Le docteur Yannis Belle nous explique qu'une présence sur internet, en particulier les réseaux sociaux, est primordial pour les pensions de famille polynésiennes qui veulent remplir leurs établissements.
PAPEETE, le 16 mars 2019 - Yannis Belle vient d'obtenir son doctorat en sciences de gestion sur un thème très intéressant pour nos professionnels du tourisme : "L'influence de la Culture sur l’adoption et l’utilisation des technologies de l'information par les TPE touristique : le cas des pensions de famille polynésienne." Il partage ses principaux résultats avec nous.
Il faut désormais l'appeller docteur Yannis Belle. Yannis est un jeune Polynésien qui vient d'obtenir son doctorat en science de gestion à l'Université de la Polynésie française, après quatre années de travail culminant en une thèse de 370 pages (plus 250 pages d'annexes).
Il a étudié comment les nouvelles technologies peuvent aider les pensions de famille à développer leur business. Il s'est aussi intéressé à l'influence que la culture polynésienne joue sur l'adoption de ces innovations dans les petites entreprises touristiques. Pour y arriver, il s'est immergé dans une dizaine de pensions de familles dans tous les archipels sauf les Australes, à interviewer les gestionnaires et comprendre leurs entreprises.
Nous l'avons rencontré pour discuter de sa thèse et des enseignements qu'il peut partager avec tous les professionnels locaux. Il nous a aussi raconté comment il a rencontré sa femme – et mère de son petit garçon – en faisant des recherches pour sa thèse dans une petite pension des Tuamotu...
Il faut désormais l'appeller docteur Yannis Belle. Yannis est un jeune Polynésien qui vient d'obtenir son doctorat en science de gestion à l'Université de la Polynésie française, après quatre années de travail culminant en une thèse de 370 pages (plus 250 pages d'annexes).
Il a étudié comment les nouvelles technologies peuvent aider les pensions de famille à développer leur business. Il s'est aussi intéressé à l'influence que la culture polynésienne joue sur l'adoption de ces innovations dans les petites entreprises touristiques. Pour y arriver, il s'est immergé dans une dizaine de pensions de familles dans tous les archipels sauf les Australes, à interviewer les gestionnaires et comprendre leurs entreprises.
Nous l'avons rencontré pour discuter de sa thèse et des enseignements qu'il peut partager avec tous les professionnels locaux. Il nous a aussi raconté comment il a rencontré sa femme – et mère de son petit garçon – en faisant des recherches pour sa thèse dans une petite pension des Tuamotu...
Parole à : Yannis Belle
Peux-tu te présenter ?
Alors je vais commencer par l'ensemble de mes prénoms, qui sont significatifs de mon métissage. Je m'appelle Yannis, Jacques, Teheimana Belle. Donc Jacques est mon prénom français et Teheimana est mon prénom marquisien, puisque je suis originaire de Nuku Hiva. Yannis est un prénom grec, parce que mes parents ont fait leur lune de miel en Grèce ! Je suis né ici à Papeete et j'ai fait toute ma scolarité jusqu'à ma licence d'économie-gestion ici dans le système scolaire polynésien. Ensuite je suis parti à Nantes pour faire un master et je suis revenu ici pour faire mon doctorat.
Peux-tu nous parler de ton doctorat ?
Ma thèse s'intitule "L'influence de la Culture sur l’adoption et l’utilisation des technologies de l'information par les TPE touristique : le cas des pensions de famille polynésienne". Je voulais ancrer mon sujet sur un problématique qui intéresse le secteur du tourisme polynésien. Je l'ai obtenue en décembre 2018, et j'ai également obtenu il y a deux semaines ma qualification de maître de conférence, donc je vais pouvoir être recruté à l'université pour enseigner et continuer mes recherches. C'est vrai qu'avec ce parcours en économie-gestion j'ai aussi cette envie de créer ma propre entreprise, j'y ai beaucoup réfléchi. Mais le monde de l'enseignement, surtout la cherche en management, me met déjà un pied dans le monde de l'entreprise. Je serai amené à m'immerger dans différentes entreprises, à rencontrer leurs dirigeants...
J'ai maintenant pour objectif de continuer mes recherches pour essayer de mieux comprendre le monde de l'entreprise polynésienne, qui a la particularité de mélanger différent types de cultures, popa'a, chinois et polynésien principalement. Je veux voir comment tout ça s'imbrique, tout est à faire dans ce domaine.
En parlant de l'influence culturelle sur l'adoption des technologies de l'information, on voit que les Polynésiens sont très avides de nouvelles technologies, ça s'est retrouvé dans les pensions de famille ?
En fait j'ai trouvé que ce n’est pas forcément les nouvelles technologies, mais vraiment les réseaux sociaux qui intéressent les entrepreneurs polynésiens. Il y a cet amour du partage, de la communauté. Je pense que c'est lié à une composante de la culture polynésienne, qui est à tendance collectiviste. C'est une tendance que l'on ne retrouve pas forcément dans d'autres cultures, comme les cultures françaises ou américaines, qui sont plutôt à tendance individualistes. Nous sommes plus proches des cultures japonaises ou asiatiques.
Donc les pensions de famille sont très influencées par toutes ces technologies de l’information. Et ça devient primordial pour ces structures d'être présentes sur internet, car aujourd'hui le premier réflexe du touriste quand il prépare un voyage, c'est d'aller sur internet chercher les informations et comparer les offres. Donc pour les pensions c'est primordial d'être sur internet… Sauf que le gérant est généralement tout seul, il ne peut s'en remettre qu'à lui-même pour tout faire. Du coup j'ai essayé de comprendre pourquoi ils avaient ces difficultés.
Ils n'ont pas tous une présence, sur Facebook, sur les plate-forme mobiles ou même un email. Beaucoup de pensions de familles sont complètement invisibles pour toute une frange de la population connectée, surtout sur les marchés émetteurs que sont la France et les Etats-Unis. Elles restent très dépendantes des agences de voyage et du bouche à oreille pour leur envoyer des visiteurs, mais il est important qu'elles arrivent à se connecter, sinon à terme elles risquent de mettre la clé sous la porte.
Donc as-tu identifié des solutions ?
J'ai déjà apporté un certain nombre de connaissances pour mieux comprendre comment ça se passe dans les pensions de famille. Ce que je produits est moins destiné aux pensions de familles et va plutôt aider les organismes ou les associations qui cherchent à résoudre ces problèmes et à digitaliser l'offre. Je pense à l'Association des pensions de famille, au ministère du Tourisme, à Tahiti Tourisme… On voit que des efforts ont été faits. Il y a un site qui recense les pensions de famille, mais on attend encore un site qui permette de réserver dans toutes les pensions de Polynésie. Pour l'instant on est obligé de passer par des plate-formes comme Booking, où seulement certaines pensions sont présentes.
Mais il est important que les pensions créent elles-même leurs propres présences en ligne, personne ne le fera aussi bien qu'elles. Par exemple j'ai suivi une pension de famille aux Tuamotu qui n'était pas du tout connectée… Et comme je m'entends très bien avec la patronne – en fait la fille de la patronne est devenue ma femme, et c'est avec elle que j'ai eu un enfant ! Donc du coup, par la force des choses, je suis devenu moi-même le community manager de cette pension. J'ai créé un compte Facebook, une communauté, une présence en ligne. Et on sent un impact important sur le nombre de personnes qui s'intéressent à Kauehi Lodge. Mais là-bas il y a une autre problématique, c'est qu'il n'y a qu'un seul avion par semaine, ils sont complètement isolés. Quand on veut y aller, c'est pour une semaine minimum. Donc pendant les vacances quand il y a deux avions, il est plein, le reste du temps c'est plus difficile. S'il y avait tout le temps deux avions, elle serait tout le temps pleine maintenant.
Quels sont les outils, en pratique, que les pensions utilisent efficacement sur internet ?
Dans la majorité des cas ce qui marche aujourd'hui c'est TripAdvisor et Booking.com pour la clientèle internationale, et Facebook pour la clientèle de Tahiti. Par exemple à Kauehi Lodge où la clientèle est locale à 90 %, c'est vraiment Facebook qui fonctionne. Les sites internet, on peut largement s'en passer aujourd'hui.
D'autres conseils très pratiques ?
Je pense que Natitua, qui a connecté une vingtaine d'îles, va vraiment être important. Aux Marquises il y avait vraiment cette demande pour cette connectivité, pour moi ça a été un très bon investissement pour le tourisme. Avoir une bonne infrastructure, accessible pour pas cher, c'est à la base de tout et il y a des efforts qui sont faits, ce qui est très bien.
Dans les autres investissements à faire, le plus important c'est la formation. D'ailleurs l'Association des pensions de famille a mis en place des formations gratuites pour leur apprendre à utiliser ces outils, TripAdvisor, Booking et Facebook. Je l'ai suivie avec ma femme, et franchement c'est une très bonne formation. Mais il y a encore un problème d'intérêt, sur cette formation nous étions une vingtaine d'inscrits, mais seulement 5 ou 6 qui y sont vraiment allés.
Pourtant il faut vraiment digitaliser l'offre aujourd'hui. Prendre des photos, même avec un téléphone, avoir une présence en ligne, mettre en place une démarche marketing sur les réseaux sociaux, répondre aux questions du public...
C'est aussi important de pouvoir offrir le Wifi aux touristes, beaucoup le demandent pour partager leurs vacances sur les réseaux sociaux. Certaines pensions le refusent encore, mais par exemple j'ai interviewé une pension qui refusait d'offrir internet jusqu'à il y a deux ans, se présentant comme une destination déconnectée... Mais ils se sont vus couler petit à petit. Finalement ils ont plié, maintenant ils offrent le Wifi comme tout le monde et ça a rétabli leur chiffre.
Alors je vais commencer par l'ensemble de mes prénoms, qui sont significatifs de mon métissage. Je m'appelle Yannis, Jacques, Teheimana Belle. Donc Jacques est mon prénom français et Teheimana est mon prénom marquisien, puisque je suis originaire de Nuku Hiva. Yannis est un prénom grec, parce que mes parents ont fait leur lune de miel en Grèce ! Je suis né ici à Papeete et j'ai fait toute ma scolarité jusqu'à ma licence d'économie-gestion ici dans le système scolaire polynésien. Ensuite je suis parti à Nantes pour faire un master et je suis revenu ici pour faire mon doctorat.
Peux-tu nous parler de ton doctorat ?
Ma thèse s'intitule "L'influence de la Culture sur l’adoption et l’utilisation des technologies de l'information par les TPE touristique : le cas des pensions de famille polynésienne". Je voulais ancrer mon sujet sur un problématique qui intéresse le secteur du tourisme polynésien. Je l'ai obtenue en décembre 2018, et j'ai également obtenu il y a deux semaines ma qualification de maître de conférence, donc je vais pouvoir être recruté à l'université pour enseigner et continuer mes recherches. C'est vrai qu'avec ce parcours en économie-gestion j'ai aussi cette envie de créer ma propre entreprise, j'y ai beaucoup réfléchi. Mais le monde de l'enseignement, surtout la cherche en management, me met déjà un pied dans le monde de l'entreprise. Je serai amené à m'immerger dans différentes entreprises, à rencontrer leurs dirigeants...
J'ai maintenant pour objectif de continuer mes recherches pour essayer de mieux comprendre le monde de l'entreprise polynésienne, qui a la particularité de mélanger différent types de cultures, popa'a, chinois et polynésien principalement. Je veux voir comment tout ça s'imbrique, tout est à faire dans ce domaine.
En parlant de l'influence culturelle sur l'adoption des technologies de l'information, on voit que les Polynésiens sont très avides de nouvelles technologies, ça s'est retrouvé dans les pensions de famille ?
En fait j'ai trouvé que ce n’est pas forcément les nouvelles technologies, mais vraiment les réseaux sociaux qui intéressent les entrepreneurs polynésiens. Il y a cet amour du partage, de la communauté. Je pense que c'est lié à une composante de la culture polynésienne, qui est à tendance collectiviste. C'est une tendance que l'on ne retrouve pas forcément dans d'autres cultures, comme les cultures françaises ou américaines, qui sont plutôt à tendance individualistes. Nous sommes plus proches des cultures japonaises ou asiatiques.
Donc les pensions de famille sont très influencées par toutes ces technologies de l’information. Et ça devient primordial pour ces structures d'être présentes sur internet, car aujourd'hui le premier réflexe du touriste quand il prépare un voyage, c'est d'aller sur internet chercher les informations et comparer les offres. Donc pour les pensions c'est primordial d'être sur internet… Sauf que le gérant est généralement tout seul, il ne peut s'en remettre qu'à lui-même pour tout faire. Du coup j'ai essayé de comprendre pourquoi ils avaient ces difficultés.
Ils n'ont pas tous une présence, sur Facebook, sur les plate-forme mobiles ou même un email. Beaucoup de pensions de familles sont complètement invisibles pour toute une frange de la population connectée, surtout sur les marchés émetteurs que sont la France et les Etats-Unis. Elles restent très dépendantes des agences de voyage et du bouche à oreille pour leur envoyer des visiteurs, mais il est important qu'elles arrivent à se connecter, sinon à terme elles risquent de mettre la clé sous la porte.
Donc as-tu identifié des solutions ?
J'ai déjà apporté un certain nombre de connaissances pour mieux comprendre comment ça se passe dans les pensions de famille. Ce que je produits est moins destiné aux pensions de familles et va plutôt aider les organismes ou les associations qui cherchent à résoudre ces problèmes et à digitaliser l'offre. Je pense à l'Association des pensions de famille, au ministère du Tourisme, à Tahiti Tourisme… On voit que des efforts ont été faits. Il y a un site qui recense les pensions de famille, mais on attend encore un site qui permette de réserver dans toutes les pensions de Polynésie. Pour l'instant on est obligé de passer par des plate-formes comme Booking, où seulement certaines pensions sont présentes.
Mais il est important que les pensions créent elles-même leurs propres présences en ligne, personne ne le fera aussi bien qu'elles. Par exemple j'ai suivi une pension de famille aux Tuamotu qui n'était pas du tout connectée… Et comme je m'entends très bien avec la patronne – en fait la fille de la patronne est devenue ma femme, et c'est avec elle que j'ai eu un enfant ! Donc du coup, par la force des choses, je suis devenu moi-même le community manager de cette pension. J'ai créé un compte Facebook, une communauté, une présence en ligne. Et on sent un impact important sur le nombre de personnes qui s'intéressent à Kauehi Lodge. Mais là-bas il y a une autre problématique, c'est qu'il n'y a qu'un seul avion par semaine, ils sont complètement isolés. Quand on veut y aller, c'est pour une semaine minimum. Donc pendant les vacances quand il y a deux avions, il est plein, le reste du temps c'est plus difficile. S'il y avait tout le temps deux avions, elle serait tout le temps pleine maintenant.
Quels sont les outils, en pratique, que les pensions utilisent efficacement sur internet ?
Dans la majorité des cas ce qui marche aujourd'hui c'est TripAdvisor et Booking.com pour la clientèle internationale, et Facebook pour la clientèle de Tahiti. Par exemple à Kauehi Lodge où la clientèle est locale à 90 %, c'est vraiment Facebook qui fonctionne. Les sites internet, on peut largement s'en passer aujourd'hui.
D'autres conseils très pratiques ?
Je pense que Natitua, qui a connecté une vingtaine d'îles, va vraiment être important. Aux Marquises il y avait vraiment cette demande pour cette connectivité, pour moi ça a été un très bon investissement pour le tourisme. Avoir une bonne infrastructure, accessible pour pas cher, c'est à la base de tout et il y a des efforts qui sont faits, ce qui est très bien.
Dans les autres investissements à faire, le plus important c'est la formation. D'ailleurs l'Association des pensions de famille a mis en place des formations gratuites pour leur apprendre à utiliser ces outils, TripAdvisor, Booking et Facebook. Je l'ai suivie avec ma femme, et franchement c'est une très bonne formation. Mais il y a encore un problème d'intérêt, sur cette formation nous étions une vingtaine d'inscrits, mais seulement 5 ou 6 qui y sont vraiment allés.
Pourtant il faut vraiment digitaliser l'offre aujourd'hui. Prendre des photos, même avec un téléphone, avoir une présence en ligne, mettre en place une démarche marketing sur les réseaux sociaux, répondre aux questions du public...
C'est aussi important de pouvoir offrir le Wifi aux touristes, beaucoup le demandent pour partager leurs vacances sur les réseaux sociaux. Certaines pensions le refusent encore, mais par exemple j'ai interviewé une pension qui refusait d'offrir internet jusqu'à il y a deux ans, se présentant comme une destination déconnectée... Mais ils se sont vus couler petit à petit. Finalement ils ont plié, maintenant ils offrent le Wifi comme tout le monde et ça a rétabli leur chiffre.