Perquisition du Motel Papa Raymond : le témoignage d'un couple de touristes


PAPEETE, le 15 mars 2018. Un couple tout droit arrivé de Rapa Nui a vécu la perquisition du motel Papa Raymond à Faa'a, mardi matin. Claudio Enright et Maria Angela Pakomio nous racontent comment l'opération les a traumatisés.

Leurs premières heures en Polynésie auront été mémorables pour Maria Angelica Pakomio et Claudio Enright. Cela ne faisait que quelques heures que le couple était en Polynésie lorsque mardi, vers 6 h du matin, ils ont été tirés du sommeil par une perquisition de la gendarmerie au motel Papa Raymond pour une affaire de proxénétisme. Dix personnes ont été placées en garde à vue, suite à cette opération.

Claudio Enright et sa compagne étaient arrivés sur le fenua à 1 heure du matin, mardi. Avec une amie, ils avaient réservé une chambre "pas chère" au motel Papa Raymond pour dormir quelques heures avant de partir à la première heure avec le ferry à Moorea.

" Ils m'ont menotté "
"Il était 6 h quand on a commencé à entendre beaucoup de bruit dans l'hôtel. Pas longtemps après, la porte de la chambre a explosé et on a vu débarquer trois hommes masqués, armés. Ils ont braqué l'arme sur moi, m'ont projeté au sol puis fait une clef de bras. Ils m'ont menotté et ensuite ils m'ont plaqué sur le lit. Les filles étaient paniquées. Les gendarmes leur ont demandé les passeports, ils sont sortis. J'étais toujours menotté sur le lit. Ils sont revenus cinq ou dix minutes après. Ils m'ont enlevé les menottes et ont continué leur intervention, sans un mot d'excuse", raconte Claudio Enright un Argentin d'une cinquantaine d'années. Encore sous le choc quelques jours après les évènements, "je ne comprends pas pourquoi ils avaient besoin de me menotter. Je n'ai pas résisté. Ils auraient simplement pu nous asseoir sur les lits, la présence de leurs armes suffisait. J'ai beaucoup voyagé un peu partout dans le monde et c'est la première fois qu'une chose pareille m'arrive. Notre arrivée en Polynésie aura été mémorable." Sa compagne, originaire de Rapa Nui, a immédiatement contacté le gouverneur de l'île.

" C'était comme dans la série Narcos "
Pour elle, c'était un cauchemar, "ça a été horrible. J'ai vu mon mari plaqué au sol par des hommes armés et cagoulés. C'était comme dans la série Narcos. Ils ont pointé leurs armes sur nous. J'ai cru qu'ils étaient venus pour nous voler et nous tuer. J'ai mis un moment à comprendre la situation", raconte la trentenaire, avant d'ajouter "quand ils ont fini, ils sont partis sans même s'excuser. Nous sommes encore sous le choc."

Si le couple se souviendra toute sa vie de ces premières heures en Polynésie française, c'est avec un goût amer. "Nous aimerions des excuses publiques de la part de la gendarmerie qui nous a malmenés", explique Claudio Enright. "Une fois que tout s'est terminé et que tout le monde est parti, nous nous sommes retrouvés dans un hôtel vide. Personne pour nous expliquer ce qui c'était passé, ni ce qu'il fallait faire. Il n'y avait qu'une femme de ménage qui était morte de rire", s'agace l'Argentin, gérant d'une pension de famille à Rapa Nui.

"La priorité est la sécurité"
De son côté, la gendarmerie et le lieutenant-colonel Brachet, commandant de la brigade des îles du Vent, expliquent : "C'est une affaire qui est toujours en cours donc je ne peux pas m'exprimer dessus. La seule chose que je peux dire c'est que c'est tout à fait compréhensible que l'opération soit choquante pour des civils. Pour des opérations lourdes comme celle-là, la priorité est le succès de l'opération et la sécurité des civils aux abords du site d'intervention, ainsi que celle des agents qui interviennent. C'est d'autant plus difficile dans des lieux comme celui-là où nous devons sécuriser pièce par pièce et faire le tri entre les civils et les cibles. Par le passé, il y a eu des blessés sur des opérations semblables parce que toutes les précautions n'avaient pas été prises. Nous ne prenons plus de risque. Nous adoptons des moyens lourds quitte à choquer, nous assumons complètement cela. Ces actions et ces moyens d'intervention ne sont pas réservés à la Polynésie, sur des opérations d'une telle ampleur, la procédure est la même en métropole. Nous ne jouons pas aux Cow-boys, nous suivons la procédure".

Une chose est sûre pour Claudio qui revient à Tahiti dans quelques jours :" pour 9000 francs la nuit j'aurais pu louer un appartement ou un hébergement d'un meilleur standing. C'est ce que nous allons faire. Pour m'assurer que personne ne reviendra dans ce motel, j'ai pris le temps de mettre une mauvaise note et un avis négatif sur booking.com" conclut-il.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Jeudi 15 Mars 2018 à 16:58 | Lu 25006 fois