Pierre Frébault : le pays devient plus « bancable »


Back in the business… Après des mois d’immobilisme et de difficultés de financement, les affaires semblent reprendre pour le Pays, selon le ministre des finances Pierre Frébault qui réunissait la presse ce vendredi 3 Août. Le gouvernement envisage enfin la possibilité d’engager les dépenses d’investissement prévues au budget 2012...
Alors que le Pays est sur le point d’avoir apuré les emprunts toxiques contractés auprès de la banque Dexia : sur les 90 Mds Fcfp empruntés à taux variables, 15% d’encours sont encore restant.
Alors qu’en principe les guichets de l’AFD sont de nouveau ouverts, avec des assurances obtenues à Paris sur une capacité d’emprunter les 6.7 Mds Fcfp demandés pour 2012 et des autorisations allant jusqu’à 8.3 Mds Fcfp.
Alors que les sombres réalités qui privaient le Pays de précieuses liquidités semblent s'être dissipées, Pierre Frébault a annoncé pèle-mèle la reprise des réunions du comité de suivi du plan de redressement dès septembre, le remboursement des 2.6 Mds Fcfp d’arriérés dus au FIP (le Fonds intercommunal de péréquation) sur les trois derniers mois de l’année, des mesures d’incitation au départs volontaires d’agents de l’administration du Pays dès 2013. Sur ce dernier point, le souhait est d’inciter au départ près de 500 personnels de l’administration, pour une économie annuelle estimée à 2 Mds Fcfp en frais de fonctionnement.

Et dans ce contexte, alors que l’agence de notation financière Standard & Poor's maintient au Pays son évaluation BB+ en le créditant de perspectives stables, le gouvernement Temaru se permet même de caresser l'espoir de recourir à des emprunts obligataires, plus avantageux que ceux proposés par la Banque HSBC, qui a offert de prêter entre 20 et 50 Mds Fcfp l'an à un taux confiscatoire de 6.5%. Interview...

Tahiti infos : L’agence de notation Standard & Poor's a maintenu la note BB+ pour la Polynésie française, avec perspective stable, mais a assorti son évaluation de réserves, et notamment celle d’un assainissement de la situation budgétaire du Pays dès 2013. Comment comptez-vous procéder pour remplir cet objectif ?

Pierre Frébault : Je crois qu’il faut effectivement rappeler que la notation accordée par Standard & Poor's au titre de l’exercice écoulé vient de nous arriver et constate une amélioration de la gestion des finances publiques. Je rappelle qu’il y a un peu plus d’un an, nous avions reçu la notation la plus dégradée de l’histoire de la Polynésie : BB+ avec perspectives négatives. Aujourd’hui, cette note nous permet d’acter les mesures de redressement opérées sur l’année en cours. Standard & Poor's nous projette en fonction de deux scenarii, dont le plus soutenu envisage une situation d’assainissement des finances à l’horizon 2014. Cela ne peut pas se faire en une année. Pour autant, l’agence de notation rappelle nos lacunes, que ce soit au niveau d’une meilleure connaissance des recettes de trésorerie, mais également sur l’effort que nous devons faire au niveau des dépenses.
En réalité, Standard & Poors nous amène sur la continuité du plan de redressement que nous avons adopté.
Je crois que le point essentiel mis en avant par cette notation c’est que, dans la mesure où nous avons retrouvé la confiance de l’Etat et que les relations se sont détendues, il est plus aisé de se projeter sur l’avenir du plan de redressement de la Polynésie. (…) Cette notation me permet de dire aujourd’hui que le Pays est plus Bancable aux yeux des institutions financières. On voit cela lorsque l’on a recours à des emprunts obligataires, pour lesquels il y a obligation d’avoir une évaluation d’une agence de notation financière.
Dans ces conditions, on devrait avoir des taux meilleurs que ceux que l’on a connus sur l’exercice précédent.

Vous présagez, en 2014, le retour à une situation financière saine, pour le Pays ?

Pierre Frébault : C’est ce que préconise Standard & Poor's. Mais là encore, il faut mettre en œuvre des dispositifs et notamment le plan de redressement. (…)
Pour qu’il y ait redressement et une amélioration des recettes, il faut bien que l’économie porte cette amélioration : tout cela va se jouer de pair. Nous devons dès cette année, avec les demandes de prêts auprès de l’AFD (Agence française de développement, ndlr), configurer pour 2013 le budget d’investissement, pour que le pays retrouve une capacité bancaire plus importante.
Nous avons eu du mal à mettre en œuvre le budget 2012, dans la mesure où pendant plus de six mois, je n’avais aucune réponse des quatre demandes faites auprès des caisses prêteuses. A Paris, nous avons obtenu les accords que nous attendions. J’ai donc ouvert les autorisations d’engagement, permettant aux divers services publics de lancer leur procédure d’investissement. Sans assurance d’obtenir ces liquidités, je ne pouvais pas autoriser d’engagement.
Nous allons dans ce contexte faire le point, mardi matin 7 août, avec les représentations des secteurs professionnels pour définir les priorités de mise en œuvre de ces chantiers.


Tahiti infos : Vous avez interrompu en mars dernier, les réunions du Comité de suivi du plan de redressement, dans l’attente des Présidentielles Nationales. Aujourd’hui, ces réunions sont toujours suspendues alors que vous parlez d’une nécessité d’assainissement budgétaire. Quel programme avez-vous défini ?

Pierre Frébault : Nous avons eu la volonté d’interrompre ces réunions au mois de mars : je ne pouvais pas accepter un discours de l’Etat posant des conditionnalités de vente d’actifs du Pays pour continuer. Je crois que nous avons eu raison. Aujourd’hui, l’Etat français nous affirme qu’il n’y a plus de conditionnalités. Vous rendez-vous compte, si nous avions dû céder nos actifs ? Nous serions aujourd’hui dans une situation où nous n’aurions plus aucune capacité de réaction.
En accord avec l’Etat, nous allons reprendre les travaux. Le président a annoncé qu’une première rencontre aura lieu le 6 septembre à Paris. Je pense qu’il faut laisser à la nouvelle équipe gouvernementale, à Paris, le temps de la mise en œuvre.
En attendant, la meilleure des décisions que l’on ait pu prendre, c’est bien l’interruption des discussions au mois de mars. Elles nous engageaient dans une perspective de dépouillement du Pays.
Aujourd’hui, le prêt exceptionnel de 6 milliards Fcfp n’est conditionné à aucune vente d’actif, certes il y a la condition d’une reprise du plan de redressement ; mais nous la souhaitons.


En septembre, lors de la reprise des réunions du Comité de suivi du Plan de redressement, sera-t-il question d’une réduction des effectifs de l’administration du Pays ?

Pierre Frébault : Effectivement dans le Plan, et notamment la possible utilisation des 6 milliards Fcfp, je vais présenter un plan pour la réduction des effectifs de l’administration par le biais de mesures d’incitation au départ volontaire des agents de l’administration, afin que nous puissions retrouver dès 2013, un abaissement des coûts de fonctionnement. Cela fait partie du plan de redressement.

Combien de personnels seront concernés ?

Pierre Frébault : Nous devons encore discuter avec l’Etat de l’accompagnement financier. Et puis, il s’agit de mesures d’incitations au départ volontaire...

A propos de la fermeture éventuelle du Sofitel Tahiti, quelle est votre réaction ?

Pierre Frébault : Je crois que nous avons accompagné au mieux les entreprises hôtelières. La mise en place en urgence de l’IME a tout de même permis le recrutement de plus de 3.000 salariés dans l’hôtellerie. Je m’aperçois que le Sofitel, qui a bénéficié de mesures de défiscalisation pour sa rénovation dernièrement, en arrive à ce point là … Il me semble qu’il s’agit d’un problème interne, ou de marketing. Je suis en train de faire le point sur les modalités financières attribuées à ce groupe hôtelier. Il me semble qu’en interne ils doivent savoir exactement sur quel créneau ils se positionnent.

Tahiti infos : Allez-vous prendre rapidement contact avec le groupe ?

Pierre Frébault : Vous savez, ils vont m’appeler, ou je prendrai contact avec eux. Mais n’oublions pas qu’ils ont bénéficié de l’aide publique par le biais de la défiscalisation. Cela pose la question des aides publiques que nous distribuons aux secteurs économiques. Si c’est pour en arriver à ce résultat là...

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 3 Aout 2012 à 18:24 | Lu 3258 fois