Portrait de futurs chefs de chantier polynésiens formés en alternance


Le professeur Ulrich Elring enseigne le génie civil à ces sept futurs chefs de chantier
PAPEETE, le 9 décembre 2015 - Pour ces sept élèves qui ont tous leur bac depuis longtemps, c'est une opportunité unique pour faire avancer leurs jeunes carrières : deux ans d'études en alternance, avec un petit salaire, pour obtenir un BTS qui leur ouvrira les postes de chef de chantier.

Nous vous annoncions en juin dernier l'ouverture de cette nouvelle formation de chef de chantier en alternance. Présentée comme l'une des rares formations post-bac en alternance de Polynésie, elle proposait une dizaine de places pour des élèves souhaitant devenir cadres dans l'industrie du BTP. La formation se divise entre 45 semaines au centre de formation et 70 semaines en entreprise, avec en prime pour les étudiants un salaire valant entre 30 et 60% du SMIG. Au final, un diplôme de niveau 3 dans la besace des élèves : un BTS de Conducteur de travaux en bâtiment et travaux publics. Et pour la Polynésie, de nouveaux professionnels qualifiés dans un secteur qui en manque encore.

Le BTS a commencé fin novembre, il durera deux ans. 7 élèves ont intégré le cursus, soit autant que d'entreprises disponibles pour les accueillir. Le programme inédit en Polynésie a nécessité de combiner les compétences du Grepfoc (Groupement des établissements de Polynésie pour la formation continue), du CNAM (Centre national des arts et métiers) et du SEFI (Service de l'emploi, de la formation et de l'insertion professionnelles). Il est hébergé au lycée de Taaone.

SEPT ÉLÈVES TRÈS MOTIVÉS

Ulrich Ebring, leur professeur de génie civil, attrapé en plein atelier de topographie, nous explique que ce BTS de Conducteur de travaux leur donnera des compétences très variées : "ils vont apprendre toutes les tâches auxquelles ils vont être confrontés ultérieurement. Ils sont amenés à être des conducteurs de travaux ou des chefs de chantier, donc il faut qu'ils maitrisent tous les aspects du bâtiment. Par exemple il faut qu'ils puissent comprendre ce que fait le géomètre et éventuellement qu'ils puissent implanter à leur tour. Ils ne seront pas géomètres, mais pourront mettre les axes d'un bâtiment par exemple, pour retranscrire les plans sur le terrain. On va leur apprendre les différents termes techniques, mais pas la plomberie par exemple. L'objectif c'est d'en faire des managers. Ils doivent connaitre les différents corps de métier, lire les cahiers de clauses techniques particulières, où sont regroupés toutes les informations techniques sur la construction… Ils vont intervenir à différentes étapes. Ils vont répondre à l'appel d'offre, suivre le chantier…"

Un programme très chargé, mais le professeur est confiant dans les capacités de ses élèves : "globalement ça va, ils ont un bon niveau. Ils sont surtout très volontaires. On a sept élèves, trois filles et quatre garçons, en moyenne 25 ans. Ils ont déjà bourlingué un peu et arrivent motivés. Certains ont un bac pro dans le bâtiment, d'autre des licences universitaires… En post-bac ça aurait été compliqué, mais avec leur maturité ils arrivent à prendre du recul et à s'adapter facilement. Du coup en prenant l'exemple de la topo, les filles qui ont fait un bac ST Génie civil ont un peu d'avance sur les autres, mais dans d'autres domaines elles se feront rattraper. Ca va créer une émulation positive !"


Manuata (prénom d'emprunt)
"C'est la formation en alternance qui m'a séduite, avoir un salaire et être en entreprise. Et j'ai travaillé comme dessinatrice dans un cabinet de géomètre, donc dans le bâtiment déjà. Ce qui m'intéresserait à faire après ce BTS c'est vraiment de devenir conducteur de travaux, gérer des chantiers et des équipes. J'aime être à l'extérieur, sur le terrain. Sortir du bureau, rencontrer énormément d'intervenants extérieurs… Et c'est polyvalent, on est obligé de tout savoir, c'est tout ça qui me plait. Là je suis dans une entreprise de travaux publics, on fait des routes Elle pourrait me proposer un contrat à la fin du diplôme."


Taemana Pothier, 26 ans
"J'ai entendu parler de la formation par la presse. Avant, je faisais de petits travaux dans le bâtiment, maçon, manœuvre, électricité. Ce monde me plaisait, donc j'ai voulu faire cette formation pour la continuité de mon diplôme. J'ai un bac professionnel en bâtiment, et je voulais changer de catégorie, progresser dans ma carrière et pouvoir devenir entrepreneur. Pour avoir la formation j'ai fait toutes les démarches : une réunion d'information au SEFI, puis des tests écrits et oraux et chercher une entreprise pour valider le stage. On fait un mois en formation et un mois en entreprise, à peu près. Là je suis pris à la STEP à la Punaruu, dans les travaux publics, surtout de la rénovation. La STEP est justement en train de rénover des salles du Taaone. Là on touche 40% du SMIG, et ça aide beaucoup. Sans ça je n'aurais pas pu me permettre de faire cette formation."


Tunui Le Caill, 23 ans
"J'ai fait quatre ans d'études en France, d'abord à Beauvais pour un DUT Gestion des entreprises, et ensuite j'ai fait une licence Math finance éco puis une licence Math éco gestion à Anger. Mais après, comme j'ai pour projet de reprendre l'entreprise familiale, PolyGoudronnage, dans laquelle je fais mon stage, j'ai voulu faire cette formation. Mon père a créé la société et veut que je la reprenne, pour ça il faut que je devienne expert dans le bâtiment aussi. Après la formation, j'espère devenir chef de chantier dans l'entreprise, et un jour, la reprendre."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 9 Décembre 2015 à 18:02 | Lu 2249 fois