Politique familiale en Polynésie : les Maisons de l’enfance vont ouvrir


Daniel Dumont, directeur de Fare Tama Hau ; Manolita Ly, ministre de la famille et de la solidarité et Véronique Saint-Blancat, médecin référent du Fare Tama Hau en conférence de presse ce mardi 13 mai.
PAPEETE, le 13 mai 2014. Ce jeudi –le 15 mai-, la ministre de la famille et de la solidarité Manolita Ly inaugurera la Maison de l’enfance de Faa’a à Puurai. D’ici fin 2015, les quatre autres structures du même type déjà construites, mais vides jusqu’à présent, suivront le même chemin. La politique de prévention en direction de la petite enfance s’inscrit dans la proximité. Depuis 2009, les cinq Maisons de l’enfance du territoire (à Faa’a, Punaauia, Taravao, Uturoa, Taiohae) attendent de servir à quelque chose. Construites grâce à un partenariat entre le Pays et l’Etat et une enveloppe partagée de 710 millions de francs, leur gestion avait été ensuite transmise aux communes concernées qui n’ont jamais eu les financements nécessaires pour faire fonctionner ces structures.

Depuis lors, ces Maisons de l’enfance sont des bâtiments vides d’âme et d’utilité. Elles devraient enfin sortir de leur torpeur, même si l’élaboration de la politique en faveur de la petite enfance n’est pas encore totalement aboutie. Ce 15 mai, Manolita Ly inaugura surtout la Maison de l’enfance de Faa’a, afin de faire coïncider cette ouverture avec la Journée mondiale des familles décrétée par l’ONU il y a 21 ans. Car dans les faits, la Maison de l’enfance de Faa’a sera loin de fonctionner à plein régime après cette inauguration. Il est encore nécessaire de recruter du personnel et de discuter avec la commune des réels besoins à satisfaire dans la structure en matière d’éveil pour les jeunes enfants, d’espace de médiation et d’accompagnement à la parentalité ou de création de classes passerelles entre la maison et l’école. «C’est d’abord le lieu d’accueil parent/enfants qui ouvre» détaille Véronique Saint-Blancat, médecin référent du Fare Tama Hau, à qui la gestion des Maisons de l’enfance a été confiée depuis décembre 2013. Les intentions pour faire vivre ces structures sont nombreuses, mais il s’agit pour l’instant «d’un catalogue dans lequel on piochera avec la commune» poursuit-elle.

L’inauguration de la Maison de l’enfance de Faa’a est donc un premier pas et un embryon d’une politique familiale plus large que la ministre veut mener. Celle de Punaauia ouvrira fin septembre, à Taravao fin novembre et dans le courant de l’année 2015, celles de Taiohae (Nuku Hiva) puis Uturoa (Raiatea). Ayant pris conscience qu’en 2013, 40% des faits de violence commis sur le territoire l’ont été au sein des cellules familiales, Manolita Ly lance une croisade contre la déliquescence de «ce socle de société polynésienne» alors que la multiplication des familles monoparentales, la dénucléarisation de la famille gagne du terrain. Elle insiste, «le seuil de tolérance est largement atteint pour ces familles acculées à la faillite mentale». Pour faire front, «le ministère va initier une politique d’accompagnement des familles pour une plus grande cohésion sociale» poursuit Manolita Ly : le programme Take Care vient d’émerger au sein duquel l’ouverture des Maisons de l’enfance n’est qu’un des aspects. «Il faut redonner un sens au lien constructeur des familles» s’emballe encore la ministre pour «développer le lien d’Amour».


Des centaines d’enfants sacrifiés

Pour Daniel Dumont, directeur du Fare Tama Hau et gestionnaire, depuis décembre 2013, des cinq Maisons de l’enfance qui vont ouvrir progressivement leurs portes jusqu’à la fin de l’année 2015, en matière de politique de la petite enfance «il y a eu un blanc durant plusieurs années». Il fait ainsi référence aux quatre à cinq ans perdus depuis la construction de ces structures et leur utilisation retardée.

Il insiste sur la nécessité absolue de ces Maisons de l’enfance qui vont permettre de développer en Polynésie, la prévention primaire, s’adressant aux enfants de 0 à 5 ans. Il évoque ces troubles du comportement qui vont causer des difficultés d’insertion scolaire et sociale et qui ont toutes une cause commune des «carences familiales».

Or, faute de structures adaptées sur le territoire, la carence de politique de la petite enfance a pu provoquer aussi des réponses inadaptées. Ainsi, plusieurs dizaines d’enfants polynésiens souffrant de dysharmonie évolutive ont été tout simplement dirigées vers les Instituts médico-éduactifs (IME), en compagnie d’enfants souffrant de handicaps psychiques ou moteurs, alors qu’ils n’avaient rien à y faire. «Des dizaines, des centaines d’enfants y sont allés. Et actuellement encore, la moitié au moins des effectifs des IME sont probablement des enfants souffrant de dysharmonie évolutive» précisait encore Daniel Dumont.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 13 Mai 2014 à 16:57 | Lu 1666 fois