Peut-on baisser le prix des billets d'avion ?


Jacques Mérot, président de l'Autorité sur la concurrence, insiste sur l'indépendance de l'organisme.
PAPEETE, le 11 mars 2016. Les prix des billets d'avion peuvent-ils baisser ? C'est la question à laquelle va répondre l'Autorité polynésienne de la concurrence. Celle-ci s'est emparée de ce dossier ainsi que de ceux des PPN, des médicaments, de la filière porcine… "Tout le monde saura comment cela s'organise dans un secteur", souligne Jacques Mérot, président de l'Autorité.

Un peu plus d'un mois après sa mise en marche officielle, l'Autorité de la concurrence a tenu, à travers une conférence de presse, à montrer vendredi qu'elle avait commencé son travail et qu'aucun secteur n'allait être épargné par son expertise. L'Autorité s'est déjà autosaisie de cinq thèmes : les PNN, les mécanismes d'importation et de distribution en Polynésie française, les prix des médicaments et des transports aériens et la filière porcine. Le choix de ces dossiers issus de secteurs variés n'est pas un hasard. Il s'agit pour l'Autorité polynésienne de la concurrence de montrer "qu'aucun secteur ne lui échappera", souligne Jacques Mérot, son président. "Il y aura des décisions, des avis donnés. Ce sera une arme redoutable : tout le monde saura comment cela s'organise dans un secteur."
Des entreprises auraient aussi déjà fait part de leur souhait de saisir l'Autorité pour dénoncer des pratiques anticoncurrentielles.
Au cours des prochains mois, l'Autorité polynésienne de la concurrence rendra un "avis après avoir discuté avec toutes les parties prenantes" sur ces autosaisines. "Dans cet avis synthétique, nous dirons ce qui semble être la meilleure voie d'action", explique Jacques Mérot.

"NI ORDRE, NI CONSEIL DE QUICONQUE"
L'ancien magistrat à la chambre territoriale des comptes insiste sur l'indépendance de l'organisme. "L'Autorité n'est pas soumise à une hiérarchie et ne peut recevoir ni ordre, ni conseil de quiconque", insiste Jacques Mérot. "Elle est indépendante des pouvoirs publics et des secteurs contrôlés."
Ainsi, l'Autorité de la concurrence a choisi de se pencher sur le prix des billets d'avion. D'abord car ceux-ci ont un impact sur la fréquentation touristique et par conséquent sur l'emploi local mais aussi parce qu'ils ont des conséquences sur les finances publiques par "le fonctionnement des transports administratifs ou la prise en charge des évacuations sanitaires".
Aujourd'hui, le conseil des ministres doit approuver les tarifs aériens internationaux et les programmes de vols. L'Autorité de la concurrence souhaite s'interroger sur la "pertinence" de ce système et déterminer si ce système "qui peut conduire à une homogénéisation des tarifs quelles que soient la compagnie" dessert ou non "les intérêts du consommateur qui souhaiterait faire jouer la différenciation tarifaire et si elle fait peser une rigidité dans la réponse commerciale d'une compagnie par rapport aux tarifs promotionnels pratiqués par une compagnie concurrente".

LE CODE-SHARE EN QUESTION
L'Autorité va également se pencher sur le partage de code : est-ce une aubaine oui non pour les consommateurs ? "Dans le cas de partage de code, une part équitable des gains et bénéfices dégagés doit être répercutée sur le prix des billets commercialisés auprès des consommateurs", souligne l'Autorité.
Enfin celle-ci va décortiquer la structure de prix d'un billet d'avion. Alors qu'on entend souvent parler du coût du carburant pour justifier les prix élevés, l'Autorité de la concurrence souligne dans son autosaisine "l'absence de corrélation entre l'évolution du prix du baril et le montant de cette surcharge (carburant, ndlr) quand elle est encore pratiquée". Celle-ci constate également "des prix moyens sur le segment entre Papeete et Los Angeles 30 % plus élevés que ceux pratiqués entre Los Angeles et Paris alors que la distance est 25% plus courte" !


Bon à savoir

L'Autorité de la concurrence a également pour mission la mise en place d'un observatoire des concentrations. Les 430 grandes entreprises du fenua devront fournir chaque année avant le 30 juin un document décrivant sa situation capitalistique afin que l'Autorité de la concurrence ait connaissance de la répartition des capitaux et des interactions entre les entreprises. Chaque année, l'Autorité de la concurrence sortira un rapport chaque septembre qui donnera l'état des concentrations.

L'Autorité de la concurrence prévoit des séances d'informations notamment à travers la CCISM car "le droit de la concurrence n'est pas encore bien connu par les entreprises", souligne Jacques Mérot.

L'Autorité polynésienne de la concurrence n'a pas encore de site internet mais a ouvert une page Facebook (Autorité Polynésienne de la Concurrence) où elle mettra en ligne des informations.


Les missions

• La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de position dominante, abus de dépendance économique)
• Le contrôle a priori des concentrations, il s'agit d'une action préventive. L'autorité pourra autoriser ou refuser, ou encore autoriser moyennant des engagements de la part de l'entreprise pour que la concurrence ne soit pas faussée dans un secteur donné.
• Les avis au gouvernement sur tout ce qui touche à la concurrence (Ex : l'examen d'un tarif d'interconnexion en matière d'industrie de réseau) et sur la fixation des prix qui ne sont pas pratiqués librement.

Qui peut saisir l'Autorité de la concurrence ?

Ce ne sont pas les consommateurs individuellement qui peuvent saisir l'Autorité de la concurrence et signaler des dysfonctionnements. Cette dernière répond aux demandes d'intervention du président du Pays ou du président de l'assemblée polynésienne pour des avis sur des textes, aux entreprises elles-mêmes signalant des problèmes de concurrence déloyale ou par le biais de la CCISM, des associations de consommateurs, d'organisations représentatives (syndicats).
En revanche, l'autorité peut s'autosaisir de thématiques qui lui semblent utiles ou rendues incontournables par la rumeur publique.

Rédigé par Mélanie Thomas le Vendredi 11 Mars 2016 à 16:42 | Lu 6881 fois