de 1976 à 2005, avant d’occuper les fonctions de conseillère technique auprès du ministre de l’Education jusqu’en décembre 2007 puis celles de directrice-adjointe de la station de recherche Gump (Université de Berkeley) située à Moorea, où elle vit depuis son enfance.

Elle préside depuis sa création l’association culturelle Te Pû Ati Ti’a afin de sauvegarder la langue tahitienne et le patrimoine culturel ma'ohi. Il y a six ans, elle convainc le groupe Walt Disney de faire une version en tahitien du film d'animation Moana.

Après avoir réalisé un immense travail, Hinano et son équipe traductrice réalisent la première projection publique du dessin animé en tahitien en avril 2017, sur la place To'atā. Le succès est total. Des centaines d’autres projections dans les établissements scolaires, jusque dans les îles les plus éloignées, sont ensuite organisées.

Elle trouve sa principale motivation dans l’héritage culturel inestimable légué par « nos ancêtres et nos dieux ». Consciente de la vulnérabilité de ce patrimoine, elle s’est investie à fond dans la préservation de « son authenticité et de sa bonne transmission aux générations futures ».

Une femme engagée
Son engagement est né après avoir vu trop souvent le désarroi dans les familles polynésiennes, contraintes « d’évoluer dans les méandres d'une société bien encadrée par des politiques encore coloniales où tout est encore calqué sur les structures et sur un système métropolitain ».

Elle puise sa force dans sa passion pour la langue et la culture ma’ohi, son amour pour les jeunes, son enthousiasme « à partager et tendre la main quand il le faut », « sa capacité d'écoute, à mobiliser et fédérer les personnes, à reconnaitre ses torts, à pardonner et à se relever ». Hinano est une femme déterminée « à aller jusqu'au bout de tout projet ».

Une de ses plus grandes difficultés est de parvenir à « débloquer certains jeunes de leur complexe d'infériorité, lié en grande partie à l'insignifiance culturelle à laquelle ils se sont trouvés réduits ».

Elle rêve de « développer plus d’espaces de création et de transmissions de savoirs et savoir-faire pour favoriser les liens intergénérationnels dans notre langue avant tout » ; de « mobiliser encore plus de familles sur l'importance de valoriser nos connaissances traditionnelles, nos savoir-faire sans pour autant nous refermer sur nous-même ».

Son message pour l’avenir est cette phrase de son père spirituel Papa Mape : « Eiaha e horo noa mai ta te tupa, e nee ra mai ta te u'a ! » : « Ne cours pas de manière désordonnée comme le crabe de terre mais rampe comme le bernard-l’hermite ! »

Marie-Thérèse Taero, une vie au service des autres

Marie-Thérèse, appelée aussi Maité, a consacré l’essentiel de sa carrière professionnelle à l’enfance et à la jeunesse fragilisée. Elle est surtout connue du public parce qu’elle a été pendant 20 ans, la première et l’unique « administrateur ad-hoc »1 polynésienne.

Sa formation et ses premières expériences professionnelles l’ont préparée à ces fonctions délicates : un diplôme de Jardinière d’enfants (quel titre poétique !) en poche elle a travaillé à la crèche de Pirae comme puéricultrice, puis elle fut éducatrice au centre d’accueil Raimanutea ; elle s’est aussi engagée comme animatrice de centres de vacances.
Par la suite, Maité a exercé au service des affaires sociales sur un poste de terrain auprès des familles en difficultés, en même temps qu’elle reprenait ses études pour obtenir un Defa (Diplôme État relatif aux fonctions d'animation) de travailleur social. Son expérience lui a donné l’assurance et les compétences pour exercer avec force et autonomie les fonctions d’administrateur ad-hoc auprès du tribunal de Papeete.

Toujours à l'écoute
Elle s’est occupée, avec bienveillance mais aussi engagement, d’accompagner les mineurs, le plus souvent des mineures, victimes de violences et de maltraitance lors d’une procédure judiciaire parce que la famille était dans l’incapacité de le faire, défaillante ou à l’origine de l’agression.
« Accompagner, assister et soutenir des enfants en grande souffrance est la plus belle des professions. 33 ans à les écouter, les comprendre et répondre à leurs besoins a été un engagement personnel », dit-elle.
Son rayonnement s’est étendu au-delà puisqu’elle est conseillère municipale de la ville de Arue, aujourd’hui en charge des affaires sociales et des personnes âgées. On le sait moins, Maité est aussi engagée dans le secourisme depuis plus de 30 ans et possède une qualification de technicienne en catastrophe.

Marie-Thérèse Taero a reçu la Légion d’honneur et la médaille de Tahiti Nui. Elle est aujourd’hui mère et grand-mère comblée, mais la vie ne lui a pourtant pas fait que des cadeaux. Pourtant elle est toujours allées de l’avant et se montre toujours sérieuse, souriante, attentive aux autres et positive.

1
L’administrateur ad-hoc est désigné par un juge lorsqu'il y a un conflit d'intérêts entre un mineur et ses représentants légaux ou dans une procédure pénale lorsque ceux qui ont l'autorité parentale ne remplissent pas correctement leur rôle.

Nathalie Convert met en valeur les produits locaux

Nathalie Convert a trouvé sa voie après avoir vécu des expériences professionnelles qui l’ont préparé à s’investir dans la filière agricole. Responsable administrative dans la commune de Taputapuatea, formatrice au Centre de formation professionnelle des adultes (CFPA), elle a, entre autres, cherché à soutenir des projets d’insertion professionnelle d’enfants d’agriculteurs.

Nathalie n’est pas agricultrice, mais constatant l’absence d’organisation de la filière, les pertes de récoltes de fruits et de tubercules, elle se positionne en aval pour développer la commercialisation et la transformation des produits du fenua. Installée à Raiatea, elle a créé, dans un atelier-relais du Service du développement rural (SDR), une entreprise, la Compagnie Agricole Polynésienne (CAP), qui achète leurs produits aux agriculteurs, les transforme en fruits séchés, en farines…. Sa société fournit les entreprises, les cantines qui, ainsi, servent à leurs clients et aux enfants des produits polynésiens et naturels. Elle emploie quatre salariés, anciens élèves du CFPA.

Très vite son entreprise acquiert de la notoriété. Nathalie gagne un concours d’initiatives pour la transformation de produits agroalimentaires locaux.
Nathalie Convert est une cheffe de famille monoparentale qui veut réussir pour ses deux enfants. Elle souhaite aussi apporter sa pierre au développement du fenua : réduire le gaspillage, protéger l’environnement, contribuer à lutter contre l’obésité en offrant des produits sains en remplacement des produits importés. "La consommation locale doit être fun et moderne », souligne-t-elle.

Une femme volontaire et créative
Elle met au point de nouvelles recettes, des produits originaux jusqu’au packaging, et cherche de nouveaux créneaux comme l’approvisionnement des cantines. Quoiqu’il arrive elle reste optimiste ! Nathalie a reçu le soutien du SDR de Raiatea et du ministère de l’Agriculture pour l’utilisation des machines et le soutien technique. Par contre elle ne veut pas s’endetter et travaille sur fonds propres en dehors du prix de 1.5 millions de Fcfp gagné grâce au concours.
Etre une femme lui « a paru être favorable car une femme n’était pas attendue dans ce secteur » ; elle apporte de la douceur : le sourire permet de négocier et de convaincre.

Ses souhaits sont simples : « avoir des chambres froides sur les quais et un camion nacelle pour cueillir plus facilement les fruits ». Si les agriculteurs étaient mieux équipés professionnellement, ils pourraient vendre plus de produits et mieux gagner leur vie ; les consommateurs mangeraient plus sain, local, pour moins polluer. Son ambition de structurer la filière en comblant un vide entre agriculteurs et consommateurs témoigne de son engagement à moderniser le parent pauvre de notre économie. Elle constate avec regrets l’absence de coopératives ou de centrales d’achats qui ne permettent pas de regrouper les productions des agriculteurs.
Nathalie Convert travaille pour une agriculture polynésienne moderne.


Sarah Roopinia a donné des couleurs à Papeete

Grâce à Sarah Roopinia des œuvres d’art recouvrent désormais les anciens murs gris de Papeete. La fraicheur et les dessins parfois mystérieux de ces œuvres, attirent le regard des passants. Elle a familiarisé notre univers quotidien avec le Street art, et par la même occasion, a connecté la Polynésie à la scène mondiale de l’art urbain. En créant le festival Ono’u, elle a montré ce qu’une jeune femme polynésienne pouvait réaliser à 24 ans.

Au cours de ses études et de sa jeune carrière, orientées vers les sciences politiques et les relations internationales, Sarah a séjourné dans plusieurs pays et découvert le hip-hop, la break dance et l’art urbain. Trois villes, Paris, New York et Berlin ont eu une influence sur sa vie et son imagination. Lui est alors venu le sentiment que la force culturelle de la Polynésie était méconnue à l’international. Et la volonté d’avoir un impact positif sur le développement touristique, culturel et économique du Pays.

Un projet innovant
Elle a réfléchi pendant deux ans à son projet si innovant : « Ono’u ou la rencontre des couleurs ». Les Polynésiens ont été étonnés puis fiers de voir Papeete, puis Uturoa modernisées par le talent d’artistes de renommée internationale qui ont également stimulé les artistes locaux du Street art. Mais les éditions du festival Ono’u ont aussi eu un retentissement international. Elle a également ouvert un musée du Street art à Papeete à caractère pédagogique et touristique.

Sarah a prouvé que la jeunesse, la volonté et la compétence en se mariant, faisaient une belle alliance. Mais la prouesse de Sarah et de son équipe a été de trouver des appuis de décideurs et de financiers. De grandes entreprises polynésiennes lui ont fait confiance, tout comme le ministère du Tourisme, la ville de Papeete et son conseil municipal.
Si elle doit beaucoup dit-elle « à Jean, son co-pilote dans cette superbe aventure, à sa famille extraordinaire et au noyau d’amis proches qui l’ont soutenue et aidée pour concrétiser ce projet », sa ténacité et sa détermination y sont aussi pour beaucoup. La formation qu’elle a suivie dans de grandes écoles la rassure malgré des moments de doute.
Avec le recul, Sarah estime que « la première année, être jeune et être une femme ont été des handicaps ». Elle a eu l’impression qu’on aurait accordé plus de crédit à quelqu’un d’expérience et notamment à un homme. Il était difficile de bousculer l’ordre établi, de proposer un produit si nouveau sans soulever des critiques. « Heureusement le regard a changé après le succès local et international du premier festival", conclut-elle.

Pour l’avenir sa préoccupation est de parvenir à sécuriser le budget annuel du festival et pérenniser l’impact positif de ses actions artistiques et culturelles sur la population. Elle veut surprendre et innover et nous annonce cinquième édition cette année pleine de surprises.


Titaua Peu, une plume engagée

Titaua Peu naît en Nouvelle-Calédonie où sa famille s’est établie au moment du boom du nickel. Alors qu’elle est âgée de 2 ans, sa famille décide de rentrer définitivement au fenua, et s’installe à Papeete, quartier de la Mission.
Elle effectue sa scolarité à l’école des sœurs de la Mission, puis au collège La Mennais et enfin au Lycée Paul-Gauguin où elle obtient en 1994, son Bac A, l’équivalent aujourd’hui du bac littéraire. Après des études supérieures à Paris, elle revient en 2002 à Tahiti et travaille un temps dans le journalisme et la communication. Elle est actuellement agent de la commune de Faa’a.

Son premier roman « Mutismes » est publié en 2003 par la maison d’édition « Haere Po ». Alors âgée de 28 ans, elle devient la plus jeune auteure du Pacifique. « Mutismes », c’est d’abord « le manque de paroles dans les familles tahitiennes, responsable de frustrations et de conflits ». Mais c’est également « le mutisme que le Polynésien ignore, c'est-à-dire les conditions historiques dans lesquelles il est devenu français ». Les non-dits durant son enfance, son adolescence puis durant sa vie de femme sont des événements douloureux pour l’écrivaine.
13 ans plus tard, en 2016, elle publie son deuxième ouvrage « Pina », aux éditions Au vent des îles. Dans cet ouvrage, elle dénonce les violences intrafamiliales les plus sordides, mais aussi les violences sociales, politiques d’une société figée, à travers l’histoire « d’une famille, déracinée, déchirée et meurtrie ».
Le jeudi 30 novembre 2017, « Pina » a remporté à Paris le prix du meilleur roman populiste, le prix Eugène Dabit.

Force de caractère
Ce qui motive Titaua à s’engager et agir, c’est l’injustice sociale. Elle ne peut concevoir son engagement d’artiste-écrivain sans un engagement en faveur d’une société équitable et libre… Justice qui pour elle inclut aussi le droit, pour un peuple, à être souverain chez lui.

Curiosité et entêtement font sa force de caractère. Elle a très tôt épousé les combats de nombreuses figures féminines et féministes - mais pas exclusivement - telles Angela Davis, Rosa Park, les auteures Toni Morisson, Chantal Spitz ou Hannah Arendt… Cependant elle avoue puiser encore son inspiration et sa détermination dans le parcours et la vie de sa propre mère.

Les plus grands obstacles qu’elle ait rencontrés et rencontre encore dans son propre pays, c’est d’abord « l’auto ségrégation », une certaine « mésestime » de nous-mêmes qui nous fait penser : « Plus tu es « noir (Kaina), moins tu mérites la réussite… ». Elle estime que : « Etre une femme, sans nom, sans origine sociale a été à la fois un obstacle et… un moteur », pour elle.

Son rêve ? Pouvoir se consacrer exclusivement à l’écriture car elle a encore beaucoup à dévoiler de son pays…
En message pour l’avenir qui donne du sens à son action, Titaua clame haut et fort de « Ne jamais laisser les autres te définir, t’enfermer… ».

Van-Mai Cao-Lormeau, une scientifique reconnue

Après avoir obtenu en 2006 un doctorat en Sciences à l’Université de Polynésie française, Mai Cao-Lormeau entre à l’Institut Louis Malardé (ILM) où elle dirige le laboratoire de recherche en virologie médicale. Elle a conçu, réalisé et coordonné de nombreux programmes d’études centrées sur les maladies transmises par les moustiques : d’abord la dengue, puis d’autres arboviroses comme le Zika ou le Chikungunya.

Ses travaux sur le Zika
C’est à l’occasion de la grande épidémie de Zika en 2013-2014 en Polynésie française que s’est affirmée la reconnaissance scientifique internationale des travaux coordonnés par Mai Cao-Lormeau et que le grand public a découvert la qualité des travaux accomplis. En 2013, alors qu’il n’y avait eu qu’une épidémie connue du Zika dans l’île de Yap en Micronésie, le laboratoire de l’ILM avait déjà anticipé les risques d’arrivée de telles épidémies en mettant en place les outils scientifiques permettant de confirmer rapidement la circulation du virus, ainsi qu’une étude de séroprévalence pour connaître l’état immunitaire des Polynésiens vis-à-vis du Zika et d’autres virus à risque épidémique. Ces travaux ont ainsi permis une réaction rapide des autorités de santé pour faire face à l’épidémie fulgurante. Mai a également publié, en partenariat avec ses collaborateurs et son équipe le premier article sur le syndrome de Guillain-Barré, comme complication grave du Zika (42 cas ont été traités au CHPF).

Depuis 2017, Mai Cao-Lormeau a obtenu l’Habilitation à diriger des recherches. Elle insiste sur le partenariat développé avec les pays insulaires océaniens, placés devant les mêmes risques de santé publique, mais n’ayant pas toujours les moyens scientifiques polynésiens. Pour Mai, « la santé est un moyen positif de s’ouvrir à la région, de se rapprocher et de faire rayonner la Polynésie dans le Pacifique. »

Très tôt, elle a accepté le défi d’assurer la direction de l’unité de virologie médicale parce que les anciens étaient partis. La qualité des travaux et des programmes qu’elle a coordonnés lui a permis d’obtenir les financements nécessaires pour ses projets de recherche. Mais trouver de l’argent pour faire avancer la recherche (même en santé publique) reste un défi permanent.

Ses 11 ans de travaux et de carrière ne se sont pas déroulés sans difficultés: il lui a fallu dit-elle de la détermination, de la passion et de la patience. « Se battre pour défendre certains choix de recherche ». La crédibilité scientifique a été plus longue à obtenir en interne qu’à l’extérieur. « Nul n’est prophète en son pays ». Le milieu scientifique de la santé, français et polynésien, est plutôt un monde d’hommes, en particulier lorsqu’il s’agit de postes à responsabilité : être jeune et être une femme n’a pas vraiment facilité les choses. Mais cela change" dit-elle.

Selon Mai Cao-Lormeau « On réussit ce pour quoi on est passionné. Il faut savoir saisir les opportunités et accepter de surmonter les difficultés ». Dans le monde de la recherche, comme dans la vie de tous les jours, les femmes ont généralement plus conscience que leurs choix vont avoir un impact sur la vie courante de l’équipe, de la communauté et de la collectivité.



Nathalie, Naomi Paeau-Cuneo, as de la permaculture

Nathalie appelée aussi Naomi est une femme au parcours étonnant : mère de neuf enfants, elle leur a fait la classe à la maison, puis elle a repris des études à 47 ans, alors que son parcours scolaire s’était arrêté à 17 ans sans diplôme. Encouragée par ses enfants, elle a passé son bac, réussi une licence de français puis un master de lettres. Elle a enseigné un temps le français avant de bifurquer complètement vers la permaculture et un autre style de vie, une autre façon de concevoir la vie.

Elle dit simplement que « ses études lui ont été utiles pour apprendre à utiliser l’ordinateur, à mieux rédiger - car elle aime écrire - et suivre sur le net les cours de permaculture car tout était en anglais ».

Entre écologie et tradition
La permaculture est un système de création basé sur trois principes éthiques: prendre soin des hommes, prendre soin de la terre et partager équitablement les ressources. Elle puise ses pratiques dans les savoir-faire traditionnels et modernes. C'est un système qui rend la terre indéfiniment fertile et prend en considération la biodiversité des écosystèmes. C'est aussi un système qui transforme les difficultés en opportunités et les déchets en ressources. « La permaculture s'applique à toutes les surfaces aussi bien à 2m2 qu'à 35 000km2 ». Dans sa ferme permacole de Tipapa à Arue, la famille de Naomi vit des produits des 500m2 cultivés, partage les surplus et en transforme une grande partie.
Pour Naomi, la permaculture appliquée à son habitat et à sa vie vient du vécu de son enfance à Rurutu près de zon grand-père. Il était autonome et pratiquait un système qui n’avait alors pas de nom, mais en réalité dit-elle « notre vie familiale vivait de la permaculture ». C’est le souvenir de cette vie qui m’a poussée à faire de même». Ses ancêtres se préoccupaient des autres et elle a été imprégnée de cela.

Une femme de convictions
Sa foi chrétienne lui a servi de force et de moteur. Beaucoup de personnes ont impacté sa vie parmi lesquelles, Mère Thérésa, Joyce Meyer et Pouvana'a aussi pour son combat.

Naomi se préoccupe de la jeune génération et face aux multinationales et à l’alimentation industrielle, sa réponse positive contre la mauvaise santé et la pauvreté est la permaculture qui consiste à travailler en partenariat avec la nature. « La solution est entre nos mains », souligne-t-elle.

Si la vie est faite de difficultés, « chaque difficulté trouve une solution et te conduit vers le progrès ». Autrefois notre jardin était notre garde-manger alors qu’aujourd’hui beaucoup de terres sont abandonnées, des jardins ne sont pas cultivés. Pourtant « aussi petit que soit ton jardin tu peux produire à manger » C’est juste une question de bon sens et d’aménagement.

Naomi rêve de voir toute la Polynésie en système de permaculture pour être son propre grenier car elle a tous les atouts pour cela. « Nos parents savaient suivre les saisons, planter en fonction du temps, comme les signes du ciel pour les navigateurs, nos ancêtres étaient des érudits, ils connaissaient la nature, c’est à cela que nous devons revenir : apprendre à connaître la nature, pour en tirer profit et l’utiliser avec reconnaissance et respect».

Kehaulani Chanquy, un leadership incontestable

Lorsque Kehaulani parle de ce qu’elle fait, de ce qu’elle pense, elle révèle une personnalité passionnée et forte. On ne s’étonne pas alors qu’elle soit devenue si jeune chef du groupe de danse Hitireva avec qui elle a gagné le grand prix du Heiva dans la catégorie amateur en 2009 et connu la consécration avec le 1er prix en catégorie professionnelle en 2016.

Mais ce qui fait de Kehaulani une femme rayonnante ce n’est pas seulement son expertise de la danse et de la chorégraphie du 'ori Tahiti. C’est ce qu’elle a en plus.

Le 'ori tahiti, elle est tombée dedans parce que sa mère était danseuse. Toute petite, elle a aussi fréquenté le conservatoire. Elle ne pensait pas en faire son métier, mais son chemin, d’étape en étape l’y a conduite. « En débordant les plans, j’ai en fait trouvé ma voie, moi qui pensais petite fille devenir institutrice ou hôtesse de l’air » !
Pour devenir une professionnelle reconnue au plus niveau, elle a pu s’appuyer sur des qualités humaines et des valeurs fortes. Elle a les qualités d’une femme leader, celle que les membres de son groupe veulent suivre. Ce qu’elle aime et la motive en plus de la passion de la danse, c’est la vie du groupe, les nouvelles personnes qu’elle rencontre à chaque étape, le contact humain et le partage. S’ajoute aussi l’enrichissement puisé dans la quête culturelle et l’esprit de compétition. « J’ai une envie interminable d’apprendre, J’ai l’impression d’être incomplète, aussi je continue à poursuivre mes aventures, j’apprends tout du pays qui me donne tellement de richesses. »

« Je puise ma force dans le soutien de ma famille, de mes amis, du public : sa présence lors des spectacles m’étonne et me donne plus de confiance ». Elle s’étonne sur ces personnes qui viennent vers elle pour danser. Kehaulani a aussi le goût de transmettre pour qu’après chacun vole de ses propres ailes et suive son chemin de création ; « si tout le monde avait la passion d’apprendre et de partager, beaucoup de choses ne seraient pas en sommeil, enfermées dans un livre ou dans un caveau ». « Il faut vivre avec son temps, mais avec les vraies valeurs ».
Les difficultés, elle en a connues. Mais Kehaulani a une force mentale qui la pousse à se dépasser, à ne pas baisser les bras quelles que soient les situations qu’elle rencontre. C’est le message qu’elle veut passer à la jeunesse : « croire en soi et ne pas hésiter ».

Croire en soi et ne pas hésiter
Etre femme n’a pas été un obstacle, ses deux maternités ne l’ont pas gênée. Trois jours après la naissance, elle est retournée danser. Aux filles trop jeunes pour avoir des bébés, pour rester à la maison et qui baissent la garde ou abandonnent tous leurs rêves, elle parle de ses propres expériences pour les inciter à se relever et à avoir confiance eu leurs capacités : ne pas baisser la tête devant les épreuves !

Son message pour l’avenir : « Nous avons une richesse, Te Ao Maohi Ato’a. Par rapport à d’autres pays où tout est bâti, ici nous avons sous chaque pierre une histoire, une culture incroyable et de cela nous pouvons vivre ». « Fouillons, creusons pour trouver nos richesses, en plus de l’accueil, de la danse, de l’artisanat, il y a bien d’autres ressources à mettre en valeur. »


L’Union des Femmes Francophones d’Océanie (UFFO) a pour but de promouvoir l’égalité effective des hommes et des femmes dans les pays et territoires francophones du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, Vanuatu, Polynésie Française) qui ont bien souvent des préoccupations communes.

Dans un océan très anglophone, les femmes francophones échangent plus facilement à l’occasion d’un atelier annuel qui se tient à tour de rôle dans chacun des pays : précarité et autonomie des femmes, santé des femmes, violences, femmes et leadership, femmes et changements climatiques. La préparation d’un atelier et l’application des recommandations conduit chaque association à mettre en place des actions dans son pays mais de façon autonome.

Parmi les actions régulières de l’UFFO-Polynésie, on peut citer La Journée « Vahine Tu as des talents » pour promouvoir l’autonomisation économique.
La 5e édition de tiendra le 23 mars 2018 dans les Jardins de l’APF

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le Mercredi 7 Mars 2018 à 11:59 | Lu 8398 fois