Pollution perlicole, comment les populations l'appréhendent ?


ENVIRONNEMENT, le 27 mai 2020 –Si quelques études relatives à la pollution des lagons ont déjà été menées en Polynésie française, aucune n'a été faite à travers le prisme des sciences sociales.

Cet "oubli" va   tenter d'être réparé par le biais d'une étude commandée par le Pays, qui doit s'achever en décembre, dont la finalité sera de sensibiliser pour diminuer la pollution en macro-déchets dans les lagons coralliens. La qualité des eaux de nos lagons s'est grandement altérée au cours de ces dernières années. En janvier dernier, nous parlions de l''Ifremer qui étudie depuis 2016 l'impact de la pollution aux microplastiques sur les huîtres perlières des Tuamotu avec le projet MICROLAG. Les premiers résultats étaient très inquiétants : les lagons perlicoles des Tuamotu sont très touchés par cette nouvelle forme de pollution qui semble avoir un impact inquiétant sur nos huîtres. La pollution a un impact sur la filière perlicole qui n'est pas exempte de tout reproche dans l'utilisation de plastiques. Une convention (n° 2233 VP/DRM), publiée au Journal officiel en date du21 avril 2020, vient d'être passée entre le Pays et l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), agissant pour le compte du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (CRIOBE) et la Direction des ressources marines au titre du projet “Perception sociale autour de la notion de pollution et des déchets perlicoles aux Tuamotu(notamment Ahe, Takapoto et Takaroa) depuis le déclin du secteur de la perle.aux Tuamotu”. Pour ce faire, un travail anthropologique sera engagé sur la crise sociale que connaît la population des atolls producteurs de perles

Préambule de la convention
"Il est aujourd’hui avéré que la perliculture contribue à la pollution des lagons polynésiens du fait de l’utilisation intensive de plastiques. Les macro et microplastiques perlicoles génèrent une pression environnementale énorme qui s’exerce sur les cheptels aquacoles ainsi qu’à l’ensemble de l’écosystème corallien. De nombreux projets de recherche ont déjà été engagés en Polynésie française afin, d’une part, d’étudier l’effet des déchets perlicoles sur les huitres perlières et, d’autre part, de réfléchir à des actions concertées avec les perliculteurs pour réduire et gérer ces déchets. Cependant, aucune étude n’a encore abordé la problématique de la pollution des plastiques perlicoles à travers le prisme des sciences sociales et notamment celui de l’anthropologie. Une telle approche permettrait pourtant de conduire une ethnographie à la fois sur l’activité perlicole, mais aussi sur les perceptions locales autour des notions de pollution et de déchets. À terme, les données collectées permettraient de proposer des pistes de réflexion pour diminuer la pollution en macro-déchets dans les lagons coralliens et d’apporter une évaluation sur la pertinence d’une charte de bonne pratique élaborée par la DRM. L’aspect social est essentiel dans toute mesure de gestion, que cela soit la création d’une réserve marine ou la gestion des déchets perlicoles. La mise en place d’une charte de bonne pratique dans l’industrie de la perliculture est une priorité du Pays et de la DRM. Une telle charte influencerait de nouvelles habitudes de la part des perliculteurs et participerait donc à réduire la pollution de nos lagons. Cependant, la mise en place d’une telle charte implique au préalable une enquête ethnographique et un travail concerté avec les perliculteurs sur les mesures et les actions qu’ils seraient prêts à engager pour réduire/limiter leur production en déchets plastiques. Dans le cadre d’un projet financé par le CNRS en 2019 (partenariat Criobe, Ifremeret DRM), un bref travail ethnographique a déjà été conduit à Ahe dans la perspective de déterminer les pistes d’investigation à engager ou à poursuivre afin de mettre au jour les différentes perceptions locales relatives à la pollution générée par l’activité perlicole et de dresser des pistes concertées de modifications des pratiques dans le cadre de la filière perlicole. À l’issue de ces entretiens réalisés en août 2019, il s’avère que, spontanément, aucune des personnes interrogées n’a employé le terme de « pollution »pour qualifier l’état du lagon ou la situation environnementale de l’atoll. Bien au contraire, la majorité considère que Ahe est un lieu exempt de pollution, «où l’on est jamais malade» par opposition à Tahiti et à «son air irrespirable». Néanmoins, les perliculteurs rencontrés ont tous mentionné la quantité importante de déchets que génère leur activité. Afin d’avancer des éléments de réponses pertinents sur la mise en place d’une charte de bonnes pratiques, il s’avère essentiel de poursuivre l’enquête ethnographique sur le temps long, à travers trois axes de recherche distincts s’inscrivant notamment dans le champ des risques et des catastrophes mais aussi en anthropologie de l’environnement. Le travail de terrain sera mené par un étudiant inscrit dans un cycle de formation en anthropologie, pour une période de six mois, sur trois atolls présentant des similitudes socioéconomiques, c’est-à-dire ayant connu le même boom économique entre les années 1970 et 2000 et la même baisse de productivité depuis les années 201O à aujourd’hui, ainsi que des dissemblances écologiques, c’est-à-dire entre un atoll où le recrutement de naissains est encore possible (Ahe)et un autre où l’état du lagon ne le permet plus (Takaroa) et un dernier où l’activité de collectage a repris de façon très intense mais avec un risque important de surcharge du lagon(Takapoto)."

Rédigé par TM le Jeudi 28 Mai 2020 à 12:14 | Lu 2033 fois