Pesticides : les produits locaux plus sains que les importations


Les producteurs locaux, plus professionnels, arrivent à proposer des produits beaucoup plus sains que les importations selon les analyses de la direction de l'Agriculture. (Crédit photo : Chambre de l'agriculture)
PAPEETE, le 16 septembre 2019 - La direction de l'Agriculture a publié les résultats de ses analyses des résidus de pesticides présents dans les fruits et légumes locaux ou importés. La production locale se révèle toujours bien plus saine que les importations.

Selon les derniers résultats d'analyse publiés par le laboratoire de la direction de l'Agriculture de Papara, les fruits et légumes locaux sont particulièrement sains. Ils respectent les normes sanitaires à 95 %, et sont même exempts de toutes traces de pesticides à 67 %. Un résultat bien supérieur aux produits importés qui ne sont conformes qu'à 81 %, et qui ne contiennent aucune trace de pesticide que dans... 25 % des produits testés.


LMR : Limite maximale en résidus de pesticides. Les analyses réalisées en mai montrent que près des deux-tiers de la production locale ne contient aucune trace de pesticides, contre seulement 25% des produits importés.
Ces résultats se confirment d'ailleurs dans le temps. Depuis 2012, la direction de l'Agriculture et le ministère de l'Économie verte réalisent des analyses sur les fruits et légumes locaux ou importés deux à trois fois par an, à la recherche de résidus de pesticides. À chaque fois, les produits locaux obtiennent de meilleurs résultats que leurs concurrents importés.

LES ANANAS LOCAUX TOTALEMENT SANS PESTICIDES

Deux campagnes de prélèvements ont eu lieu cette année. En février, ce sont les ananas locaux qui ont été testés. Contrairement aux préjugés, ils étaient parfaitement sains : 100 % des ananas étaient totalement exempts de pesticide. Le laboratoire a effectué des prélèvements dans 19 exploitations locales, représentant 90 % de la production, ce qui devrait rassurer les consommateurs.

La deuxième campagne de l'année a eu lieu eau mois de mai (voir infographie). 36 producteurs locaux et 16 échantillons de produits importés ont été testés. Les importations ont été acquises directement chez le grossiste ou achetées en supermarchés.

Parmi la production locale, ce sont les pota qui ont été les mauvais élèves. Les trois échantillons étaient tous en dehors des clous. Les agriculteurs concernés ont été contactés par la direction de l'Agriculture afin de trouver le problème et corriger le tir.

LES SALADES IMPORTÉES TOUTES NON-CONFORMES

Parmi les produits importés, plus des trois-quarts des produits contenaient des traces de pesticides, généralement dans les normes... Sauf pour les salades, qui étaient toutes non-conformes (enfin, sur les deux testées...). Un résultat qui a été souvent constaté lors des précédentes campagnes d'analyse, et qui est lié au pays de production : les États-Unis ont ainsi connu une longue histoire d'abus de pesticides, en particulier l'insecticide DDT, qui sont toujours présents dans les sols et l'eau malgré leur interdiction depuis quelques années.

Pour comparer, sur les dix salades locales testées, six n'avaient aucune trace de pesticides et quatre avaient des traces inférieures aux taux tolérés.


En deux ans, les producteurs de tomates locales se sont convertis à la lutte biologique

La présence de fumagine, cette couche blanche à gris foncé, sur les plantes, est un signe de la présence de l'aleurode qui a dévasté nos cultures entre 2015 et 2017. Au lieu d'arroser les cultures d'insecticides, les maraîchers arrivent désormais à contrôler la peste grâce à ses prédateurs naturels. (Crédit D. Blanchard, INRA)
Les maraîchers polynésiens luttent depuis 2015 contre le Tomato yellow leaf curl virus, une maladie des tomates transmise par l'aleurode du tabac, une petite mouche blanche invasive suceuse de sève, qui pullule rapidement dans les serres. Entre les récoltes dévastées, les pénuries de production locale et l'abus de pesticides, le combat a été rude... Mais semble en passe d'être gagné par nos producteurs.

Ainsi, après des années à se battre contre ce fléau, une solution bien plus durable que les pesticides a fini par émerger. Maurice Wong, directeur de la cellule Recherche Innovation Valorisation de la direction de l'Agriculture nous confirme que "aujourd'hui les deux plus gros producteurs de tomates sous serres n'utilisent pratiquement plus de produits chimiques. Depuis deux ans, ils ont réduit de pratiquement 80 % l'utilisation des pesticides dans leurs serres. On travaille désormais en lutte biologique, par implantation de prédateurs naturels dans les serres."

Maurice Wong, directeur de la cellule Recherche Innovation Valorisation de la direction de l'Agriculture

"Les ananas analysés sont sans aucun résidu de pesticides"

Que disent vos dernières analyses ?
Les analyses que nous avons réalisées sont très bonnes, notamment sur les ananas. Les consommateurs avaient tendance à dire que les ananas grattent la gorge, mais en fait ce n'est pas lié aux pesticides puisque tous les ananas que nous analysés sont sans aucun résidu de pesticides.

Les producteurs ont donc trouvé d'autres moyens de lutter contre les mauvaises herbes ?
Sans doute qu'ils ont trouvé d'autres méthodes, mais surtout ils respectent les normes d'utilisation de ces herbicides, et c'est une très bonne chose.

Que dire aux consommateurs qui sont encore méfiants vis-à-vis des produits locaux ?
Les consommateurs ont le choix des produits alimentaires qu'ils veulent acheter. Ce que nous constatons néanmoins c'est que les productions locales sont bien meilleures en termes d'utilisation de pesticides que les produits qui ne sont pas polynésiens.

Parmi la production locale, y-a-t-il des produits pires que d'autres ?
Dans les produits locaux, la partie maraîchage est plus exposé aux pestes, que ce soit les insectes ou les maladies, et sont plus utilisateurs de pesticides. Néanmoins, cette utilisation est très raisonnable et les producteurs avec qui nous travaillons arrivent à maîtriser ces outils. Les exploitants agricoles se sont bien professionnalisés ces dernières années.
Je pense qu'on peut se donner un objectif de 100 % de conformité pour la production locale. Aujourd'hui on en est proche, et on a eu des campagnes à 100 % par le passé. Après, il y a toujours des nouveaux agriculteurs qui arrivent et qu'il faut former, et des épisodes climatiques ou d'invasion de pestes particuliers.

Deux cents producteurs certifiés bio

La vague du bio continue de grossir au fenua. Selon le directeur de l'Agriculture, Philippe Couraud, il y a désormais 200 exploitations certifiées bio en Polynésie, sur 5 200 exploitations agricoles. En particulier, une centaine de producteurs de taro de Rurutu ont été certifiés, ainsi que plusieurs cocoteraies. "Les méthodes agricoles traditionnelles sont déjà presque conformes aux méthodes du bio, il s'agit juste de changer quelques détails à la marge et de faire les démarches pour obtenir le label. Mais beaucoup plus de produits locaux pourraient déjà être labellisés bio, les 'uru, mangues, cocos et d'autres fruits du marchés sont généralement cultivés sans aucun produit chimique" explique le directeur. L'obtention du label bio est alors un atout pour le tourisme et pour les marchés à l'export. Le directeur note aussi que plusieurs jeunes agriculteurs lancent des exploitations bio et le ministère met en œuvre des moyens pour les accompagner.



Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 16 Septembre 2019 à 18:04 | Lu 3634 fois