Philip Schyle dénonce un “règlement de comptes politique”


Tahiti, le 18 juin 2024 - Jugé mardi pour répondre de prise illégale d'intérêts et favoritisme dans le cadre de deux dossiers distincts, l'ancien maire de Arue, Philip Schyle, a dénoncé à la barre un règlement de comptes politique en expliquant qu'il lui était très pénible de devoir s'expliquer sur son “intégrité”. Après en avoir délibéré, le tribunal l'a relaxé dans la première affaire, une amende de 500 000 francs a été requise à son encontre dans le second dossier. Décision le 25 juin.
 
L'ancien maire de la commune de Arue, Philip Schyle, a comparu mardi devant le tribunal correctionnel dans le cadre de deux affaires consécutives aux plaintes déposées par l'actuel tāvana de la commune, Teura Iriti. Dans le premier dossier, il était reproché à Philip Schyle ainsi qu'à trois autres prévenus, dont l'ancien directeur général des services de la commune (DGS), d'avoir saucissonné un marché portant sur la rénovation de la mairie pour un montant total de 35 millions de francs. Dans la seconde affaire, Philip Schyle ainsi que d'anciens élus étaient cette fois soupçonnés d'avoir commis une prise illégale d'intérêts et d'avoir octroyé des subventions municipales à l'association Tetiaroa Royal Race au sein de laquelle œuvraient plusieurs élus municipaux. 
 
Mardi matin, le tribunal correctionnel s'est d'abord penché sur la première affaire, liée à des accusations de favoritisme. Tel que l'a rappelé le président, il était reproché à Philip Schyle ainsi qu'à trois de ses collaborateurs d'avoir “fractionné” le marché de 35 millions de francs portant sur la rénovation du “bâtiment centenaire” qu'est la mairie en le divisant en quatre “marchés distincts”. Le tout afin de faire apparaître des montants inférieurs au seuil réglementaire – vingt millions de francs – qui, une fois dépassé, aurait automatiquement entraîné un appel d'offres.
 
Le “jeu” de la politique
 
Interrogé dans le cadre de ce premier dossier, Philip Schyle a expliqué qu'à “titre personnel”, il ne maîtrisait pas toutes les procédures des marchés publics mais qu'il était à l'époque entouré de personnes qui connaissaient le sujet. Alors que le président du tribunal s'étonnait du fait qu'un homme ayant été maire durant de nombreuses années ne connaisse pas les “règles de base” des marchés publics, l'ancien tāvana de Arue lui a opposé qu'il faisait “confiance” à ses collaborateurs. “Nul n'est censé ignorer la loi mais je reconnais volontiers que je ne maîtrisais pas toutes les subtilités dans ce domaine.” Lors de cette première audition, l'ex-maire s'est également dit “convaincu” que ces affaires étaient liées à un “règlement de comptes politique”. “Même si cela fait partie du jeu de la politique, je trouve dommage que l'on règle des comptes en allant chercher la petite bête.” 
 
Après l'audition des trois autres prévenus poursuivis dans le cadre de cette première affaire, le procureur de la République a requis 500 000 francs d'amende à l'encontre de Philip Schyle et de son ex-DGS et 300 000 francs d'amende contre les deux autres mis en cause. Après en avoir délibéré en fin de matinée, le tribunal a relaxé les quatre intéressés. 
 
Rapports “extrêmement étroits”
 
 
Le “deuxième” procès de Philip Schyle s'est donc ouvert en début d'après-midi. Dans cette affaire de prise illégale d'intérêts, il lui était cette fois reproché, ainsi qu'à quatre autres prévenus, dont d'anciens élus de la commune, d'avoir attribué deux subventions – six millions en juin 2016 et cinq millions en juillet 2018 – à l'association Tetiaroa Royal Race dont le but était de promouvoir la pratique du va'a au travers, notamment, de l'organisation d'une course entre Tetiaroa et Tahiti. Des subventions accordées alors même que certains des prévenus étaient membres du bureau de ladite association. Des rapports entre la commune et l'association que le président du tribunal a qualifiés d'“extrêmement étroits”. 
 
Après avoir rappelé que son souhait avait été, à l'époque, de “rendre hommage” à son prédécesseur, Boris Léontieff, qui avait “toujours voulu organiser cette course”, Philip Schyle a ensuite assuré qu'il avait appris qu'il y avait des élus de la commune dans le bureau de l'association lors du dépôt de plainte. “Je ne le savais pas et si je l'avais su, je leur aurais dit de ne pas y aller. Cela peut paraître étrange mais j'ignorais cela.” Une amende de 500 000 francs a finalement été requise à son encontre. La décision sera rendue le 25 juin.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 18 Juin 2024 à 21:00 | Lu 3058 fois