Pénurie de taote aux Australes


Tubuai attend son nouveau taote. Les deux infirmiers de l'île feront de leur mieux, durant ce laps de temps. Le ministère assure que la direction de la Santé fait de son mieux pour trouver la perle rare.
TUBUAI, le 5 septembre 2018 - Le médecin de Tubuai a quitté l'île ce mercredi matin, et celui de Rurutu devrait également en faire de même, en fin de semaine. Tous deux sont arrivés au terme de leur contrat. Une situation qui inquiète les tāvana des cinq îles, même s'ils sont habitués à voir leurs médecins partir au bout de quelques mois.

Le jeu des chaises musicales chez les médecins aux Australes inquiète les habitants et les tāvana des cinq îles.

La situation dure depuis plusieurs années. "Quand il n'y a pas de médecin, ce sont les infirmiers qui prennent la relève ou les médecins itinérants. Ce n'est pas nouveau pour nous", dit Fernand Tahiata, maire de Tubuai. Mais derrière ses paroles, Fernand Tahiata s'interroge sur l'avenir de sa population. "Le problème est qu'il n'y a pas de médecin qui reste au-delà de deux ans. Le gouvernement est bien au courant de la situation. Je pense que c'est un problème de salaire", suppose le maire de Tubuai.

Et en effet, les rémunérations proposées par la grille de la Santé Publique, n'attirent pas les foules. De plus, les responsabilités sont trop importantes et les moyens ne suivent pas forcément.

MAIS QUE SE PASSE-T-IL EXACTEMENT ?


Aux Australes, le centre médical de l'archipel est situé à Tubuai, qui accueillait jusqu'à mardi, un médecin, en poste depuis mi-juillet. Mais le contrat de celui-ci est arrivé à terme, ce mercredi. Du coup, son poste reste vacant.

Désormais, sans aucun médecin, les habitants s'inquiètent sur leur avenir, même s'ils savent que deux infirmiers sont encore là.

Selon le tāvana de Tubuai, une solution aléatoire est proposée par le ministère de la Santé. "L'intérim sera assuré par un médecin de Moorea, qui viendra pendant une semaine à Tubuai. Et début novembre, nous aurons un nouveau médecin. La direction de la Santé se charge du recrutement". Pour l'heure, le premier magistrat de Tubuai attend de voir l'évolution de cette situation.

Du côté de Rurutu, le cas de leur taote itinérant pose également un souci, puisque son contrat arrivera à échéance vendredi. Selon nos informations, un nouveau médecin le remplacera le temps d'accueillir celui qui assurera cette fonction sur du plus long terme. Son arrivée serait d'ailleurs prévue pour le mois de novembre.

En clair, sur les Australes, seuls deux médecins devraient être en poste, d'ici novembre, pour les 7 000 habitants des cinq îles, ce qui parait bien peu.

Parallèlement, le cas des infirmiers est tout aussi alarmant. Actuellement, une seule infirmière exerce sur Raivavae (900 habitants). Sur Rapa (+ de 500 habitants), les deux infirmiers itinérants sont en poste pour trois mois. Aucune idée sur ce qui se passera au-delà des trois mois. À Rimatara (près de 900 habitants), deux infirmières sont en poste.

Ces cas de figure posent de réels problèmes puisque les infirmiers ne peuvent assurer le rôle de médecins. Et aux Australes, les pathologies sont assez lourdes. Selon les témoignages recueillis, les principales pathologies sont le diabète type 2 et toutes ses complications (insuffisance rénale, neuropathies, rétinopathies...), beaucoup de pathologies cardiaques liées au RAA et pathologies respiratoires (avec pour certaines personnes des extracteurs d'oxygène ou des VNI pour les apnées du sommeil) et un fort taux d'obésité.

Aujourd'hui, les tāvana des Australes veulent que ces turn-over cessent. Ils demandent à ce que le ministère fasse en sorte de pérenniser les postes dans ces îles.


L'interview de

Jacques Raynal
Ministre de la Santé


"C'est difficile d'avoir des médecins qui veulent aller dans les îles"

Qu'en sera-t-il pour l'île de Tubuai ?
"On ne sait pas trop si le futur médecin sera en poste d'ici le mois de novembre. Nous sommes en cours de recrutement et de recherche d'un remplaçant. C'est difficile d'avoir des médecins qui veulent aller dans les îles, et on le voit bien. C'était le cas des Marquises, mais on arrive à stabiliser là-bas. Maintenant, ce sont les Australes qui sont déstabilisés. On fait tout ce que l'on peut pour avoir des médecins, mais ça ne se trouve pas sous le sabot du cheval."

Quel est le problème ? C'est le salaire qui n'attire pas ?
"Non, ce n'est pas ça. C'est, d'une part, le type d'études que suivent les médecins maintenant. D'ailleurs, on a appris récemment, qu'il va être complètement réformé. Et d'autre part, les médecins ne sont pas formés pour aller dans les îles, surtout dans des lieux isolés. On le voit dans les campagnes françaises. Il y a ce qu'on appelle les déserts médicaux, eh bien, ici c'est pareil. Les médecins ne sont pas habitués à travailler tous seuls."

Que faire pour y remédier ?
"C'est vrai qu'on n'attire pas de mouches avec du vinaigre. Donc, il faut mettre un peu de miel, et améliorer la situation, ne serait-ce que financière. Mais les salaires sont quand même relativement élevés, par rapport au reste de l'administration. Après, ce sont des histoires de logements, d'environnement et puis surtout d'isolement qui n'est pas que matériel. Il est intellectuel aussi, ce qui veut dire avoir avec soi des gens avec qui parler. Il faut avoir une vie sociale."

En attendant que la situation s'améliore qu'en sera-t-il des habitants à compter d'aujourd'hui ?
"D'abord, on va essayer d'envoyer régulièrement des médecins de façon interactive. Ensuite, les personnels soignants qui sont sur place, sont des infirmiers ou des sages-femmes. Ils sont assez expérimentés pour évaluer un certain nombre de diagnostics et pour se mettre en relation avec le point centre de la direction de la Santé pour obtenir des décisions."

Oui mais un infirmier n'est pas un médecin. Nous sommes bien d'accord ?

"Effectivement, je suis d'accord."

Dans ce cas-là, il faudrait favoriser alors la télémédecine aux Australes ?
"Pour l'instant, cet archipel n'a pas été ciblé pour la télémédecine. Néanmoins, il y a et depuis très longtemps des rapports entre les centres de santé des Australes et la direction de la santé. Donc, on peut toujours trouver un médecin de la direction de la santé qui puisse répondre aux interrogations des Australes. D'autant plus qu'il y a également, le service du SAMU qui répond aux urgences."

Qu'avez-vous à dire à ces populations ?
"Avoir une structure de santé qui puisse assurer la sécurité sanitaire, reste ma préoccupation. Nous faisons de notre mieux pour avoir des médecins qui viennent au moins en remplacement sur les périodes de trois à six mois, et s'il y a un médecin qui accepte un contrat de longue durée, il est évident qu'on le prend sans aucun problème. C'est une préoccupation quotidienne pour la direction de la santé notamment, c'est tous les jours qu'ils ont à traiter ce genre de questions, que ce soit pour les Australes, pour les Marquises ou pour les Tuamotu-Gambier."



Rédigé par Corinne Tehetia le Mercredi 5 Septembre 2018 à 15:49 | Lu 4019 fois