Petites histoires du Parc Bougainville


Le parc Bougainville aujourd'hui
PAPEETE, le 1er avril 2016. Découvrez avec Tahiti Heritage l’histoire du Parc Bougainville, cet havre de paix du centre-ville de Papeete, dominé par un majestueux autera’a et traversé par le petit ruisseau Pape’ete provenant du bain de la reine.

Plantés en 1845 par le docteur Johnstone, d’immenses Marumaru ombrageaient ce parc où se trouvaient réunis de nombreux bâtiments administratifs : le magasin général militaire, la direction du Port, la Poste et le service des Douanes et de l’Hygiène. Le cyclone de février 1906 détruisit presque tous les bâtiments. L’hôtel des Postes, démolie et reconstruite à plusieurs reprises, est le seul bâtiment administratif qui subsiste encore sur cette place publique.

Par le passé, la place publique, inaugurée en juillet 1934, s’appelait en réalité place Albert 1er, en hommage au troisième roi des Belges (1875-1934), symbole de la lutte contre l’Allemagne pendant la première guerre mondiale. Ce n’est qu’en avril 1968, avec l’installation du buste en bronze du navigateur Bougainville dans le parc, que les habitants lui donnèrent le nom du célèbre navigateur. La même année cependant - et afin d’éviter tout Incident diplomatique avec la Belgique - les membres du conseil municipal de Papeete décidèrent par un arrêté en date du 28 novembre 1968 de rebaptiser à nouveau le parc, « Place Albert 1er ». Malgré cette précaution, les habitants continuèrent et continuent encore à l’appeler « parc Bougainville ». Ce n’est qu’en 2005, que le parc est officiellement baptisé « Bougainville », plus personne ne sachant qui était Albert 1er.

Au milieu du parc, trône le buste du navigateur français Bougainville flanqué de deux canons à pivot. Le premier, du côté de l’hôtel des Postes provient du Seeadler, un navire corsaire allemand de la Première Guerre mondiale. L’autre canon faisait partie de l’armement de la canonnière la Zélée en 1914.
Le parc Bougainville a été réaménagé en 2003, avec un beau fare potée, des tables, des bancs et avec un espace de jeux pour les touts petits pour rendre ce lieu beaucoup plus convivial, mais malheureusement en augmentant les surfaces bétonnées au détriment de la verdure. Des manifestations y sont régulièrement organisées, pour les ados le mercredi après midi et pour les touristes comme ces fameux Mahana pae qui se sont tenus chaque dernier vendredi du mois jusqu’en février 2015.

Ce parc mériterait un petit relooking, en regarnissant les pelouses pelées, en apportant plus de fleurs colorées au massifs dégarnies et surtout en réinstallant le parc à jeux des petits-enfants. Il serait également intéressant de réserver l’allée latérale aux jeunes enfants pour s’initier au vélo et au skate.

Le lavoir public

Sur le coté Ouest du parc Bougainville, du coté de la Marine, le long de la rivière Pape’ete se trouvaient de 1900 à 1968 un lavoir où l’on voyait les matelots des goélettes amarrées sur le quai non loin de là. Ils venaient y faire leur lessive à l’eau douce, après de longues traversées. Les grilles servaient alors de corde à linge pour des kyrielles de pantalons retournés, coutures en dehors, ou des chemisettes rayées qui y séchaient au soleil des tropiques.

Buste de Bougainville

Louis Antoine de Bougainville s’embarque en 1766, en compagnie de naturalistes, dessinateurs et astronomes, pour un voyage autour du monde. Arrivé en avril 1768 à bord de la frégate La Boudeuse, il est le premier navigateur français à débarquer à Tahiti, juste quelques mois après l’explorateur anglais Wallis. Après une traversée triste et monotone, Bougainville est tellement ébloui par les paysages et l’accueil de des habitants de Tahiti qu’il surnomma l’île Nouvelle-Cythère, du nom d’une île grecque dont les habitants, jadis, vouaient un culte particulier à Aphrodite, la déesse de l’amour.

Son escale à Tahiti n’aura duré qu’une dizaine de jours, mais le récit qu’il en fit dans son livre « Voyages autour du monde » publié en mai 1771, contribua fortement à créer le mythe du paradis polynésien. Avec un véritable don d'écrivain, il transforme son journal de bord en un récit vivant ou l’on retrouve, dans un paysage d'Éden, toutes les caractéristiques dont les philosophes avaient pourvu les «bons sauvages» : beauté, simplicité de l'existence, absence de pudeur et de propriété.

Le buste en bronze de Bougainville a été érigé le 14 juillet 1909 sur le quai en face du bâtiment de la Marine. Il a été offert par la Société Géographique de Paris en hommage à ce grand passionné de sciences. Ce n’est qu’en avril 1968, lors des travaux d’aménagement du quai que le buste en bronze de Bougainville fût transféré Place Albert 1er, l’actuel Parc Bougainville

L'inauguration du buste en 1909

Le capitaine Von Luckner devant son canon, parc Bougainville en 1937
Le corsaire allemand Seeadler

Le canon du parc Bougainville situé le plus près de la poste de Papeete appartenait au célèbre corsaire allemand Seeadler (Aigle de mer), commandé par le comte Von Félix Luckner, surnommé le diable de mer, qui joua un rôle important de pirate allemand dans le pacifique lors de la première guerre mondiale.

Le Seeadler était un quatre mat barque en acier de 83 m de longueur. Un voilier à l’allure paisible mais qui était doté d’un moteur diesel de 1200 chevaux, l’un des premiers au monde, ce qui lui permettait d’atteindre une vitesse de 9 nœuds. Les voiles restaient toutefois son moyen principal de propulsion. Il possédait deux canons de 105 mm, des mitrailleuses et un important stock de munitions ; le tout habilement dissimulé sous un chargement de bois.

Au début de l’année 1917, le Seeadler coula 14 navires alliés, sans faire aucune victime. Bien au contraire, il recueillit les équipages ennemis qu’il transféra par la suite à bord d’un bateau capturé pour qu’ils rejoignent Buenos-Aires. Après avoir doublé le cap Horn, le corsaire arrivait, au début de juin 1917, dans les régions fréquentées du Pacifique, et coulait successivement trois goélettes américaines. Après avoir écumé le Pacifique, le Seeadler coula à son tour, en 1917, drossé une vague de tsunami sur les récifs du petit atoll de Mopelia aux Iles sous le Vent.

Von Luckner et cinq marins réussirent à rallier les îles Fidji sur le canot du voilier mais ils furent capturés et transférés en Nouvelle Zélande. En décembre 1917, ils réussirent à s’évader en canot et prennent à l’abordage un voilier. Mais ils sont bombardés par un croiseur anglais et sont une nouvelle fois capturés. Ils ne rentreront en Allemagne qu’après l’armistice en juillet 1919.

Von Luckner reviendra en yacht en Polynésie après la première guerre. Il disparu quelques jours en laissant son équipage à Papeete. De retour en Allemagne, il restaura à grand frais le château familial. Aurait-il récupéré son trésor caché à Mopelia ?

Le corsaire allemand Seeadler

La canonnière La Zélée

Le canon situé à la gauche du buste de Bougainville, parc Bougainville à Papeete, provient de La Zélée, une canonnière de la marine française, basée dans le Pacifique. Elle était commandée par le lieutenant de vaisseau maxime Destremau en 1914, au début de la première guerre mondiale.
A l’annonce de la déclaration de la guerre, Destremau, sachant qu’il ne pourrait s’opposer efficacement à de grosses unités allemandes fait installer à terre les canons du bord. Le 22 septembre 1914, deux croiseurs allemands, le Gneisenau et le Scharnhorst, dirigés par l’amiral Allemand Von Spee, qui venaient de la station allemande de Tsing-Tao en Chine s’approchent de Papeete décidés à se ravitailler en vivres et charbon aux frais de la ville de Papeete Le Commandant Destremau fait sauter les balises du port et met le feu au dépôt de charbon qui se trouvait dans l’enceinte de la Marine, près du parc Bougainville pour les empêcher de s’approvisionner

Destremau prépare le sabotage de son bâtiment en vue d’obstruer l’entrée du port. Devant cette résistance inattendue, les croiseurs allemands bombardent Papeete et coulent la Zélée, avant même que l’on ait eu le temps de la positionner en travers de la passe. Elle était encore à quai devant l’office du Tourisme actuel a coté d’un vapeur allemand qu’elle avait capturé une semaine plus tôt. Des obus occasionnent un violent incendie dans le centre de Papeete et tout le quartier commercial entre le front de mer et la cathédrale, de la maison Donald à l’immeuble Laguesse, est entièrement détruit. Voyant s’élever l’énorme nuage de fumée sombre, l’amiral allemand comprend que le seul butin qu’il convoite lui avait échappé. Il poursuit sa route jusqu’aux îles Falkland, où les deux croiseurs sont coulés.

Quelques restes de l’épave de la Zélée recouverts de corail reposent au fond de l’océan près de la digue du port de Papeete et l’un des canons trône désormais Parc Bougainville en souvenir de cet héroïque épisode.
La Zélée, en rade de Papeete

Le Bougainvillier

C'est surtout grâce à une fleur que le nom de Bougainville est resté populaire : tout le monde connaît en effet la bougainvillée, baptisée ainsi en son honneur par le naturaliste Philibert Commerson.

Cette plante indigène des côtes du Brésil, a été découverte en 1768 à Rio de Janeiro par le naturaliste français Philibert Commerson lors de l’expédition autour du monde dirigée par Bougainville. Commerson nommera cette plante bougainvillea en hommage à son commandant Bougainville. En français son nom s’écrit indépendamment, bougainvillée au féminin ou bougainvillier au masculin. Dans le langage des fleurs, elle deviendra synonyme d’aventures.

Le Bougainvillier fut introduit à Tahiti quelques années plus tard, en 1845, par le médecin anglais Francis Johnstone et une seconde fois en 1874 par le botaniste Ernest Butteaud.

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Rédigé par TAHITI HERITAGE le Vendredi 1 Avril 2016 à 15:44 | Lu 3144 fois