Petits arrangements entre amis à l'aéroport de Tahiti : l'heure est au procès


Pas moins de treize douaniers de l'aéroport international de Tahiti-Faa'a sont attendus à partir de ce lundi à la barre du tribunal.
PAPEETE, le 3 mars 2016 - Treize douaniers, sept personnels navigants commerciaux et trois agents de change seront jugés toute cette semaine devant le tribunal correctionnel de Papeete, poursuivis pour avoir profité pendant des années, en lien les uns avec les autres et au mépris de toute probité, des prérogatives dues à leurs fonctions.


Exonération occulte des droit douanes sur les marchandises, importation non déclarée d'alcool ou de cigarettes, taux de change ultra préférentiel ou encore billets d'avion "GP" sur la base de fausse déclarations de concubinage avec des PNC complices : pas moins de vingt-cinq prévenus sont attendus ce lundi sur les bancs de la grande salle du palais de justice de Papeete. Ils sont douaniers, personnels navigants commerciaux de la compagnie au tiare, agents de change à l'aéroport et tous auraient abusé de leurs fonctions à un moment ou à un autre, en lien les uns avec les autres, pour se rendre la vie plus belle.

Poursuivis selon leurs profils pour concussion, corruption, faux ou encore importation de marchandises sans déclaration, ils encourent une peine maximale théorique de cinq ans de prison, une forte amende, mais s'exposent surtout, en cas de condamnation, à une interdiction d'exercer leur profession. "C'est d'ailleurs tout l'enjeu de ce procès", estime l'un de ses nombreux intervenants. L'enquête ouverte en 2012 vise des faits qui se seraient étalés de 2008 à 2011. La gendarmerie avait même procédé à une perquisition dans les locaux des douanes à l’aéroport international de Tahiti-Faa’a dans le cadre de l'information judiciaire menée par le juge d’instruction de l'époque, Donatien Levaillant.

35 voyages en une année

C'est une enquête de la section de recherches de la gendarmerie portant sur un trafic d'ice présumé qui avait allumé la mèche dans cette affaire. Dans leur viseur, un importateur de pièces automobiles. Si les douaniers incriminés ignoraient que le garagiste dissimulait et introduisait sur le territoire de la drogue dans la marchandise qu'il importait, les enquêteurs avaient découvert que les agents lui accordaient en revanche de sérieux passe-droits, fermant les yeux lors de ses passages en zone de contrôle. Il rendait en échange de menus services aux douaniers complaisants.

Du donnant-donnant dans lequel tout le monde se retrouvait, jusqu'à ces agents de change d'une agence bancaire de l'aéroport qui, en échange de taux défiant toute concurrence, bénéficiaient à leur tour des largesses de leurs collègues travaillant sur la plate-forme aéroportuaire : laisser-passer, échange de marchandises avec les PNC de retour de voyage, fausses déclarations de concubinage afin de faire bénéficier à tout ce petit monde des tarifs alléchants des billets "GP", ces billets d'avion à prix cassés réservés aux proches des salariés des compagnies aériennes. "Certains ont pu faire jusqu'à 35 voyages par an avec ce stratagème" lâche un proche du dossier.

Suspendus dans les premiers temps de l'enquête, les douaniers impliqués dans cette affaire ont finalement vu leur contrôle judiciaire levé et ont depuis réintégré leur administration en attendant l'issue du procès qui s'ouvre ce lundi et s'étalera sur toute la semaine.

La compagnie Air Tahiti Nui et la Polynésie française sont parties civiles dans ce dossier au préjudice difficilement chiffrable s'agissant des non perception des taxes et droits de douanes. Les prévenus, eux, minimisent leur responsabilité et leur défense s'annonce âpre.



La concussion, qu'est-ce que c'est ?

La concussion est le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droit et contributions, impôts ou taxes publiques une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû ou d’accorder sous une façon quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publiques en violation des textes légaux et réglementaires

Les sanctions encourues

L’article 432-10 du code pénal prévoit actuellement, à titre de peine principale, une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende pour l'auteur du délit de concussion, quelle que soit sa qualité. Par ailleurs, l’auteur du délit encours les peines complémentaires prévues à l’article 432-17 du code pénal pour les délits d’atteinte à la probité : L’interdiction des droits civils, civiques et de famille pour une durée de cinq ans ou encore l’interdiction d’exercer une fonction publique ou d’exercer une activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.


Rédigé par Raphaël Pierre le Dimanche 3 Avril 2016 à 12:57 | Lu 6006 fois