Pêche au thon dans le Pacifique : Fidji et la Papouasie-Nouvelle-Guinée en première ligne


PORT-MORESBY, lundi 28 mars 2011 (Flash d'Océanie) – Le tout récent passage en Papouasie-Nouvelle-Guinée du commissaire européen au commerce, Karel De Gucht, dans le cadre d’une tournée océanien qui l’a aussi emmené, au courant de la seconde quinzaine de mars 2011, en Malaisie, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a confirmé le rôle clé de cet État mélanésien dans le processus de traitement des prises de pêche au thon destinés aux marchés européens.
Concernant le poisson et plus particulièrement le thon du Pacifique en provenance de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, mais aussi de Fidji, le Parlement européen a adopté mercredi 19 janvier 2011 le principe d’un « feu vert » en vue conclure un accord de partenariat économique (APE), sur une base intérimaire.
Les eurodéputés ont motivé leur choix par le fait que ces deux pays « réalisent d'importantes exportations vers l'UE ».
Un énorme site régional de conserverie de thon est actuellement en voie d’achèvement, à Madang, où M. De Gucht s’est rendu lors de son récent passage.
En janvier, les eurodéputés avaient noté que « la Papouasie-Nouvelle-Guinée et la République des Îles Fidji – les deux pays ACP du Pacifique qui exportent en quantités significatives vers l'Union européenne – sont jusqu'à présent les seuls membres de la région du Pacifique à avoir conclu l'accord, tandis que d'autres pays de ce groupement régional ont, en raison de leur faible niveau d'échanges de marchandises avec l'Union, choisi de ne pas le signer ».
Toutefois, les eurodéputés avaient exprimé, simultanément à leur vote de janvier 2011, des « préoccupations » au sujet de « l'impact qu'un accord aurait sur la solidarité régionale et l'intégration économique dans la région du Pacifique. Une deuxième résolution non contraignante met en exergue les conséquences de l'accord pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Iles Fidji en termes de relations commerciales avec les deux plus proches et principaux partenaires commerciaux, de l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que les conséquences sur l'industrie de la pêche, et les industries de conserveries et de transformation. Plus précisément, les députés se déclarent inquiets à propos de la décision de la Papouasie-Nouvelle-Guinée de déroger aux règles sur l'origine des produits transformés de la pêche, qui a fait de ce pays "une véritable usine" de transformation en conserve du thon en provenance de pays comme les Philippines, la Thaïlande, la Chine, les États-Unis et l'Australie. Cela peut avoir un effet déstabilisateur sur l'industrie de l'UE de poisson en conserve, s'inquiètent les députés qui demandent à la Commission de suspendre les dispositions exceptionnelles sur les règles d'origine si un rapport d'évaluation de l'UE prévu pour 2011 montre un effet déstabilisateur sur l'industrie européenne », estiment les parlementaires.
Le Parlement européen a également relevé que « l'APE intérimaire a donné lieu en Papouasie-Nouvelle-Guinée au développement de projets industriels comme la zone industrielle maritime du Pacifique à Madang, où il est prévu de produire, en deux ans, plus de 400.000 tonnes de conserves de thon » tout en observant « avec préoccupation avec préoccupation les données de la Commission des pêches pour le Pacifique occidental et central montrant l'augmentation de la capacité de pêche des pays tiers dans ces eaux du Pacifique et, donc, le risque de pêche illégale, non déclarée et non réglementée et de surpêche, et ce au détriment du développement durable du secteur de la pêche à l'échelle locale ».
Toujours au chapitre de la gestion des ressources halieutiques en Océanie, les eurodéputés ont d’ailleurs, toujours mercredi, « invité la Commission (européenne) à présenter au Parlement, dans les meilleurs délais, un rapport sur ces aspects particuliers du secteur de la pêche dans les États du Pacifique ainsi que sur la gestion des stocks de poissons dans le Pacifique, notamment quant aux pratiques de développement durable ».
Les Accords de Partenariat Économique signés avec Fidji et la Papouasie-Nouvelle-Guinée demeurent néanmoins intérimaires, en attendant qu’un pacte à vocation régionale, signé avec le bloc océanien réuni sous l’égide du Forum des Îles du Pacifique (FIP), soit finalisé.
Le processus de négociation de ces « Accords de Partenariat Économique » (APE) avait été lancé en 2006 par le commissaire européen au commerce de l’époque, Pascal Lamy.
Mais depuis, les pays du Pacifique ont exprimé des réserves en demandant notamment que les « spécificités » de leur région, ainsi que la petite taille de leurs économies soient pris en compte.
Lors de son escale en Papouasie-Nouvelle-Guinée, M. de Gucht a évoqué avec les autorités gouvernementales de cet État océanien membre du Forum des Îles du Pacifique et du groupe ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) sa récente décision d’adopter une version provisoire des Accords de Partenariat Économique (APE).
Ces APE lient désormais les pays ACP à l’UE en matière d’échange commerciaux et succèdent à la séquence Lomé (I à IV) puis Cotonou, qui mettait auparavant l’accent sur les achats subventionnés de matières premières à ces pays du Sud.
Or, le régime des achats subventionnés a depuis été déclaré incompatible avec les nouvelles règles du commerce mondial de l’OMC.
Depuis 2006, l’UE négocie avec les ACP pour mettre en place ces APE.
La date initiale d’entrée en vigueur de ces APE avait été fixée au 1er janvier 2008, mais les pays océanien de ce groupe (essentiellement les 14 États insulaires du Forum, hormis l’Australie et la Nouvelle-Zélande) rechignent toujours depuis à s’engager sous forme de bloc, mettant en avant une demande de prise en compte plus grand de leurs spécificités régionales.
À part la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le seul autre État ACP océanien ayant signé un APE provisoire est Fidji.
Tout en soulignant la valeur des échanges commerciaux avec ces deux pays (notamment en matière agricole), le Commissaire devrait aussi tenter de mettre en exergue les bénéfices d’un accord régional avec le bloc océanien tout entier.
Les ressources cibles de pays comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Fidji sont à la fois liées au domaine minier (pétrole, or, cuivre, bauxite, nodules sous-marines), mais tiennent aussi aux énormes ressources halieutiques (et en premier lieu le thon) de leurs zones maritimes de souveraineté.

Le poisson fidjien à nouveau UE-compatible

Tout récemment, le thon fidjien a de nouveau obtenu fin 2010 le très attendu feu vert pour les marchés européens, après une parenthèse prolongée (entamée en 2004) pour cause de non-conformité aux règles européennes et une série d’incidents survenus notamment chez des consommateurs français, courant 2007.
Le poisson fidjien à l’export avait alors perdu un marché d’une valeur estimée à près d’une cinquantaine de millions d’euros par an.
Une mission d’inspection sur place des services vétérinaires et alimentaires européens, en septembre 2010, a finalement jugé à nouveau UE-compatible le poisson produit et traité à Fidji.
Cette réouverture des marchés européens a fait l’objet, le 18 mars 2011, d’une cérémonie formelle en présence de hauts-responsables du gouvernement local, ainsi que de l’ambassadeur chef de la délégation de l’UE pour le Pacifique, basée à Suva, Wiepke Van Der Goot.
Ce dernier a néanmoins tempéré l’enthousiasme ambiant en rappelant que jusqu’ici, seules deux sociétés fidjiennes répondait de manière satisfaisante aux normes alimentaires européennes.
L’UE vient de lancer la seconde phase, au plan océanien, de son programme baptisé « DevFish », pour un financement (dans le cadre du Fonds Européen de Développement, le FED) de 8,2 millions d’euros au cours des cinq années à venir, en vue de mieux gérer la ressources thonière, mais aussi d’accentuer la lutte contre la*es activités de pêche illicite et non signalée, phénomène grandissant dans la région de la part de vaisseaux notamment asiatiques.
Ces activités de surveillance devraient s’appuyer sur les marines des quatre puissances riveraines de la région : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la France et les États-Unis.

Reprise souhaitée des exportations de kava vers l’Europe : la France et le Royaume-Uni à l’écoute

Lors d’une récente rencontre avec les représentants à Fidji de la France et du Royaume-Uni (les deux pays membres de l’UE représentés à Fidji), le 10 janvier 20111, en mode bilatéral, le gouvernement fidjien, représenté par son directeur de cabinet au ministère de l’agriculture, le Colonel Mason Smith, a aussi soulevé l’épineuse question d’un autre « feu vert » attendu depuis dix ans à Fidji et dans toute la région, y compris le voisin Vanuatu : il concerne la reprise des exportations des racines de kava (piper methysticum, famille du poivrier), ingrédient principal dans la concoction d’une boisson relaxante très répandue dans le Pacifique et dont un élan, sous forme manufacturée vers l’Europe, avait été stoppé net au début des années 2000 en raison de l’apparition de plusieurs cas mortels d’hépatite fulminante (y compris en Allemagne).
Plusieurs enquêtes, depuis, ont établi la nécessité, en cas de reprise de cette filière, de mieux contrôler l’origine et la qualité des racines broyées.
« Les questions soulevées ont concerné la formation au sein du département (fidjien) de l’agriculture et du département des pêches et des forêts, l’acquisition de compétences techniques pour mettre à jour nos législations et ainsi mieux accéder aux marchés (européens), a estimé le Colonel à l’issue de son entrevue avec les deux diplomates, le Britannique Mac McLachlan (Haut-commissaire -ambassadeur- à Fidji) et l’Ambassadeur français Gilles Montagnier.
En novembre 2010, la délégation régionale de l’Union Européenne pour le Pacifique, basée à Suva, organisait par ailleurs un atelier de formation spécifiquement destiné aux exportateurs locaux afin de leur permettre de prendre connaissance des formalités et conditions à remplir en vue de mieux accéder aux marchés européens.
En guise de suivi, cette délégation régionale a aussi annoncé la création d’un « Bureau d’aide à l’Export » (Export Helpdesk), dont la tâche est de venir en aide et de répondre aux questions des acteurs locaux candidats à l’export vers l’UE.
Lors de son périple océanien, le commissaire européen s’était aussi entretenu longuement avec de hauts responsables des gouvernements d’Australie et de Nouvelle-Zélande (dont le ministre australien du commerce extérieur, Craig Emerson) devaient porter sur les accords généraux de commerce au plan mondial, le cycle de Doha dans le cadre de l’OMC, ou encore la question de l’approvisionnement en matières premières.
Concernant l’Australie, l’UE représente pour ce pays le second volume bilatéral d’échanges commerciaux.
La valeur ces échanges marchands, pour l’année 2010, a été annoncé par l’UE à 26,7 milliards d’euros en exportations européennes vers l’Australie (véhicules automobiles, machines et matériel de télécommunications ou encore produits pharmaceutiques) et dans l’autre sens, 9,8 milliards d’euros importés en Europe de l’Australie (essentiellement des minerais, des produits agricoles et viticoles).
Pendant son séjour en Nouvelle-Zélande, le Commissaire européen a rencontré le ministre du commerce extérieur Tim Groser.
Les échanges commerciaux de l’UE avec la Nouvelle-Zélande sont également significatifs : « l’UE est notre second partenaire commercial (…) et la Nouvelle-Zélande demeure engagée en vue de renforcer encore nos liens avec nos partenaires européens », soulignait en mars 2011 M. Groser.

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Rédigé par PaD le Dimanche 27 Mars 2011 à 19:01 | Lu 1890 fois