Plus le récif corallien se porte bien, plus il parle !


Des micros ont ainsi été placés autour de Moorea à 10 mètres de fond sur la pente externe sur huit sites : quatre au sein de l'aire maritime protégée (AMP) de Moorea et quatre dans des zones non protégées.
PAPEETE, le 20 octobre 2016. Des chercheurs ont étudié l'acoustique des fonds marins de Moorea. Un récif avec un fort recouvrement corallien possède une activité sonore plus grande qu’un récif dégradé. De même, les sites ayant une plus grande biodiversité produisent un paysage acoustique plus varié. Ce travail scientifique montre ainsi "l'efficacité" des aires marines protégées.

Le commandant Cousteau considérait l’océan comme un "monde de silence". Pour lui, seuls les mammifères marins communiquaient dans l’océan. En 2000, les chercheurs David Lecchini du Criobe (Centre de recherches insulaires et observatoire de l’Environnement), à Moorea, et Eric Parmentier, de l'Université de Liège, avaient démontré que les poissons communiquent entre eux en émettant des bruits grâce à leurs dents, -ou leur vessie natatoire-… Ils ne parlent pas de "vive voix" puisqu'ils n'ont pas de corde vocale mais ils ont une multitude de mécanismes permettant d’émettre des bruits. Certains utilisent leur vessie natatoire pour émettre des sons sourds, un peu comme un tambour. D'autres font des sons de stridulation en frottant deux structures l’une contre l’autre comme les dents par exemple. Ils ont une communication particulière "lorsqu'ils sont en face d'un prédateur, en parade nuptiale ou lors d'un combat entre d'individus", explique David Lecchini, directeur d’études EPHE au Criobe.

Les chercheurs ont aussi constaté que la présence de pesticides, de coraux morts, de bruits de bateaux avaient un impact sur la communication des poissons. "Avec les bruits de bateaux, les poissons ne s'entendent pas et changent leurs façons de parler", décrit David Lecchini.

Les chercheurs ont ensuite constaté que l’acoustique sous-marine pouvait être utilisée pour déterminer la biodiversité d’un environnement.
Avec Frédéric Bertucci, chercheur en Bioacoustique au Criobe, David Lecchini a souhaité poursuivre les recherches pour déterminer si le récif avait une signature acoustique.

Des micros ont ainsi été placés autour de Moorea à 10 mètres de fond sur la pente externe sur huit sites : quatre au sein de l'aire maritime protégée (AMP) de Moorea et quatre dans des zones non protégées. "L'analyse des sons a permis de montrer que plus les récifs coralliens sont en bonne santé, plus ils sont bruyants. La comparaison des sites AMP et non-AMP a démontré que les AMP autour de Moorea sont efficaces car leur récif est clairement plus bruyant que les non-AMP", indique David Lecchini. "Dans les zones d'aires marines protégées, les poissons sont plus nombreux et les espèces plus variées. Les sons sont donc plus variés et le son est plus fort."
Pour mesurer cette qualité de sons, les chercheurs prennent en compte "la fréquence, l'intensité et la puissance". C'est la première fois que cet indice acoustique est appliqué en milieu corallien. Il est utilisé sur terre où des études ont démontré que les forêts dégradées présentaient un « paysage acoustique » moins varié du fait de communautés animales modifiées.

Pour la suite, David Lecchini souhaite créer un logiciel de reconnaissance acoustique sous-marine. L'objectif est d'évaluer la santé des récifs coralliens grâce à une surveillance acoustique. Le chercheur souhaiterait équiper les plaisanciers, notamment ceux qui font des tours du monde. Un micro étanche serait placé sous leur navire. Les navigateurs pourraient ainsi identifier si l'écosystème qui est sous leur embarcation est en bonne santé ou non et ces sons pourraient ensuite être envoyés aux scientifiques qui les analyseraient. A terme, une carte des récifs coralliens selon leur santé pourrait être réalisée.



Ecoutez le son du Dascyllus albisella (cliquez sur la flèche blanche ci-dessous)


Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 25 Octobre 2016 à 13:00 | Lu 2468 fois