PAPEETE, le 30 septembre 2019 - Après un an d'enquête auprès de 116 personnes en errance à Papeete, l'association Te Torea dévoile ses premiers résultats. L'idée : il faut d'abord comprendre qui sont les sans domicile fixe polynésiens pour pouvoir les aider à sortir de la rue.
Qui sont les 300 personnes en errance vivant dans les rues de Papeete ? Pour le savoir, l'association Te Torea qui gère deux centres d'accueil des SDF à Papeete a mené une enquête de terrain pendant un an, d'octobre 2018 jusqu'à la semaine dernière. Les résultats préliminaires ont été dévoilés jeudi lors d'une conférence publique où l'ensemble des acteurs associatifs de l'aide aux sans-domiciles fixes étaient présents. Ils ont ainsi pu découvrir le profil type du SDF de Papeete (voir encadré) et les premières conclusions de l'enquête.
La directrice de Te Torea, Yasmina Taerea, explique que "pour certaines personnes, quand on essaye de comprendre leur parcours de vie, on se rend compte que la rue va être un refuge, à défaut d'avoir mieux : ' la rue je vais éviter les conflits à la maison'. Pour certaines personnes âgées 'je vais éviter de me faire rançonner mon moni ru'au'..." Mais elle note que si les SDF avaient un autre choix, beaucoup préféreraient ne pas être à rue car elle regorge de dangers : "On voit sur le terrain qu'une fois que la nuit tombe, tous les dangers sont possibles. Il y en a qui se font voler leurs affaires pendant qu'ils dorment, il y en a qui se font tabasser, d'autres qui sont agressés sexuellement... C'est pour ça aussi que beaucoup se regroupent, ou dorment le jour quand ils ont la garantie qu'il y a de la foule autour d'eux."
Après ces premiers résultats, l'analyse des données issues de l'enquête va se poursuivre : "Nous devons maintenant étudier le profil de ceux qui sont sortis de la rue pour trouver ce qui les a aidé. Nous savons par exemple que la plupart de ceux qui sont sortis de la rue l'ont fait pour récupérer leurs enfants qui avaient été confiés à la famille, ou même placés. Dans ce deuxième cas, ils nous disent qu'on a 'haru', donc volé, leurs enfants. On voit aussi que pour rentrer dans leurs familles il faut qu'ils reviennent avec des revenus, ou au moins qu'ils apportent à manger. Les CAE et les formations aidées par le SEFI ont beaucoup aidé dans ces cas-là."
"PERSONNE N'EST À L'ABRI DE LA RUE"
L'enquête valide aussi la façon de travailler des bénévoles, dans l'accompagnement plutôt que dans le paternalisme : "pour les associations, la priorité c'est d'aller à la rencontre des personnes en errance, démarrer avec un dialogue, écouter et comprendre pourquoi elles sont à la rue et quels sont leurs besoin. C'est après seulement que l'on peut travailler sur leurs priorités, et nous on les accompagne. Et si on peut les sécuriser dans un foyer, on le fait."
Un des autres enseignements de cette étude c'est qu'il faudrait mener une vraie enquête publique "sur la famille, la relation parent-enfant, les obligations au sein d'une famille, car il se révèle que presque toutes les personnes en errance ont un foyer où retourner. On se rend vraiment compte qu'en fait, personne n'est à l'abri de la rue."
C'était aussi l'occasion de discuter des priorités à venir pour l'association Te Torea. Pour Yasmina Taerea, "la priorité c'est le déplacement de notre centre de jour de Vaininiore vers notre nouveau local à Mamao. Il y a aussi le projet de sécuriser le centre d'hébergement d'urgence. Sinon pour l'aide aux sans-abris, il y a un besoin urgent d'un foyer pour les jeunes travailleurs."
Enfin, concernant le communiqué très engagé contre la politique du gouvernement publié jeudi par l'association Te Torea, la directrice note qu'il y a un "manque important de communication entre les structures publiques et les structures associatives qu'il faut résoudre au plus vite."
Qui sont les 300 personnes en errance vivant dans les rues de Papeete ? Pour le savoir, l'association Te Torea qui gère deux centres d'accueil des SDF à Papeete a mené une enquête de terrain pendant un an, d'octobre 2018 jusqu'à la semaine dernière. Les résultats préliminaires ont été dévoilés jeudi lors d'une conférence publique où l'ensemble des acteurs associatifs de l'aide aux sans-domiciles fixes étaient présents. Ils ont ainsi pu découvrir le profil type du SDF de Papeete (voir encadré) et les premières conclusions de l'enquête.
La directrice de Te Torea, Yasmina Taerea, explique que "pour certaines personnes, quand on essaye de comprendre leur parcours de vie, on se rend compte que la rue va être un refuge, à défaut d'avoir mieux : ' la rue je vais éviter les conflits à la maison'. Pour certaines personnes âgées 'je vais éviter de me faire rançonner mon moni ru'au'..." Mais elle note que si les SDF avaient un autre choix, beaucoup préféreraient ne pas être à rue car elle regorge de dangers : "On voit sur le terrain qu'une fois que la nuit tombe, tous les dangers sont possibles. Il y en a qui se font voler leurs affaires pendant qu'ils dorment, il y en a qui se font tabasser, d'autres qui sont agressés sexuellement... C'est pour ça aussi que beaucoup se regroupent, ou dorment le jour quand ils ont la garantie qu'il y a de la foule autour d'eux."
Après ces premiers résultats, l'analyse des données issues de l'enquête va se poursuivre : "Nous devons maintenant étudier le profil de ceux qui sont sortis de la rue pour trouver ce qui les a aidé. Nous savons par exemple que la plupart de ceux qui sont sortis de la rue l'ont fait pour récupérer leurs enfants qui avaient été confiés à la famille, ou même placés. Dans ce deuxième cas, ils nous disent qu'on a 'haru', donc volé, leurs enfants. On voit aussi que pour rentrer dans leurs familles il faut qu'ils reviennent avec des revenus, ou au moins qu'ils apportent à manger. Les CAE et les formations aidées par le SEFI ont beaucoup aidé dans ces cas-là."
"PERSONNE N'EST À L'ABRI DE LA RUE"
L'enquête valide aussi la façon de travailler des bénévoles, dans l'accompagnement plutôt que dans le paternalisme : "pour les associations, la priorité c'est d'aller à la rencontre des personnes en errance, démarrer avec un dialogue, écouter et comprendre pourquoi elles sont à la rue et quels sont leurs besoin. C'est après seulement que l'on peut travailler sur leurs priorités, et nous on les accompagne. Et si on peut les sécuriser dans un foyer, on le fait."
Un des autres enseignements de cette étude c'est qu'il faudrait mener une vraie enquête publique "sur la famille, la relation parent-enfant, les obligations au sein d'une famille, car il se révèle que presque toutes les personnes en errance ont un foyer où retourner. On se rend vraiment compte qu'en fait, personne n'est à l'abri de la rue."
C'était aussi l'occasion de discuter des priorités à venir pour l'association Te Torea. Pour Yasmina Taerea, "la priorité c'est le déplacement de notre centre de jour de Vaininiore vers notre nouveau local à Mamao. Il y a aussi le projet de sécuriser le centre d'hébergement d'urgence. Sinon pour l'aide aux sans-abris, il y a un besoin urgent d'un foyer pour les jeunes travailleurs."
Enfin, concernant le communiqué très engagé contre la politique du gouvernement publié jeudi par l'association Te Torea, la directrice note qu'il y a un "manque important de communication entre les structures publiques et les structures associatives qu'il faut résoudre au plus vite."
Le profil des SDF de Papeete
Le SDF typique
• est un adulte âgé de 30 à 46 ans
• est un homme (un tiers des SDF sont des femmes)
• a des enfants confiés à la famille ou placés par les services sociaux
• garde des contacts avec ses enfants (c'est ce qui le pousse à rentrer régulièrement chez lui)
• est né à Tahiti
• n'a pas de diplôme et est sans emploi déclaré (même si l'enquête a rencontré un bachelier, un titulaire d'une licence et un titulaire d'un master à la rue)
• travaille au noir en effectuant des petits boulots pour les particuliers (jardinage, etc.)
• est célibataire et issu d'une famille nombreuse
• a déjà eu des ennuis avec la justice (mais pas forcément au point d'aller en prison)
• une minorité est victime d'un handicap
Vivre à la rue conduit souvent à des problèmes de santé et à des problèmes d'addiction :
• 29 % des personnes en errance se disent dépendantes au tabac
• 65 % consomment du cannabis (certains revendent). Tous déclarent vouloir arrêter le paka.
• 65 % consomment de l'alcool
Plusieurs raisons conduisent des personnes à la rue :
• Fuir les conflits familiaux.
• Promiscuité, manque de ressources pour nourrir tout le monde, peur de se voir saisir ses maigres revenus : la majorité des personnes interrogées ont un foyer où retourner, mais préfèrent vivre dans la rue de façon indépendante.
• Des accidents de la vie. Parfois des jeunes travailleurs se retrouvent en errance car leurs revenus sont insuffisants pour se payer un loyer à Papeete. Exceptionnellement, des visiteurs venus de l'étranger ou de métropole se retrouvent à la rue après s'être fait dérober leurs papiers et leur argent, ou suite à une séparation (les associations les redirigent vers les ambassades ou le haut-commissariat après leur avoir trouvé un hébergement d'urgence).
• est un adulte âgé de 30 à 46 ans
• est un homme (un tiers des SDF sont des femmes)
• a des enfants confiés à la famille ou placés par les services sociaux
• garde des contacts avec ses enfants (c'est ce qui le pousse à rentrer régulièrement chez lui)
• est né à Tahiti
• n'a pas de diplôme et est sans emploi déclaré (même si l'enquête a rencontré un bachelier, un titulaire d'une licence et un titulaire d'un master à la rue)
• travaille au noir en effectuant des petits boulots pour les particuliers (jardinage, etc.)
• est célibataire et issu d'une famille nombreuse
• a déjà eu des ennuis avec la justice (mais pas forcément au point d'aller en prison)
• une minorité est victime d'un handicap
Vivre à la rue conduit souvent à des problèmes de santé et à des problèmes d'addiction :
• 29 % des personnes en errance se disent dépendantes au tabac
• 65 % consomment du cannabis (certains revendent). Tous déclarent vouloir arrêter le paka.
• 65 % consomment de l'alcool
Plusieurs raisons conduisent des personnes à la rue :
• Fuir les conflits familiaux.
• Promiscuité, manque de ressources pour nourrir tout le monde, peur de se voir saisir ses maigres revenus : la majorité des personnes interrogées ont un foyer où retourner, mais préfèrent vivre dans la rue de façon indépendante.
• Des accidents de la vie. Parfois des jeunes travailleurs se retrouvent en errance car leurs revenus sont insuffisants pour se payer un loyer à Papeete. Exceptionnellement, des visiteurs venus de l'étranger ou de métropole se retrouvent à la rue après s'être fait dérober leurs papiers et leur argent, ou suite à une séparation (les associations les redirigent vers les ambassades ou le haut-commissariat après leur avoir trouvé un hébergement d'urgence).
Une enquête qui a duré un an
L'enquête "Les condition de vie du public sans domicile fixe de l'agglomération de Papeete" a été menée du 1er octobre 2018 au 26 septembre 2019.
• 96 personnes en errance ont été interrogées par questionnaire
• 20 personnes supplémentaires ont été interrogées dans des entretiens directifs
• 98 dossiers de personnes sorties de la rue ont été étudiés.
• 96 personnes en errance ont été interrogées par questionnaire
• 20 personnes supplémentaires ont été interrogées dans des entretiens directifs
• 98 dossiers de personnes sorties de la rue ont été étudiés.
Les associations qui s'occupent des sans-abris
Quatre associations, réunies au sein du collectif Te Ta'i Vevo, gèrent cinq structures destinées à l'accueil des personnes en errance et divers programmes de solidarité.
L'association Te Torea gère :
• le centre de jour de Vaininiore (qui déménage à Mamao)
• le centre d'hébergement d'urgence de Tipaerui
L'association Ema'uta gère :
• Le bon Samaritain (foyer d'hébergement pour hommes)
• La Samaritaine (foyer d'hébergement pour femmes)
• Te Arata (foyer d'hébergement pour les familles)
L'association Te Vai'ete du père Christophe assure la distribution de petit-déjeuner et des programmes de réinsertion
L'Ordre de Malte assure la distribution de repas une fois par semaine et gère l'épicerie solidaire.
L'association Te Torea gère :
• le centre de jour de Vaininiore (qui déménage à Mamao)
• le centre d'hébergement d'urgence de Tipaerui
L'association Ema'uta gère :
• Le bon Samaritain (foyer d'hébergement pour hommes)
• La Samaritaine (foyer d'hébergement pour femmes)
• Te Arata (foyer d'hébergement pour les familles)
L'association Te Vai'ete du père Christophe assure la distribution de petit-déjeuner et des programmes de réinsertion
L'Ordre de Malte assure la distribution de repas une fois par semaine et gère l'épicerie solidaire.
Te Torea s'insurge contre Fritch
Dans un communiqué de presse diffusé jeudi, l'association Te Torea, qui gère le centre de jour et le centre d'hébergement d'urgence, réagit au discours d'ouverture de la session budgétaire du président Édouard Fritch. Il y révélait ainsi que le gouvernement allait "procéder à la reconstruction du centre de jour qui accueille actuellement les associations Te Vai’ete et Te Torea sur l’actuel terrain de Vaininiore, derrière la caserne des pompiers. Cette opération se doublera d’une résorption de l’habitat insalubre du quartier. Les esquisses confiées à TNAD ont été engagées", mais aussi que le Centre de jour "sera transféré dans un local situé sur le boulevard d’Alsace, derrière la librairie Archipels" et enfin que "le centre d’hébergement d’urgence de Tipaerui va, lui, être rafraichi et mis aux normes dans l’attente d’identifier une nouvelle assise foncière pour une nouvelle construction".
Ça pourrait ressembler à de bonnes nouvelles... Sauf que l'association n'était au courant de rien avant d'entendre ce discours et avait donc engagé ses propres plans : "l’association Te Torea vient de trouver un local qui convient (au centre de jour) et le déménagement est prévu, conformément aux discussions tenues avec La Direction des Solidarités, de la Famille et de l’égalité des chances (DSFE)." Elle avait aussi exprimé son opposition à reconstruction du centre de Vaininiore sur le même site, expliquant "qu'une cohabitation en un même lieu et dans un même bâtiment de personnes de la rue et de familles issues des quartiers prioritaires, était vouée à l’échec et ce, en raison des configurations du quartier Vaininiore, ses alentours et le profil des publics qui y ont élus domicile. Et c’est ce projet qui se poursuit !"
Enfin, si l'association est ravie de la remise aux normes de son centre d'accueil d'urgence, elle découvre que le gouvernement compte le déménager, sans demander son avis. Bref, trop de surprises en un seul discours : "L’association Te Torea, composée de bénévoles, s’interroge sur le bien fondé de ces actions. Le dialogue et le partenariat n’existe plus, il faudra en tirer les leçons."
Ça pourrait ressembler à de bonnes nouvelles... Sauf que l'association n'était au courant de rien avant d'entendre ce discours et avait donc engagé ses propres plans : "l’association Te Torea vient de trouver un local qui convient (au centre de jour) et le déménagement est prévu, conformément aux discussions tenues avec La Direction des Solidarités, de la Famille et de l’égalité des chances (DSFE)." Elle avait aussi exprimé son opposition à reconstruction du centre de Vaininiore sur le même site, expliquant "qu'une cohabitation en un même lieu et dans un même bâtiment de personnes de la rue et de familles issues des quartiers prioritaires, était vouée à l’échec et ce, en raison des configurations du quartier Vaininiore, ses alentours et le profil des publics qui y ont élus domicile. Et c’est ce projet qui se poursuit !"
Enfin, si l'association est ravie de la remise aux normes de son centre d'accueil d'urgence, elle découvre que le gouvernement compte le déménager, sans demander son avis. Bref, trop de surprises en un seul discours : "L’association Te Torea, composée de bénévoles, s’interroge sur le bien fondé de ces actions. Le dialogue et le partenariat n’existe plus, il faudra en tirer les leçons."