Tahiti Infos

Paul Yeou Chichong, 84 ans et 350 tableaux


Paul Yeou Chichong, 84 ans et 350 tableaux
PAPEETE, le 11 janvier 2018 - Brueghel, Miro, Pissarro, Monet, Gauguin, Andy Warhol, Keith Harring, Estève… Paul Yeou Chichong possède 350 tableaux de maîtres dans sa collection personnelle. Ce collectionneur hors pair, qui rêve de voir naître un musée capable d'accueillir ses œuvres à Papeete, a accepté de nous dévoiler ses trésors.

De l'impressionnisme au pop art en passant par la période fauve et l'art aborigène australien, Paul Yeou Chichong estime à environ 5 milliards de francs, les 350 tableaux qui font sa collection personnelle. Dans sa maison, dont nous garderons l'emplacement secret à sa demande, son musée personnel garde des trésors vieux de plusieurs siècles.

Si le collectionneur polynésien compte quelques peintres locaux, ils représentent une infime minorité de son incroyable collection. L'homme d'affaires, à la retraite depuis 2016, est fier de son musée personnel. Lui, le petit "kaina" chinois qui a grandi dans la pauvreté est, aujourd'hui, à l'âge de 84 ans l'heureux propriétaire de pièces uniques estimées à plusieurs dizaines, voire centaines de millions de francs pacifiques que les musées du monde entier s'arrachent. Ses deux pièces phares sont un Brueghel et un Monet qu'il garde précieusement dans une des pièces de son musée.

À 84 ans, Paul Yeou Chichong continue de s'extasier devant ces tableaux. Il collectionne particulièrement les pièces représentants des poissons. Il a d'ailleurs une salle de son musée qui leur est dédiée. "Je suis du signe poisson. Ensuite j'aime bien manger du poisson parce que mon médecin me le recommande (rires). Enfin, j'aime bien. Et puis quel peintre n'a jamais peint de poissons ?" dit-il en souriant. Il s'arrête devant un tableau de l'américain Keith Harring et lâche fièrement, "la première fois que Keith Harring peint un poisson et hop! Je l'ai tout de suite acheté." À côté trône une pièce d'Andy Warhol, suivie de plusieurs Boullaire.

Mais Paul Yeou Chichong souhaite prêter à perpétuité sa collection au Pays afin que les Polynésiens puissent en bénéficier et admirer ces œuvres, ici, en Polynésie. Le collectionneur insiste bien sur la notion de "prêt", "je ne veux pas qu'un homme politique ou un élu puisse s'approprier d'une de mes œuvres. Je veux garder un droit de regard sur ces tableaux". Cependant, le collectionneur retraité assure qu'il ne prêtera sa collection qu'à condition que le Pays construise un musée avec toutes les normes de sécurité exigées par les compagnies d'assurance. Par ailleurs, l'homme d'affaires demande également à ce que ce musée qui devrait faire 3 500 m2 (il faut compter en moyenne 10 m2 par œuvre), se situe à Papeete.

Si le gouvernement s'est montré intéressé, depuis quatre ans, rien n'a bougé, au grand dam du collectionneur qui s'est résigné "Je ne suis pas naïf, je n'y crois pas trop à mon musée".

Une anecdote

Paul Yeou Chichong est arrivé en France à l'âge de 18 ans pour passer son baccalauréat au Lycée Louis-Le-Grand à Paris. Il nous raconte sa réaction en arrivant à Marseille.

"J'aurais aimé partager mes tableaux"

Paul Yeou Chichong, 84 ans et 350 tableaux
Le gouvernement a mis en place le système des fondations plusieurs fois Jean Christophe Bouissou a cité votre nom, indiquant que vous étiez intéressé par la création de la votre ?
"Fondation. Pas fondation. On s'en fout. Ce sont des mots ça et les mots ça ne vaut rien. Ce que je veux c'est qu'on construise un musée où je laisserais mes tableaux à perpétuité. "

Pourquoi est-ce que la fondation ne vous intéresse pas ?
"Ça ne vaut rien à Tahiti, il n'y a pas d'impôts sur le revenu! Les fondations en France c'est formidable parce que quand tu crées une fondation tu ne paies plus d'impôts. Je n'ai plus d'impôts sur les sociétés, je n'ai plus de société. J'ai tout vendu. Ici c'est un joli mot c'est tout. Qu'est ce que je vais faire d'une fondation Chichong ? Si je fais un musée je l'appellerai Chichong, oti, c'est tout. "

Que demandez-vous au Pays aujourd'hui ?
"Je demande au Pays de construire un musée digne de ce nom, pas un bouiboui. A Papeete, pas à Taravao. Il faut qu'il y ait des antivols, antihumidité, tout ce qu'il faut pour une bonne conservation des œuvres. Je suis prêt à prêter mes tableaux à perpétuité jusqu'à ce que mes tableaux tombent en ruine, comme ça s'est fait au musée Gauguin."

Vous avez une dizaine de tableaux à l'étranger et il y a quatre ans, vous avez dû renvoyer un Gauguin à Honolulu à Hawaii à cause d'une taxe de 20 % à l'entrée, le statut de fondation ne vous exonèrerait pas de cette taxation ?
"C'est une bonne question. À chaque fois que je fais venir un tableau, je paie 20 % du tableau en taxe. Les fondations ont un effet sur l'import sur les revenus ou les sociétés, mais aucun sur les taxes de droit d'entrée de la douane."

Vous feriez une donation au Pays ?
"Un prêt à perpétuité ça revient à ça. C'est une question de droit. Mes juristes vont pondre quelque chose. Je ne veux pas faire une donation, je veux garder un droit de regard sur mes tableaux. Cela va de soi. "

Pourquoi céder ces tableaux de maîtres au Pays et non pas les léguer à votre descendance, vos ayants droits ?
"Qu'est-ce qu'ils en feraient ? Ils se feront rouler. Ma femme s'y connaît un peu, mais mon fils n'y connaît rien du tout. Et il s'en fiche royalement. Que ça revienne à ma descendance ? Je n'y ai même pas pensé. (Rires) Ma descendance aura-t-elle besoin de ça ? Je leur laisse déjà beaucoup. J'ai bossé pendant 50 ans pour amasser un peu d'argent, je leur lègue pas mal de chose. Ils n'ont pas à se casser la tête avec la collection."

Vous voulez que cette collection puisse être vu de tous ?
"Oui. Placés dans un musée. Que l'on en prenne soin et qu'on ne les laisse pas tomber en ruine."

Seriez-vous prêt à le construire ce musée ?
"N'exagérons rien, je donne déjà mes 4 ou 5 milliards de francs de tableaux et en plus il faudrait que je construise le bâtiment ? Je demande à ce que le Pays construise. À la limite, si un jour j'ai un bon terrain qui m'appartient, peut être que je le ferais, si on me donne la défiscalisation. J'ai déjà demandé la double défiscalisation, on m'a dit non. Un musée est un produit culturel non éligible à la défiscalisation."

Pensez-vous qu'il verra le jour ?
"On va construire d'abord le Mahana Beach. Vous avez entendu parler des 150 milliards de ce projet. On va d'abord s'occuper de ça et mon musée viendra après. J'ai 84 ans, le Mahana beach ce ne sera pas avant 10, 15 ans. Je ne suis pas naïf, je n'y crois pas trop à mon musée dans les années qui viennent.

Le gouvernement est indifférent ?
"Ils ont d'autres priorités. Un musée ne donne pas des voix pour les élections. C'est dommage, j'aurais aimé partager mes tableaux."


Rédigé par Marie Caroline Carrère le Jeudi 11 Janvier 2018 à 17:32 | Lu 7522 fois