Souriant, comme toujours. Après cinq jours de silence, c'est un Cédric Pastour toujours aussi serein en apparence qui s’exprime sur le Conseil d’administration (CA) avorté de vendredi dernier. Surprise, le PDG d’Air Tahiti Nui reconnaît lui-même que le business plan qu’il a présenté au CA « n’est pas satisfaisant en l’état ». « Les administrateurs ont exprimé un mécontentement qui est tout à fait normal » affirme ainsi Cédric Pastour à Tahiti-Infos. Car le dirigeant sait qu’il n’a pas suffisamment avancé sur un point désormais crucial : la réduction de la masse salariale d’une entreprise « en sureffectif ». Un sureffectif qu’il évalue entre 80 et 100 personnes.
Cédric Pastour espère donc désormais « une prise de conscience » des syndicats, afin de faire aboutir les négociations et lancer un plan de départs volontaires. 4 d’entre eux, réunis au sein de l’Union pour l’Avenir d’Air Tahiti Nui, le soutiennent. Les autres ont démontré en juin dernier qu’ils étaient loin de suivre aveuglément leur PDG, et sont manifestement plus difficiles à convaincre.
Le PDG d’Air Tahiti Nui compte donc se donner un peu plus de temps pour avancer sur ces sujets. En attendant, Cédric Pastour demande au CA de trancher sur deux points, urgents selon lui : l’intégration de la compagnie dans une alliance aérienne, un dossier « en phase finale ». Deux options sont possibles : l’intégration au sein de Sky Team (Air France/KLM/Delta, entre autres) ou bien de One World (American Airlines/ British Airlines/ Iberia principalement). Deuxième dossier "chaud" : la réduction du capital, une obligation légale pour ATN qui a jusqu’au 31 décembre 2011 pour l'exécuter.
Cédric Pastour a inscrit ce matin ces deux points à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration, qu’il a convoqué le mercredi 2 novembre. « On ne parle pas de l’avenir de Cédric Pastour, on parle de l’avenir de 780 emplois » rappelle-t-il dans cette interview « fleuve », que Tahiti Infos a choisi de publier dans son intégralité.
Tahiti Infos : Pourquoi le Conseil d’Administration (CA) de vendredi a-t-il été écourté ?
Cédric Pastour : L’équipe de direction a présenté aux administrateurs à la fois les hypothèses réactualisées de déficit au 31 décembre 2011, et le business plan pour les années 2012, 2013 et 2014. A l’issue de cette présentation, la majorité des administrateurs se sont montrés insatisfaits, déçus, de constater qu’il n’y avait pas d’avancée marquante avec les organisations syndicales, concernant la baisse de la masse salariale. C’est un point de vue que je partage totalement. Ce business plan en l’état n’est pas satisfaisant, et doit être amélioré. On a donc convenu se rencontrer entre actionnaires privés et publics, pour discuter et le cas échéant définir un nouveau pacte d’actionnaire. Cette volonté, je la trouve tout à fait légitime et je la comprends. Là où j’ai exprimé mon désaccord, c’est que de mon point de vue, il n’y avait pas de justification à ajourner tous les autres sujets à l’ordre du jour, car certains sont urgents. C’est pour cela que j’ai pris la décision ce matin de convoquer un nouveau conseil d’administration pour mercredi prochain, pour aborder deux points : la réduction du capital, sujet ouvert depuis de longs mois, et le sujet concernant les alliances aériennes mondiales.
Quel est le niveau d’urgence en ce qui concerne la réduction du capital ?
C’est une obligation légale au 31 décembre 2011. Le temps passe, et pour moi il est urgent d’avancer sur ce sujet. Je m’explique. Lorsqu’on constate, comptablement parlant, que les capitaux propres sont inférieurs à 50% du capital social, le CA doit se prononcer pour continuer l’activité de l’entreprise ou l’arrêter. En 2009, le CA s’est prononcé pour la poursuite de l’activité d’ATN. La compagnie avait dès lors deux ans pour reconstituer ses capitaux propres. Puisque que nous n’avons pas aujourd’hui de nouvel investisseur, et que le pays ne peut pas remettre de l’argent dans l’entreprise puisque la loi impose de ne pas dépasser 85% du capital, la seule solution est de réduire le capital social pour effacer les pertes du passé. C’est un exercice purement théorique d’écriture comptable, mais c’est un passage obligé. Ça ne change rien à la valeur de l’entreprise.
Il a donc été impossible de trouver des investisseurs privés ?
J’ai commencé à prendre des contacts au début de mon mandat, mais nous sommes dans un contexte économique mondial extrêmement déprimé. Il est utopique de penser qu’un investisseur qui n’est pas intéressé par le Fenua puisse investir dans une compagnie aérienne qui n’a pas encore démontré sa capacité à être rentable.
Il faudra donc attendre encore quelques années ?
C’est mon sentiment. Si j’ai tort, je serai prêt à faire mon mea culpa. Mais trouver des investisseurs pour une compagnie aérienne aujourd’hui, c’est du domaine de l’impossible.
Avez-vous songé à prendre des parts dans cette entreprise ?
Non, à aucun moment. Ce n’est pas du tout dans mes intentions. Certaines mauvaises langues ont fait courir le bruit que je réduisais le capital pour ensuite prendre le contrôle de l’entreprise. Ça fait partie de ce que je considère être des affirmations absurdes.
Vous dites souhaiter des prises de décisions rapides sur les alliances aériennes. Un accord pourrait être rapidement conclu ?
Ce projet d'une alliance aérienne a été engagé en 2007. Je n’ai fait que prolonger un travail initié bien avant ma prise de fonction. C’est un sujet compliqué, et on peut dire aujourd’hui que nous sommes prêts à présenter au CA deux propositions d’accords commerciaux avec deux grandes alliances mondiales : d’une part l’alliance Sky Team, composée principalement du couple Air France/Delta, et d’autre part l’alliance One World avec American Airlines/ British Airlines/ Iberia. Ces deux accords présentent chacun des avantages et des inconvénients pour ATN, mais au global plus d’avantages que d’inconvénients. Il faut maintenant que le CA en débatte, nous donne des orientations, pour que nous puissions finaliser ce travail qui est très important pour l’avenir d’ATN et pour l’avenir des flux touristiques du Fenua.
Est-ce que ça a un sens de s’allier avec Air France (AF), qui est la seule compagnie concurrente sur cette destination ? N’est-ce pas retirer à ATN sa raison d’être ?
On ne peut pas poser la question en ces termes. Il y a quelques années, vous auriez posé la bonne question, car c’était AF d’un côté, ATN de l’autre. On parle là d’un accord possible entre ATN et toutes les compagnies membres de Sky Team, donc Alitalia, KLM, et surtout Delta. Les choses se sont beaucoup complexifiées ces dernières années. On ne parle plus d’un partenariat entre deux compagnies. Ça va bien au-delà de ça.
Et l’alliance One World, quels seraient ses avantages ?
Je ne m’exprimerai pas sur ce point là, qui relève de la confidentialité. Ce sera présenté au CA, qui débattra, et l’équipe d’encadrement d’ATN est à la disposition des administrateurs pour répondre à toutes leurs questions sur ces dossiers, arrivés à un stade final. Maintenant, il faut des décisions.
Quel intérêt ces alliances ont-elles à accepter ATN en leur sein ?
Je crois qu’aujourd’hui ATN a une position particulière sur plusieurs axes. Nous sommes le seul opérateur avec AF sur la ligne Paris/Papeete, et sur la ligne Paris/Los Angeles, nous avons des accords avec Japan Airlines et Qantas pour la zone Pacifique, donc nous avons, avec notre petite taille, une valeur ajoutée à apporter à ces alliances qui n’ont pas de partenaires potentiels équivalents dans la zone Pacifique.
Ces deux points seront donc évoqués mercredi prochain. Revenons sur ce qui n’a pas satisfait le CA vendredi dernier. Les administrateurs ont été déçus de vos propositions sur la réduction de la masse salariale. Pourquoi ?
On n’est pas rentré dans le détail. Ce qui est clair, c’est que réduire la masse salariale dans une entreprise, ça ne se fait pas en quelques semaines ni en quelques mois. Des accords ont été signés, ils doivent être respectés. Aujourd’hui, on a deux postes sur lesquels on peut essayer de travailler : les salaires, et les effectifs. Peut-être qu’il faudra travailler sur ces deux postes en parallèle. Parlons du sureffectif. Je reconnais clairement que nous avons un sureffectif compris entre 80 et 100 personnes…
… ces estimations partent du principe qu’ATN se sépare de son 5ème avion. Il est loué, ça y est ?
Il est en phase de commercialisation mais toujours dans la flotte d’ATN. Donc nous avons un sureffectif au niveau du personnel navigant commercial (stewards et hôtesses). Je considère qu’il n’y a pas de sureffectif au niveau des pilotes, mais qu’il y en a dans certaines directions au sol. Maintenant, il faut travailler avec les syndicats. Je préfère opter pour un plan de départ volontaire, plutôt qu’un plan social, qui a des conséquences humaines et sociales sur l’entreprise.
Un plan de départ volontaire n’est-il pas plus coûteux ?
Dans les deux cas, il faut être clair, ça a un coût. Il faut bien anticiper le coût, et le résultat attendu. Et ce n’est pas un exercice facile. Le deuxième volet sur lequel nous travaillons, c’est l’allègement de la masse salariale. C’est-à-dire les rémunérations, l’indexation des salaires sur l’indice du coût de la vie, le 13ème mois… Nous devons encore avancer avec les organisations syndicales pour ensuite convaincre les salariés de faire des efforts. Aujourd’hui l’avancement des discussions est insatisfaisant, les administrateurs l’ont remarqué et ils ont exprimé un mécontentement qui est tout à fait normal. Je suis le premier à dire que la situation sur ce volet là n’est pas satisfaisante.
Ça veut dire que la CA vous l’a demandé trop tôt, ou qu’il fallait que les administrateurs disent leur mécontentement pour que les choses avancent en interne ?
Tout cela est très subjectif. Il faut que les organisations syndicales prennent conscience qu’on ne peut pas rester comme on est aujourd’hui. Est-ce que ce qui s’est passé vendredi va aider à une prise de conscience plus forte des organisations syndicales, sincèrement, pour l’avenir des emplois dans cette entreprise, je le souhaite.
Vous avez des réunions prévues avec les syndicats ?
Je continue à travailler, quels que soient les événements. On a eu une réunion ce matin, j’ai une réunion lundi matin, et je continue à poursuivre les négociations. Il n’est pas question d’arrêter nos travaux.
Vous pensez pouvoir arriver à un accord ?
(silence). Nous avons reçu des propositions, et à ce titre je les en remercie, de l’Union pour l’Avenir d’Air Tahiti Nui, qui a consulté ses adhérents. Il s’agit de 4 organisations syndicales sur les 12 de la société, cela veut dire qu’il y a un début de prise de conscience. Mon souhait est que les autres suivent.
Certains syndicats vous sont hostiles, la grève de juin l’a montré. Vous n’avez pas peur qu’ils bloquent les négociations ?
Chacun assumera la responsabilité de ses actes. On ne parle pas de l’avenir de Cédric Pastour, on parle de l’avenir de 780 emplois.
Vous avez l’intention de continuer ce combat ?
Je rappelle qu’on est venu me chercher pour diriger cette entreprise. J’ai été nommé dans le cadre d’un mandat d’un an qui se termine le 17 décembre 2011. Le CA décidera de poursuivre ou non mon mandat. Si le CA me demande de poursuivre le travail dans les mêmes termes que ce qui avait été négocié l’année dernière, je poursuivrai mon travail. S’ils souhaitent changer les règles du jeu, j’arrêterai de diriger cette entreprise.
Vous avez senti une amélioration dans vos relations avec Oscar Temaru ?
Je ne souhaite pas rentrer dans des débats de personnes. Ce qui est difficile, c’est qu’Oscar Temaru cumulant les fonctions de président avec celle de ministre des transports internationaux et du tourisme, l’accessibilité n’est pas celle que j’avais auparavant avec mon ministre de tutelle.
Revenons sur vos prévisions en ce qui concerne le déficit de la compagnie en 2011. Les prévisions sont à la hausse ?
Pas du tout, elles sont à la baisse. Je m’explique. A ma prise de fonctions, le 17 décembre dernier, le budget de l’année 2011 avait déjà été établi par mon prédécesseur. Il prévoyait un déficit de 811 millions de francs, hypothèse établie sur un pétrole à 110$ le baril. Or depuis ma prise de fonctions, le pétrole se situe entre 120 et 130$ le baril. L’hypothèse de début d’année ne pouvait donc pas être tenue. Deux chiffres. ATN a dépensé en 2010 huit milliards pour payer son carburant. En 2011, la facture, si le baril n’augmente pas, sera de 10,5 milliards. C’est donc un écart, sur le seul poste carburant, de 2,5 milliards. Le 24 mai dernier, nous avons tenu un CA où nous avions anticipé une perte de 1,9 milliards. Vendredi dernier, nous avons réactualisé nos hypothèses, qui sont meilleures que ce que nous pensions au mois de mai. Nous l’estimons entre 1,1 et 1,3 milliards. Donc c’est une perte supérieure à ce que nous avions prévu dans le budget, mais parfaitement compréhensible, et qui est sous contrôle.
Cela doit également repousser vos prévisions de retour à l’équilibre…
Le carburant est un poste tellement énorme pour une compagnie aérienne…Nous pourrions être proches de l’équilibre, mais il faudrait une convergence de trois facteurs : que le carburant reste à ce niveau, que nous réussissions à réduire la masse salariale, et que nous continuions le travail de réduction des coûts sur d’autres postes. Un exemple : nous avons lancé il y a quelques semaines un appel d’offres international pour renouveler le contrat de maintenance des moteurs des avions. Ce sont des sommes considérables. J’espère obtenir des réductions de prix. On ne peut pas faire un business plan tant qu’on ne connaît pas ce montant.
Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui pour avancer ?
Ce n’est pas impossible de redresser cette entreprise, mais il faut que tout le monde rame dans la même direction, pour reprendre une image polynésienne.
La tâche est un peu plus ardue que vous ne vous y attendiez ?
Oui.
Cédric Pastour espère donc désormais « une prise de conscience » des syndicats, afin de faire aboutir les négociations et lancer un plan de départs volontaires. 4 d’entre eux, réunis au sein de l’Union pour l’Avenir d’Air Tahiti Nui, le soutiennent. Les autres ont démontré en juin dernier qu’ils étaient loin de suivre aveuglément leur PDG, et sont manifestement plus difficiles à convaincre.
Le PDG d’Air Tahiti Nui compte donc se donner un peu plus de temps pour avancer sur ces sujets. En attendant, Cédric Pastour demande au CA de trancher sur deux points, urgents selon lui : l’intégration de la compagnie dans une alliance aérienne, un dossier « en phase finale ». Deux options sont possibles : l’intégration au sein de Sky Team (Air France/KLM/Delta, entre autres) ou bien de One World (American Airlines/ British Airlines/ Iberia principalement). Deuxième dossier "chaud" : la réduction du capital, une obligation légale pour ATN qui a jusqu’au 31 décembre 2011 pour l'exécuter.
Cédric Pastour a inscrit ce matin ces deux points à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration, qu’il a convoqué le mercredi 2 novembre. « On ne parle pas de l’avenir de Cédric Pastour, on parle de l’avenir de 780 emplois » rappelle-t-il dans cette interview « fleuve », que Tahiti Infos a choisi de publier dans son intégralité.
Tahiti Infos : Pourquoi le Conseil d’Administration (CA) de vendredi a-t-il été écourté ?
Cédric Pastour : L’équipe de direction a présenté aux administrateurs à la fois les hypothèses réactualisées de déficit au 31 décembre 2011, et le business plan pour les années 2012, 2013 et 2014. A l’issue de cette présentation, la majorité des administrateurs se sont montrés insatisfaits, déçus, de constater qu’il n’y avait pas d’avancée marquante avec les organisations syndicales, concernant la baisse de la masse salariale. C’est un point de vue que je partage totalement. Ce business plan en l’état n’est pas satisfaisant, et doit être amélioré. On a donc convenu se rencontrer entre actionnaires privés et publics, pour discuter et le cas échéant définir un nouveau pacte d’actionnaire. Cette volonté, je la trouve tout à fait légitime et je la comprends. Là où j’ai exprimé mon désaccord, c’est que de mon point de vue, il n’y avait pas de justification à ajourner tous les autres sujets à l’ordre du jour, car certains sont urgents. C’est pour cela que j’ai pris la décision ce matin de convoquer un nouveau conseil d’administration pour mercredi prochain, pour aborder deux points : la réduction du capital, sujet ouvert depuis de longs mois, et le sujet concernant les alliances aériennes mondiales.
Quel est le niveau d’urgence en ce qui concerne la réduction du capital ?
C’est une obligation légale au 31 décembre 2011. Le temps passe, et pour moi il est urgent d’avancer sur ce sujet. Je m’explique. Lorsqu’on constate, comptablement parlant, que les capitaux propres sont inférieurs à 50% du capital social, le CA doit se prononcer pour continuer l’activité de l’entreprise ou l’arrêter. En 2009, le CA s’est prononcé pour la poursuite de l’activité d’ATN. La compagnie avait dès lors deux ans pour reconstituer ses capitaux propres. Puisque que nous n’avons pas aujourd’hui de nouvel investisseur, et que le pays ne peut pas remettre de l’argent dans l’entreprise puisque la loi impose de ne pas dépasser 85% du capital, la seule solution est de réduire le capital social pour effacer les pertes du passé. C’est un exercice purement théorique d’écriture comptable, mais c’est un passage obligé. Ça ne change rien à la valeur de l’entreprise.
Il a donc été impossible de trouver des investisseurs privés ?
J’ai commencé à prendre des contacts au début de mon mandat, mais nous sommes dans un contexte économique mondial extrêmement déprimé. Il est utopique de penser qu’un investisseur qui n’est pas intéressé par le Fenua puisse investir dans une compagnie aérienne qui n’a pas encore démontré sa capacité à être rentable.
Il faudra donc attendre encore quelques années ?
C’est mon sentiment. Si j’ai tort, je serai prêt à faire mon mea culpa. Mais trouver des investisseurs pour une compagnie aérienne aujourd’hui, c’est du domaine de l’impossible.
Avez-vous songé à prendre des parts dans cette entreprise ?
Non, à aucun moment. Ce n’est pas du tout dans mes intentions. Certaines mauvaises langues ont fait courir le bruit que je réduisais le capital pour ensuite prendre le contrôle de l’entreprise. Ça fait partie de ce que je considère être des affirmations absurdes.
Vous dites souhaiter des prises de décisions rapides sur les alliances aériennes. Un accord pourrait être rapidement conclu ?
Ce projet d'une alliance aérienne a été engagé en 2007. Je n’ai fait que prolonger un travail initié bien avant ma prise de fonction. C’est un sujet compliqué, et on peut dire aujourd’hui que nous sommes prêts à présenter au CA deux propositions d’accords commerciaux avec deux grandes alliances mondiales : d’une part l’alliance Sky Team, composée principalement du couple Air France/Delta, et d’autre part l’alliance One World avec American Airlines/ British Airlines/ Iberia. Ces deux accords présentent chacun des avantages et des inconvénients pour ATN, mais au global plus d’avantages que d’inconvénients. Il faut maintenant que le CA en débatte, nous donne des orientations, pour que nous puissions finaliser ce travail qui est très important pour l’avenir d’ATN et pour l’avenir des flux touristiques du Fenua.
Est-ce que ça a un sens de s’allier avec Air France (AF), qui est la seule compagnie concurrente sur cette destination ? N’est-ce pas retirer à ATN sa raison d’être ?
On ne peut pas poser la question en ces termes. Il y a quelques années, vous auriez posé la bonne question, car c’était AF d’un côté, ATN de l’autre. On parle là d’un accord possible entre ATN et toutes les compagnies membres de Sky Team, donc Alitalia, KLM, et surtout Delta. Les choses se sont beaucoup complexifiées ces dernières années. On ne parle plus d’un partenariat entre deux compagnies. Ça va bien au-delà de ça.
Et l’alliance One World, quels seraient ses avantages ?
Je ne m’exprimerai pas sur ce point là, qui relève de la confidentialité. Ce sera présenté au CA, qui débattra, et l’équipe d’encadrement d’ATN est à la disposition des administrateurs pour répondre à toutes leurs questions sur ces dossiers, arrivés à un stade final. Maintenant, il faut des décisions.
Quel intérêt ces alliances ont-elles à accepter ATN en leur sein ?
Je crois qu’aujourd’hui ATN a une position particulière sur plusieurs axes. Nous sommes le seul opérateur avec AF sur la ligne Paris/Papeete, et sur la ligne Paris/Los Angeles, nous avons des accords avec Japan Airlines et Qantas pour la zone Pacifique, donc nous avons, avec notre petite taille, une valeur ajoutée à apporter à ces alliances qui n’ont pas de partenaires potentiels équivalents dans la zone Pacifique.
Ces deux points seront donc évoqués mercredi prochain. Revenons sur ce qui n’a pas satisfait le CA vendredi dernier. Les administrateurs ont été déçus de vos propositions sur la réduction de la masse salariale. Pourquoi ?
On n’est pas rentré dans le détail. Ce qui est clair, c’est que réduire la masse salariale dans une entreprise, ça ne se fait pas en quelques semaines ni en quelques mois. Des accords ont été signés, ils doivent être respectés. Aujourd’hui, on a deux postes sur lesquels on peut essayer de travailler : les salaires, et les effectifs. Peut-être qu’il faudra travailler sur ces deux postes en parallèle. Parlons du sureffectif. Je reconnais clairement que nous avons un sureffectif compris entre 80 et 100 personnes…
… ces estimations partent du principe qu’ATN se sépare de son 5ème avion. Il est loué, ça y est ?
Il est en phase de commercialisation mais toujours dans la flotte d’ATN. Donc nous avons un sureffectif au niveau du personnel navigant commercial (stewards et hôtesses). Je considère qu’il n’y a pas de sureffectif au niveau des pilotes, mais qu’il y en a dans certaines directions au sol. Maintenant, il faut travailler avec les syndicats. Je préfère opter pour un plan de départ volontaire, plutôt qu’un plan social, qui a des conséquences humaines et sociales sur l’entreprise.
Un plan de départ volontaire n’est-il pas plus coûteux ?
Dans les deux cas, il faut être clair, ça a un coût. Il faut bien anticiper le coût, et le résultat attendu. Et ce n’est pas un exercice facile. Le deuxième volet sur lequel nous travaillons, c’est l’allègement de la masse salariale. C’est-à-dire les rémunérations, l’indexation des salaires sur l’indice du coût de la vie, le 13ème mois… Nous devons encore avancer avec les organisations syndicales pour ensuite convaincre les salariés de faire des efforts. Aujourd’hui l’avancement des discussions est insatisfaisant, les administrateurs l’ont remarqué et ils ont exprimé un mécontentement qui est tout à fait normal. Je suis le premier à dire que la situation sur ce volet là n’est pas satisfaisante.
Ça veut dire que la CA vous l’a demandé trop tôt, ou qu’il fallait que les administrateurs disent leur mécontentement pour que les choses avancent en interne ?
Tout cela est très subjectif. Il faut que les organisations syndicales prennent conscience qu’on ne peut pas rester comme on est aujourd’hui. Est-ce que ce qui s’est passé vendredi va aider à une prise de conscience plus forte des organisations syndicales, sincèrement, pour l’avenir des emplois dans cette entreprise, je le souhaite.
Vous avez des réunions prévues avec les syndicats ?
Je continue à travailler, quels que soient les événements. On a eu une réunion ce matin, j’ai une réunion lundi matin, et je continue à poursuivre les négociations. Il n’est pas question d’arrêter nos travaux.
Vous pensez pouvoir arriver à un accord ?
(silence). Nous avons reçu des propositions, et à ce titre je les en remercie, de l’Union pour l’Avenir d’Air Tahiti Nui, qui a consulté ses adhérents. Il s’agit de 4 organisations syndicales sur les 12 de la société, cela veut dire qu’il y a un début de prise de conscience. Mon souhait est que les autres suivent.
Certains syndicats vous sont hostiles, la grève de juin l’a montré. Vous n’avez pas peur qu’ils bloquent les négociations ?
Chacun assumera la responsabilité de ses actes. On ne parle pas de l’avenir de Cédric Pastour, on parle de l’avenir de 780 emplois.
Vous avez l’intention de continuer ce combat ?
Je rappelle qu’on est venu me chercher pour diriger cette entreprise. J’ai été nommé dans le cadre d’un mandat d’un an qui se termine le 17 décembre 2011. Le CA décidera de poursuivre ou non mon mandat. Si le CA me demande de poursuivre le travail dans les mêmes termes que ce qui avait été négocié l’année dernière, je poursuivrai mon travail. S’ils souhaitent changer les règles du jeu, j’arrêterai de diriger cette entreprise.
Vous avez senti une amélioration dans vos relations avec Oscar Temaru ?
Je ne souhaite pas rentrer dans des débats de personnes. Ce qui est difficile, c’est qu’Oscar Temaru cumulant les fonctions de président avec celle de ministre des transports internationaux et du tourisme, l’accessibilité n’est pas celle que j’avais auparavant avec mon ministre de tutelle.
Revenons sur vos prévisions en ce qui concerne le déficit de la compagnie en 2011. Les prévisions sont à la hausse ?
Pas du tout, elles sont à la baisse. Je m’explique. A ma prise de fonctions, le 17 décembre dernier, le budget de l’année 2011 avait déjà été établi par mon prédécesseur. Il prévoyait un déficit de 811 millions de francs, hypothèse établie sur un pétrole à 110$ le baril. Or depuis ma prise de fonctions, le pétrole se situe entre 120 et 130$ le baril. L’hypothèse de début d’année ne pouvait donc pas être tenue. Deux chiffres. ATN a dépensé en 2010 huit milliards pour payer son carburant. En 2011, la facture, si le baril n’augmente pas, sera de 10,5 milliards. C’est donc un écart, sur le seul poste carburant, de 2,5 milliards. Le 24 mai dernier, nous avons tenu un CA où nous avions anticipé une perte de 1,9 milliards. Vendredi dernier, nous avons réactualisé nos hypothèses, qui sont meilleures que ce que nous pensions au mois de mai. Nous l’estimons entre 1,1 et 1,3 milliards. Donc c’est une perte supérieure à ce que nous avions prévu dans le budget, mais parfaitement compréhensible, et qui est sous contrôle.
Cela doit également repousser vos prévisions de retour à l’équilibre…
Le carburant est un poste tellement énorme pour une compagnie aérienne…Nous pourrions être proches de l’équilibre, mais il faudrait une convergence de trois facteurs : que le carburant reste à ce niveau, que nous réussissions à réduire la masse salariale, et que nous continuions le travail de réduction des coûts sur d’autres postes. Un exemple : nous avons lancé il y a quelques semaines un appel d’offres international pour renouveler le contrat de maintenance des moteurs des avions. Ce sont des sommes considérables. J’espère obtenir des réductions de prix. On ne peut pas faire un business plan tant qu’on ne connaît pas ce montant.
Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui pour avancer ?
Ce n’est pas impossible de redresser cette entreprise, mais il faut que tout le monde rame dans la même direction, pour reprendre une image polynésienne.
La tâche est un peu plus ardue que vous ne vous y attendiez ?
Oui.